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Ouvrir un roman de Frédéric PAULIN, c'est s'approcher de la violence des hommes. Et avec son dernier roman, l'auteur nous plonge au coeur du maelstrom.

Il y a Wad, de son prénom Chrétien (il y a des parents bizarres tout de même….), thésard mais surtout trotskiste.

Lors d'une manif, il sauve Nathalie, elle plutôt toto, comprenez (si vous êtes néophyte comme moi) mouvance autonome.

Pour l'anecdote, j'en étais restée à la querelle Trotski-Staline et au meurtre du premier. Après, je n'ai plus suivi les divergences de doctrines. Je ferme la parenthèse.

Ensemble, ils vont grossir les rangs du contre-G8 du Gênes de juillet 2001. Ils rejoignent les Tute Bianche (les tuniques blanches), mouvement de résistance passive qui disparaitra à cette occasion. RIP.

Il y a Génovéfa, la journaliste du JDD qui décide de couvrir l'événement, en ayant assez de couvrir de faux événements, comme le dernier vol du Concorde.

Il y a Laurent Lamar, le communiquant de l'Elysée qui voue un culte à Jacques Chirac (et oui, à l'époque, c'était encore le pantagruélique président), et qui va se retrouver entre le marteau et l'enclume, comprenez entre la DST et la sécurité italienne et son retors Calvini.

Carli, chef du service d'ordre, et aimant l'ordre à la fasciste, fait déployer l'équivalent des forces spéciales dans la ville de peur des débordements.

L'action se déroule en juillet, sous un soleil torride qui échauffe les esprits.

Si j'ai eu un peu de mal avec les différents acronymes et factions gauchistes de la lutte contre la mondialisation, l'auteur a fini par m'entraîner au coeur de ces jours fatidiques qui, s'ils n'ont pas changés la face du monde, lui ont mis un sacré coup.

Mais à quels prix : des jeunes adultes brisés physiquement et mentalement.

Car si certains personnages disent éprouver du plaisir à casser les magasins de la Grande Consommation et autres banques, ce sont avant tout des enfants idéalistes qui ne méritaient pas de tomber face à des fascistes déchaînés avançant eux aussi en meute.

J'ai aimé l'ironie de l'auteur : Et tout ça se déroule sous un soleil magnifique, le bleu du ciel est cinégénique. Il fait si chaud, la mer doit être agréable. (p.22)

Le style est concis, les phrases s'enchainent vite, comme si il y avait une certaine urgence à raconter.

Pendant ma lecture me revenaient en mémoire les émeutes des gilets jaunes, le déchainement de violence de part et d'autre.

Comme si nous étions condamné à cette violence pour nous faire entendre.

Une citation :

On entend partout « La violence, c'est mal. ». Qui nous vend ce discours à ton avis ? Ben moi je vais te le dire : ce sont ces huit mecs barricadés dans la zone rouge en ce moment. Les huit mecs les plus violents du monde. (p.179)

L'image que je retiendrai :

Celle des coulées de sang sur les murs de l'école Diaz dans laquelle les manifestants ont été pris au piège à minuit.
Lien : https://alexmotamots.fr/la-n..
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Frédéric Paulin poursuit son exploration des manipulations et des violences historiques. La brutalité des faits, de la répression policière, du contre-sommet du G8 à Gêne, en 2001, lui fournit alors une trame exemplaire. La nuit tombée sur nos âmes, animée d'une saine colère, montre l'enchaînement tragique et plonge le lecteur au coeur même d'une mouvance contestataire justement décrite.
Lien : https://viduite.wordpress.co..
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Service de presse.



