Cher papa, rien de toi ne m’est cher. Ces deux syllabes, pa-pa, se répètent comme un refus.
On apprend dans les épreuves qu'on ne peut jamais être sûr de rien. Et que l'espoir est le seul moteur qui fait avancer. Même les fous espèrent.
Les mots et les images peuvent être trompeurs, tout comme les sentiments. Rien ne résiste au temps.
Ecrire, parfois, c'est faire l'amour. Trouver le mot juste, entendre la phrase résonner comme une partition réussie. C'est aussi une part de magie que nul n'explique.
Je mélange les somnifères, les anxiolytiques, les antidépresseurs et une bonne dose d’alcool pour avaler ces bonbons du malheur. Je lance un pari sur une rasade de Martini rouge ou de whisky. Juste après je me rends chez mon psychanalyste.
« L’écriture n’est pas une thérapie pour moi, elle est ma vie, en dehors de la dépression »
J’ai connu les hôpitaux et les cliniques psychiatriques, de longs séjours après des tentatives de survie, comme je les appelle. C’est d’ailleurs un médecin qui me dira: “Vous savez, avec ce que vous avez avalé, un autre y serait resté. Certains cœurs lâchent pour trois fois rien.” Certes, mais pas le mien.
Je pense à toute l’énergie qu’il me faut pour écrire un livre, à cette sensation de vide ensuite, le vertige. Si la fatigue est bien un des facteurs de la dépression, je m’interroge sur la partie inconsciente du travail d’écriture. J’ai été journaliste une dizaine d’années. J’ai notamment interviewé un écrivain vénitien qui m’a expliqué, dans une chambre d’hôtel, rue Vaneau, que pour tous ceux qui n’écrivent pas, une feuille blanche a juste une longueur et une largeur. Pour l’écrivain, elle a surtout une profondeur, dans laquelle l’auteur va chercher les personnages et l’histoire. Mon inconscient, de toute façon, a toujours quelque chose à dire.
Je n’imagine jamais que le monde puisse être foncièrement mauvais. Le mien est un miroir imaginaire où se reflète la bonté des gens que j’aime. Avoir de l’empathie, c’est voir l’autre comme il est et cesser de l’imaginer comme un personnage de roman. Toute ma vie, j’ai rencontré des anonymes exceptionnels, particulièrement dans les hôpitaux psychiatriques, dénués de toute malveillance, et je sais bien qu’en dehors de ces hauts murs la vérité est tout autre. La bienveillance est rare.
Je suis incapable de me souvenir du nombre. Une dizaine, peut-être ? Je me suis heurté à l’incompréhension de mes proches. Rien de plus normal. A priori, une tentative de suicide est une manière brutale d’interrompre les souffrances. Mais pas pour moi. Chaque suicide est une manière de défier la mort et une comédie. Une manière de dire « ça suffit » et de repartir de zéro. Tut-tut, je vous ai bien eus. Je mélange les somnifères, les anxiolytiques, les antidépresseurs et une bonne dose d’alcool pour avaler ces bonbons du malheur. Je lance un pari sur une rasade de Martini rouge ou de whisky. Juste après, je me rends chez mon psychanalyste. Je ne sais pas où je trouve la force d’arriver jusqu’à son cabinet. Je tombe dans la rue, plusieurs fois. Mon front saigne et tache ma chemise. Je m’écroule sur le divan et perds conscience.