Une réconciliation avec le père. Ce livre exprime un parcours que chacun aurait pu ou pourrait parcourir, après le deuil d'un parent ; avec des mots que nous n'aurions pas su trouver nous mêmes. le texte, d'une grande sensibilité, est parsemé ça et là d'un humour qui aide à supporter la souffrance. Une jeune femme libérée, de gauche et militante LGBT, enterre un père alcoolique, violent avec sa femme, contemplatif et néobouddhiste. Mais en triant les affaires du défunt, elle découvre progressivement un être sensible, attachant et pudique de ses sentiments. On a l'impression que cette réconciliation, ce travail de deuil va donner à Anne un apaisement salutaire pour sa propre vie. « On ne devient soi-même qu'après la mort de ses parents » disait ??? À noter qu'à aucun moment elle ne fait part d'un regret de la disparition de sa mère, morte d'un cancer quelques années plus tôt. (Oedipe avec nous!) Un très beau livre, à garder, lire et relire.
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Comment raconter le temps déréglé du deuil, marqué par les fluctuations du chagrin et par des injonctions des institutions ou des proches qui confinent à l'absurde ? Avec ce premier roman paru le 22 août dernier aux éditions Verdier, Anne Pauly raconte le décès de son père et réussit à composer un roman aussi émouvant que drôle – un récit qui entremêle les temps et les souvenirs, une adresse au père gorgée de tendresse et d'humour, pour tenter de lui parler et de ne pas se laisser écrabouiller par le chagrin.
Il faut dire que ce père sort de l'ordinaire – un père défaillant, unijambiste abimé par la vie, la violence et l'alcool, mais aussi un homme qui a une autre face, entrevue par sa fille, une face sensible et généreuse, contemplative. Très loin du panégyrique et de la lamentation, Avant que j'oublie dresse le portrait parfois trash d'un homme, parle sans tabou de sa maladie, de son corps abîmé mais aussi de sa douceur et dit avec beaucoup de délicatesse l'amour d'une fille pour son père.
« Je m'étais retrouvée seule avec lui, mon macchabée, ma racaille unijambiste, mon roi misanthrope, mon vieux père carcasse, tandis qu'au-dehors tombait doucement la nuit. Non, tandis qu'au-dehors, en direct du septième étage de l'hôpital de Poissy –tadaa !-, tellement magnifique, quelle écrasante beauté Maïté, les lumières de la ville et le ciel orangé de la banlieue. Il aimait ça, les couchers de soleil. Il nous appelait toujours pour qu'on vienne les regarder. »
Anne Pauly commence à raconter ce père par le biais des objets de sa table de chevet ou de son cabinet de toilette, en évoquant son fauteuil roulant, sa prothèse, ces livres qu'il feuilletait sans vraiment les lire, les objets de sa maison de Carrières-sous-Poissy dont il faut se débarrasser et qui sont pourtant si pleins des souvenirs et des mots pour raconter.
D'emblée, Avant que j'oublie frappe par sa liberté dans le ton et les mots, par son humour ravageur teinté d'un anticonformisme qu'on devine hérité du père – et qui font de ce livre de deuil un livre tourné vers la vie.
L'humour, le sens comique de la formule assassine créent une connivence immédiate avec la lectrice ou le lecteur qui comprend qu'il s'agit de tromper le chagrin et de rendre hommage à ce père capable lui aussi si drôle même dans les pires moments. C'est aussi cet héritage qu'on saisit en filigrane dans le récit du deuil, une tentative d'élucidation de ce qui a été transmis – l'humour, le goût des livres – qui est aussi tentative de consolation.
Nous aurons le grand plaisir d'accueillir Anne Pauly chez Charybde (81 rue du Charolais à Ground Control) le 10 octobre prochain en soirée pour évoquer ce formidable roman.
Retrouvez cette note de lecture et et beaucoup d'autres sur le blog de Charybde ici : https://charybde2.wordpress.com/2019/09/02/note-de-lecture-avant-que-joublie-anne-pauly/
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L'autrice présente ce texte comme un "roman", mais elle donne son nom au personnage principal. On peut donc supposer que ce qu'elle partage ici sont ses souvenirs personnels du décès et du deuil de son père.
Avec honnêteté et tendresse, elle revient sur cette figure paternelle, cet homme alcoolique et violent parfois, mais aussi doux et pudique, sur les moments partagés, instants quotidiens et éphémères qui finissent par construire une vie.
Le récit est délicat et sincère et c'est parce que l'autrice le partage avec nous qu'il est universel et touchant. Comme un carnet tenu au fil du deuil, constitué de l'afflux des souvenirs proches et lointains, des rappels de conversations ou de traits d'humour, lorsque le chagrin fait place à la tendresse et que l'absence, petit à petit, se fait moins vive.
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Très touchée par cette lecture, même si l'autofiction a tendance à m'agacer un peu dernièrement. Je trouve que dans ce récit, l'auteur parvient à dire toute la complexité de la personnalité de son père et du même coup, la force du lien qui l'unit à lui, malgré la violence et les blessures. La thématique du deuil qui irrigue tout le roman est esquissée d'une manière qui m'a paru très juste (au sens musical, qui ne sonne pas faux quoi).
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Roman émouvant et tendre qui interroge sur la façon de faire son deuil d'un être cher, humoristique ou grave grâce à certaines répliques et réflexions du personnage principal face à cette situation qui nous touche tous un jour ou l'autre.
Plusieurs thèmes sont abordés : le pardon malgré les défauts du défunt, l'amour avec le ressenti du vécu, les regrets que l'on peut garder en soi, la vérité sur l'état d'esprit de la personne disparue qui survient à travers objets, lettres, anecdotes..., les relations dans une fratrie avant et après...
Livre qui bouscule par sa manière assez crue mais réaliste d'aborder la maladie et la mort.
Chacun, à mon avis, se retrouvera dans ce récit teinté de colère et d'apaisement à l'image de ce que l'on ressent dans une situation semblable.
Je recommande vivement cette lecture qui peut aider à aborder la mort avec plus de sérénité.
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