Policiers, manifestants ou habitants, quelles que soient d'ailleurs les parties prenantes et quelles que soient les villes où cela s'est déroulé, il est difficile d'imaginer que l'on ait pu oublier les événements qui ont jalonné les contre-manifestations du G8. Pour ce qui me concerne, je garde toujours en mémoire les images du contre-G8 se déroulant à Genève où j'officiais déjà en tant que jeune policier. C'était le 2 juin 2003 et je revois encore clairement les quelques scènes qui ont marqué mon esprit que ce soit les commerces barricadés, ce fameux samedi soir où toutes les vitrines de la grande rue commerçante de la ville ont été brisées par un groupuscule de casseurs, la grande manifestation de dimanche rassemblant près de 30'000 participants et les débordements qui ont suivi, au terme de la journée avec son cortège de commerces saccagés, parfois pillés, ainsi que les confrontations avec le fameux black bloc. Je me souviens encore de l'adrénaline, mais également de l'appréhension qui m'habitait durant les différentes phases de ces longues journées, soirées et nuits chargées de tensions. Je me souviens aussi de la fatigue et du soulagement lorsque tout cela s'est terminé. Au mois de juillet 2001, Frédéric Paulin s'est rendu à Gênes pour participer au contre-sommet du G8 qui a viré à la tragédie. Vingt ans plus tard, lui non plus n'a rien oublié et reste marqué par des événements terribles qui se sont soldés notamment par la mort d'un manifestant, Carlo Giuliani, abattu par un carabinieri. Comme pour exorciser un fardeau qui pèse encore sur ses épaules, Frédéric Paulin a donc choisi d'intégrer son témoignage par le prisme d'un magistral roman coup de poing, La Nuit Tombée Sur Nos Ames, qui revient sur les événements jalonnant les trois jours d'une ville de Gênes prenant l'allure d'un camp retranché pour abriter les dirigeants d'un sommet conspué par des milliers de manifestants.

Nathalie Deroin et Chrétien Wagenstein, que tout le monde surnomme Wag, sont un couple de militants d'extrême gauche, coutumiers des manifestations tournant à la confrontation avec les forces de l'ordre que ce soit en France ou à l'étranger, comme à Göteborg à l'occasion du contre-sommet du G8. Désormais, c'est à Gênes qu'ils se rendent pour grossir les rangs des 500'000 manifestants qui disent non au nouvel ordre mondial des dirigeants du G8 se réunissant dans un centre-ville qui prend l'apparence d'une cité assiégée. Mais le grand raout des altermondialistes tourne court avec des confrontations d'une extrême violence entre des groupuscules de manifestants déchaînés et des forces de l'ordre débridées et dirigées par un pouvoir italien qui instaure une stratégie de la tension sans précédent. Qu'ils soient manifestants, journalistes ou flics infiltrés, tous vont observer, durant ces trois jours, cette fureur qui s'abat sur la ville, en atteignant son paroxysme avec la mort d'un jeune manifestant, tué d'une balle dans la tête par un policier, mais aussi avec de terribles exactions du côté de l'école Diaz et de la caserne Bolzaneto où le déploiement des forces de l'ordre va prendre, peu à peu, l'allure d'un règlement de compte sauvage, ponctué d'actes de tortures sadiques. Pris au coeur de cette tempête de violence effrénée que vont devenir Nath et Wag ?

