- Qu’est-ce que le fait d'avoir une couleur préférée dit de nous ?
- Si l'on réfléchit un peu, cela veut dire : j'aimeraii être rangé dans le groupe des personnes qui vont répondre « vert » à cette question. Le goût individuel n'existe pas sans passer par Ie regard des autres. Nous vivons en société ; tout ce que nous aimons, détestons, fuyons, approchons, se détermine par rapport aux autres. Paradoxalement, quand les personnes disent fuir la mode, cela montre qu'elles sont encore plus influencées que d'autres par les modes, qu'elles en tiennent compte. De même, avoir une couleur préférée, cela touche nos comportements.
- Il y aurait donc des traits communs aux personnes qui aiment le vert ?
- Du point de vue psychologique, je ne crois pas, mais du point de vue sociologique, il ne serait pas étonnant de trouver des caractères communs. Par exemple, partout en Europe, depuis les premières enquêtes d'opinion à la fin du XIXe siècle, la couleur préférée est le bleu. Les résultats sont toujours les mêmes malgré les changements de société. Une personne sur deux choisit le bleu, quels que soient son sexe, son époque, son milieu socioculturel, son pays. On peut l'expliquer sur au par le fait que le bleu, c'est neutre. Quand on dit : « J'aime le bleu », Nommé on ne révèle pas grand-chose, c'est pratique consensuel, c'est pacifique, ça ne fait pas de vague. Mais c'est culturel : les mêmes enquêtes au Japon ou en Afrique noire vont donner des résultats différents.
(Conversation avec Michel Pastoureau)
- Quelle est votre devise ?
- "Demain peut-être." C'est une devise d'espérance. En même temps, c'est un moyen de procrastiner. J'en avais une autre, que j'ai fini par changer car elle n'était pas très politiquement correcte : "Le changement tue le rêve." Cela veut dire que le rêve qui se réalise... tue le rêve. Dans mon expérience, j'ai souvent éprouvé que, quand le bonheur arrive, le charme est rompu. Le bonheur, c'est l'attente du bonheur.
(Conversation avec Michel Pastoureau)