Lutte quotidienne de l’écriture et de la poussière. Au Verbe Être, des cartons débordants, des piles de bouquins menaçant de s’écrouler. Anarchie souveraine. Grandiose anarchie. Un mélange des genres et des titres. Une alchimie joyeuse. Et c’est dans ce repaire que, pour quelques billets, l’on pouvait venir, chaque jour, se procurer de la littérature, grande ou populaire, secrète ou classique.
L'accident a eu lieu 24 heures plus tôt. Paysage bouleversé. Temps dilaté. Ce n'est plus la même ville. Ce ne sera plus la même vie. Ordinaire et gluant, l'évènement s'est plaqué comme un poulpe sur les choses. (p.62 Folio)
Pour la première fois, il constate qu'il tremble de tous ses membres, que ses mâchoires claquent, et qu'il lui est impossible d'arrêter un tel déferlement. Au fond de lui, pourtant, l'impression d'horreur a cessé. Il sait qu'il ne va pas mourir cette nuit, qu'il ne prendra pas même froid s'il continue à remuer. Il sait quelles réserves d'énergie se tiennent au centre de son corps immense. Ce qu'il vient d'affronter n'est qu'une figure du pire. Il en connait d'autres. Son errance dans la montagne, la douleur et la marche dans les ténèbres de cette montagne qu'il connait bien l'aident seulement à admettre qu'il lui faudra vivre avec ça désormais, l'absurdité irréparable : avoir écrasé et peut-être tué un enfant. (p.28 Folio)
J'ai cherché partout le bonheur, mais je ne l'ai trouvé nulle part, sinon dans un petit coin, avec un petit livre.
C'est mon art le plus cher et ma plus chère méchanceté d'avoir appris à mon silence à ne pas se trahir par le silence.
La présence d'un enfant rend la solitude dure comme la pierre. Pas même une solitude de bête : une solitude de chose.
Elle suppliait. Elle geignait, la voix d'enfant, dans la nuit de l'insomnie. Elle disait : "Pas moi ! Pas ça !" exactement comme elle aurait crié "Maman !", dans une poitrine broyée, ce mot silencieusement crié à n'importe quel âge de la vie, étouffé dans le noir, un "maman" à sec dans l'absence de larmes, tandis qu'à l'autre bout de la nuit sans limites, une mère absente, mère perdue, mère morte, crie désespérément qu'elle n'est encore elle-même qu'une enfant, qu'il n'y a pas de mère, nulle part, pas de grandes personnes, rien que l'enfant éternel, l'éternelle petite fille...
C'est mon art le plus cher et ma plus chère méchanceté d'avoir appris à mon silence à ne pas se trahir par le silence.
Ceux qui ont crié un jour : « ne meurs pas ! » à un être cher, un être humain qui n’étend plus, un être qui s’en va, qui bascule de l’autre côté, déjà si loin qu’il ne peut plus répondre, tous ceux qui ont hurlé en silence, sans qu’aucun son ne sorte de leur bouche : « ne meurs pas ! Ne t’en vas pas ! Pas encore », ou crié désespérément : « je t’en supplie, ouvre les yeux une dernière fois, dis moi que tu m’attends, fais un signe, bouge un doigts, même un tout petit peu. Ne meurs pas! » ceux-là comprendrons un peu ce que Vollard ressentait.
C'est mon art le plus cher et ma plus chère méchanceté d'avoir appris à mon silence à ne pas se trahir par le silence.