Le talent de Frédéric Paulin, repose déjà sur l'originalité des sujets sensibles de notre histoire récente qu'il traite en évoquant notamment le terrorisme islamiste sur l'espace de trois décennies débutant avec La Guerre Est Une Ruse (Agullo 2018) abordant la guerre civile qui sévissait en Algérie durant les années 90, suivi des Prémices de la Chute (Agullo 2019) restituant le parcours de l'organisation terroriste Al-Quaïda pour s'achever avec La Fabrique de la Terreur (Agullo 2020) qui se concentrait sur la guerre en Syrie et l'embrigadement des jeunes dans l'armée de Daech. de trois décennies on passe à un laps de temps de trois jours avec La Nuit Tombée Sur Nos Ames qui dépeint avec une précision chirurgicale le déroulement du contre-sommet du G8 à Gênes avec cette tension permanente qui plane sur l'ensemble d'un récit restituant l'atmosphère dantesque régnant dans les rues surchauffées de la ville. Tout y est parfaitement restitué que ce soit l'ambiance au sein des grands cortèges défilant dans les artères de la cité, ou le fracas des échauffourées, nimbées de nuages de gaz lacrymogène, qui tournent parfois à la tragédie avec, en toile de fond cette musique tonitruante résonnant sur les façades des immeubles pour clamer la rage et la colère des manifestants. Avec le mot juste et la phrase précise qui caractérisent l'écriture de Frédéric Paulin, le lecteur ressent ainsi cette tension permanente planant sur l'ensemble d'une galerie de personnages ambivalents, parfois troublants à l'instar de Wag endossant le rôle de preux chevalier auprès de Nath, la rebelle anarchiste qui fait partie du black bloc, dont il est fou amoureux, mais qui sert d'indic auprès de deux agents infiltrés de la DST qui l'accompagnent durant son périple gênois en devenant ainsi, par la force des choses, témoins des exactions de leurs collègues italiens tout comme Génovéfa Gicquel, journaliste française pour le Journal du dimanche et d'Erwan, photographe baroudeur, free-lance. Afin de ne pas sombrer dans le pamphlet, mais de dénoncer tout de même les dérives, Frédéric Paulin nous invite à adopter le point de vue du côté du sommet du G8 et des forces de l'ordre avec Franco de Carli chargé de la sécurité à Gênes qui rêve d'un grand retour du fascisme en Italie, de Laurent Lamar, chargé de la communication auprès du président Chirac et du caporal chef Dario Calvini, membre des carabinieri qui, de son propre aveux, aurait pu frayer avec le black bloc s'il ne s'était pas engagé dans la police. Des individus troubles autour desquels Frédéric Paulin pose quelques explications quant à la mentalité , voire même la culture d'entreprise, qui régit l'ensemble des forces de police dont de nombreux dirigeants se réclament de partis d'extrême-droite en encourageant l'usage de la force, ceci de manière immodérée comme en témoigneront les exactions commises à l'école Diaz et à la caserne Bolzaneto. Altermondialistes pacifistes versus anarchistes violents, Frédéric Paulin dépeint également de manière brillante les différents courants qui émergent au sein des manifestants avec cette sensation de disparité irréconciliable qui se cristallise avec la présence du fameux black bloc dont l'auteur démystifie certains aspects organisationnels ce qui explique l'aspect incontrôlable de ce mouvement. Il en résulte un roman âpre et passionnant dont la densité, mais également la pertinence des différents points du vue nous entraînent ainsi dans l'intensité d'un récit chargé d'une émotion brut qui va bouleverser à jamais l'âme de ceux qui ont participé à ce contre-sommet du G8 à Gênes qui vire à la tragédie en s'achevant de manière abrupte en nous laissant bouche bée pour finalement nous demander ce qu'il est advenu de tous les protagonistes sur lesquels planent un grande incertitude comme si la nuit était tombée sur leurs âmes.

Intégrant la précision des faits historiques au gré d'une intrigue solide qui prend l'allure d'un roman choral, La Nuit Tombée Sur Nos Ames devient l'un des ouvrages majeurs de cette rentrée littéraire avec un sujet sensible qui a pu sombrer dans l'oubli alors que deux mois plus tard survenaient les événements du 11 septembre changeant définitivement la face du monde.


Frédéric Paulin : La Nuit Tombée Sur Nos Ames. Agullo 2021.

A lire en écoutant : Riot van de Arctic Monkeys. Album : Whatever People Say I Am, That's What I'm Not. Domino Records 2016.
Lien : https://monromannoiretbiense..
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Rentrée littéraire #25

Superbe titre crépusculaire pour nous plonger en plein sommet du G8, à Gênes, 2001, au coeur des manifestations altermondialistes qui ont rassemblée près de 500 .000 personnes, et de la répression policière qui s'y est abattu avec une rare violence.

Une nouvelle fois, son récit permet d'éclairer le présent en expliquant le passé. Les manifestations anti-G8 ont posé les jalons des luttes actuelles, notamment environnementales, même si en 2001, les luttes étaient plus politiques et sociales. Surtout, vingt ans après, les plaies ne sont pas refermées, bien qu'en 2015 l'Italie ait été condamné par la cour européenne des Droits de l'Hommes pour n'avoir jamais cherché à identifier et poursuivre en justice les auteurs des violences policières ( autre thématique au coeur de l'actualité ).

Frédéric Paulin y était, au contre-sommet du G8. Et il a décidé de faire quelque chose de ce traumatisme, de ses souvenirs mais avec la même rigueur que celle déployée pour sa formidable trilogie Benlazar sur la naissance du terrorisme islamiste mondialisé. Il maitrise parfaitement le procédé consistant à mettre en scène des personnages ( fictifs ou pas ) évoluant dans des différentes strates ( des politiques, des policiers, des manifestants ) pour proposer une radiographie précise et complète des quatre journées du 19 au 22 juillet qu'il a choisies de raconter.

