Lydia Beauchamp, une vieille dame ratatinée par l'âge, au poignet présentement cassé, vit solitaire dans son domaine de Trawbawn, magnifique propriété avec vue sur mer dont elle fait visiter les jardins exceptionnels puisqu'elle est une paysagiste à la renommée internationale. Rapidement, le lecteur apprend que la solitude de Lydia n'est pas volontaire. Sa fille Grace s'est enfuie à 17 ans et n'a plus de contacts avec sa mère, précisément depuis que celle-ci l'a fortement incitée à mettre au monde un bébé-de-père-non-révélé par la fautive, puis à s'en débarrasser dans une institution pour filles « déchues », tenue par l'Eglise anglicane irlandaise réputée pour ses couvents où des bonnes soeurs, au nom d'une morale, du maintien de l'ordre ou d'une religion, se livrent par charité chrétienne avec la complicité des familles et des autorités, au placement ou à défaut, à l'élimination et à l'inhumation de bébés bien involontairement subversifs.
Bref, Grace traîne sa vie durant, et bien qu'elle ait réussi à construire une famille, la douleur d'avoir dû abandonner son petit garçon, vêtu, le jour de son adoption, d'un "gansey" qu'elle lui avait tricoté, tandis que Lydia rumine sa culpabilité, ses nombreuses culpabilités. Lydia, charmante mamie inoffensive ?
Grace est devenue enseignante et donne bénévolement, comme pour mettre sa souffrance au service d'autres victimes, un cours d'écriture dans une prison de femmes.
Julie Parsons émaille et rythme son roman d'extraits des écrits des détenues, tous plus poignants les uns que les autres, abandons, incestes, violences conjugales, alcoolisme, toxicomanies, qui rappellent sans voyeurisme combien et comment les femmes sont méprisées, maltraitées, ici ou ailleurs, hier comme aujourd'hui et sans doute demain encore. Mais il s'agit aussi d'un roman sur les secrets de famille, que l'on ne veut pas révéler par crainte de faire mal à ceux qui en deviennent les récipiendaires, et qui finissent par détruire des générations entières d'enfants ou petits-enfants qui en sont les victimes, quelquefois par bienveillance. Un sujet universel, traité avec sensibilité et réalisme qui se referme sur une très belle maxime :
" Veritatem dies aperit".
Le temps qui passe révèle la vérité.