Même si on sent très fortement ses affinités, son roman ne tombe pas le manichéisme grâce aux regards croisés de personnages de son casting qui fonctionne par binôme : le couple de manifestants, un proche du NPA et une anarchiste ( pas celui qui m'a le plus accroché, duo un peu artificiellement construit mais qui permet d'évoquer les dissensions au sein de l'ultra-gauche ), deux flics français infiltrés, une journaliste et son photographe qui couvrent le sommet, un conseiller en comm' de Jacques Chirac dépassé par les événements et son alter ego italien fasciste revendiqué au service de Berlusconi.

Une fois le casting présenté et installé, le récit va à cent à l'heure et happe en alternant les points de vue. Frédéric Paulin a l'art de nous immerger au coeur de l'action, que ce soit dans les coulisses des stratégies politique et policière, ou en pleine manifestation hors de la zone rouge. On sent toute l'urgence de la situation dans la vivacité des dialogues directement intégrés au texte, comme dans un flot de passions qui déferlent sur le lecteur. Et c'est passionnant de voir comment les black blocs ont confirmé leur puissance à Gênes, après être apparus en 1991 lors de manifestations contre la première guerre du Golfe puis en 1999 lors du contre-sommet de l'OMC à Séville. Quant à l'épisode terrible de la répression sanglante à l'école Diaz ou celui de la mort de Carlo Giuliani tué par un projectile tiré par un carabinier, ils glacent d'effroi tant il fait écho aux spasmes de l'actualité récente.

Un auteur vraiment important dans ce qu'il dit du monde actuel. Pour ceux qui ne connaissent pas, je conseille vivement de découvrir le premier tome de la trilogie Benlazar, La Guerre est une ruse.
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En 2001, il y eu septembre. Mais une autre horreur s'est produite quelques semaines plus tôt : dans la canicule de juillet, la ville de Gênes recevait le G8.
Il fallait tout le talent de l'auteur pour rendre limpide ce qui s'est joué pendant ces trois jours de folie. Les jeux de dupes qui ont poussé la violence d'Etat à son paroxysme. Il fallait son travail d'orfèvre pour faire naviguer sans mal le lecteur au coeur des mouvements citoyens - altermondialistes et blacks blocs - et des magouilles mortifères des puissants.

Un roman basé sur des faits réels - la marque de fabrique de l'auteur - que j'ai lu avec un sentiment d'urgence ; d'urgence à révéler ; d'urgence à réagir.
Avec un sentiment d'indignation croissant aussi, à mesure que l'on découvre comment le fascisme crasse a pu détruire des vies, de nos jours, juste ici.
Un roman féroce, peut-être pas le plus littéraire de Frédéric Paulin, mais dans lequel il frappe encore très fort pour éveiller les consciences.
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Cher Vous,
Tu te souviens du G8 à Gênes en juillet 2001 ? Toutes les manifs qui avaient lieu en marge du truc ? La violence et la répression, il y a quand même eu un mec de tué, pis d'autres de torturés…
Bref, là où t'es à Gênes, il n'y a pas de plaisir…
Je sais, j'aurais pu m'abstenir de ce calembour foireux, mais, moi, tu me connais. :-)
Pour nous plonger au sein des altermondialistes et nous narrer ces jours tragiques, Paulin donne la parole à Nath et Wag, deux militants français d'extrême gauche qui partent en découdre là-bas.
Ils se croyaient prêts pour ça, pour une confrontation aux forces de l'ordre, faire connaître au monde que leur idéologie est à l'opposé du G8… Ils y croyaient… Ces quelques jours font les transformer à tout jamais, eux, et d'autres aussi.
On ne sort pas indemne d'un tel bain de violence, d'une telle répression.
Paulin est un mineur de fond de la littérature, il creuse dans la veine noire, bien noire. Et dans ce charbon, il arrive toujours à sortir un diamant.
Une fois de plus il réussit un magnifique roman, témoignage d'une époque pas si loin de nous. Il aime aller fouiller du côté des faits cachés, des non-dits, des vérités falsifiées. Il témoigne de la violence de notre époque.
Des points de vues différents sur les mêmes faits, des manifestants, des journalistes, des «infiltrés», des politiques, des flics italiens. Des façons d'agir, de ressentir totalement différentes, parfois opposées, parfois qui se rejoignent.
Un roman prenant, lourd et sombre qui fera, une fois de plus causer de Paulin.

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La nuit tombée sur nos âmes.
Encore un petit chef-d'oeuvre de Frédéric Paulin.

Juillet 2001 vous vous rappelez? Non.
Vous vous rappelez de septembre 2001, du 11 qui a recouvert tous les évènements de cette année là.

Le G8 (G8 = G7 + Poutine) se tenait à Gênes.
C'était la grande époque de l'altermondialisme, des forums sociaux, Porto Allegre venait d'avoir lieu en janvier. ATTAC était à la manoeuvre, Chirac était président et l'hurluBerlusconi dirigeait l'Italie avec l'extrème droite.

500 000 personnes envahissent Gênes, de toutes nationalités, des pacifistes, des black bloc. La ville est quadrillée. de grandes manifs sont organisées. Et le drame a eu lieu. Carlo Giuliani, souvenez-vous… Carlo Giuliani est mort.
Et les médias sont passés à autre chose, Comme d'hab.

Frédéric Paulin nous raconte par le menu ces 3 jours :Les manifestants (black bloc, LCR, pacifistes,…), les gouvernants ( Chirac et ses conseillers, Berlu et ses fachos), les flics et les journalistes. Les mêmes événements sont décrits selon chacun des points de vue sans analyse politique mais avec les ressorts psychologiques de chacun. On aime autant les black bloc que les balances. On comprend et on mesure 20 ans après l'ampleur de cet évènement qu'on avait presqu'oublié.

Lecture obligatoire bien-sur.
Merci Monsieur Paulin
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Toutes celles et tous ceux qui ont lu la « trilogie Benlazar » de Frédéric Paulin composée de :
- La Guerre est une ruse
- Les Prémices de la chute
- La Fabrique de la terreur
Toutes et tous savent de quoi l'auteur est capable.
Il a cette faculté de passionner ses lecteurs et lectrices sur un sujet difficile ou, comme ici, un évènement presque isolé, passé à la trappe, gommé par un évènement sans précédent qui a secoué la terre entière.
Un sommet du G8, regroupant les dirigeants des grandes « forces » mondiales, dont le but est de s'accorder ou en tout cas d'essayer, sur des sujets de politique, d'économie ou de stratégie, n'est pas forcément un des sujets que l'on attend avec impatience et que l'on suit avec fébrilité.
Frédéric Paulin, lui, a décidé de nous relater celui de juillet 2001, du côté de militants anti-mondialistes, de black-block, de jeunes gens pour qui un tel sommet est à l'opposé de ce qu'ils attendent.
Il nous parle de violence policière, de répression sous un gouvernement (très très) à droite en Italie à cette époque. Une Italie dirigée par Berlusconi.
Le fascisme, avant ou après 1945, a les mains pleines de sang, aucune pureté n'est sienne.
Il nous raconte cette violence policière sur laquelle les politiciens ferment les yeux, parfois l'encouragent, et qui mène à la mort des gamins. (On se souviendra au passage que ceci n'est pas l'apanage de l'Italie et on ne peut penser qu'à Rémi ou à Steve en lisant certains passages).
Nous sommes donc à Gênes en juillet 2001 parmi les contestataires de ces gouvernements capitalistes. Des militants d'extrême-gauche, infiltrés de policiers et de membres des diverses agences de renseignements des pays représentés au G8, dont la France. Nat est une black-block, Wag une taupe de la DGSE et ils sont amants. Ils vont vivre 3 jours de violence, de chaos.
Comme pour sa trilogie, Frédéric Paulin a visiblement effectué un travail de recherche impressionnant. Et de la même façon, il nous happe dans cette histoire et tout ce qu'on ne sait pas ou ne comprend pas devient limpide.
Si on se souvient parfaitement de l'attentat qui a secoué le monde entier deux mois après, pour ma part, je n'avais aucun souvenir de ces évènements s'étant déroulés dans un pays voisin. Ce qu'on a pu vivre ensuite, surtout ces dernières années, fait qu'on n'est même pas étonné que de telles choses aient pu arriver, qu'on est presque habitués à ce que la police soit synonyme de violence, de répression, de menace plutôt que de protéger et servir…
Encore une fois, j'ai été plongée dans un roman de Frédéric Paulin, comme infiltrée, moi aussi.
Toujours la même qualité, toujours la même force, l'auteur ne faiblit pas et on en redemande.

Lien : http://www.evadez-moi.com/ar..
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C'était il y a 20 ans. Gênes accueillait le G8.
Je me souviens très bien des infos qui nous montraient d'un côté les chefs d'états et de l'autre un demi-million de militants altermondialistes venus manifester un autre vision du monde de demain.
Je me souviens surtout de ces images qui faisaient peur. La ville saccagée par le black block. La mort d'un jeune italien.
Le Forum Social qui se déroulait en marge du somment était un évènement historique, mais on nous donnait une vision très partielles des choses.
On nous montrait une ville en émeute et des méchants casseurs. Très peu de voix pour évoquer la répression policière et je ne suis pas sure d'avoir profondément réfléchi à tout ça à l'époque. Comme tout le monde, quelques semaines plus tard, j'allais avoir le regard fixé sur les tours jumelles de New York. L'actualité était ailleurs….

Frédéric Paulin vient nous replonger dans ces 3 jours en mêlant la fiction à une sordide réalité. Il ne simplifie rien, il explique le contexte (un mois avant Gênes, l'ouverture du sommet européen de Göteborg, en Suède, est marquée par des scènes de violence), les différentes mouvances au sein des altermondialiste et les dissensions, le contexte politique de l'Italie de Berlusconi, les néo-fascistes et la police du pays qui est devient une police politique.
Chaque protagoniste du roman représente une des composantes de ce rendez-vous historique. Ils sont italiens ou français, ils sont militants, conseillers politique, policiers, carabiniers, ou journalistes. Tous vont se retrouver mêlés à la grande histoire et je vous promets que l'histoire est sale, salement sale, révoltante….

Je ne vais pas m'étendre sur toutes les émotions ressenties à la lecture de ce roman. Si on pouvait juger l'effet d'un livre au nombre de jurons, gros mots et de « c'est pas possible » prononcés, La Nuit tombée sur nos âmes arriverait sur le podium. J'ai été vraiment chahutée.
Je vous invite avec insistance à découvrir ce livre, très noir, très didactique, très politique, et nécessaire.
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Impressionnée récemment par « La guerre est une ruse », je me suis réjouie de retrouver Paulin avec « La nuit tombée sur nos âmes » (déjà, beauté absolue du titre!). Dans ce texte, il continue à explorer l'histoire récente pour élaborer un récit très documenté et sans concession, qui s'attache à pénétrer les coulisses des grands événements pour en faire émerger les courants profonds, les vérités dissimulées et quelques lois universelles.
Cette fois-ci Paulin nous embarque en 2008, direction Gênes, durant les jours brûlants du G8. Et les dirigeants des 8 plus grandes puissances mondiales ne seront pas seuls sous le soleil de plomb de ce mois de juillet. Alter-mondialistes, militants d'extrême gauche et autres opposants à ce symbole de l'ordre capitaliste mondial ont fait le déplacement, et ils sont très nombreux à contester la marche du monde. le gouvernement italien, lui, est prêt à les recevoir. Avec les poings.
Ainsi Paulin nous guide avec la précision journalistique et l'art de la tension qui le caractérisent dans les coulisses de ce G8 qui aura marqué les esprits. Il nous fait pénétrer au coeur de ces journées, dans un crescendo de brutalités qui va aboutir à une véritable guérilla urbaine dans les rues de la capitale de la Ligurie, alors que les violences policières basculent dans la répression sanglante. On y parle néo-fascisme, black bloc, services secrets, abus de pouvoir. On frémit sous les coups de matraque qui s'abattent sur les manifestants et face au cynisme de ceux qui orchestrent ces abominations en coulisses. On est scandalisé par l'attitude des extrémistes de tous bords. Je suis ressortie de cette lecture complètement sonnée, parce que Paulin aime nous pousser dans la mêlée, au coeur des événements qu'il relate. Et ça cogne !
J'aurais aimé en apprendre davantage sur les motivations profondes des uns et des autres mais l'ensemble demeure très efficace et nous invite toujours à creuser la surface des évènements. Un récit qui interpelle, dès la dédicace!
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