Lorsque l'auteur rencontre
Goliarda Sapienza, en 1975, il a 29 ans, elle en a 51. Elle est sur le point de terminer son magnum opus, _
L'Art de la joie_, dont le refus systématique de la part des éditeurs, même sous forme de scénario pour un feuilleton télévisé, pour cause d'immoralité (et malgré l'intervention discrète du président de la République
Sandro Pertini...), ainsi que de la plupart de ses oeuvres littéraires successives sauf _
L'Université de Rebibbia_ – qui fut un succès –, constitue l'essentiel des deux décennies de leur vie commune. C'est également durant cette période, et non sans rapport avec cet ostracisme littéraire, que se produit le fameux événement de sa vie : le vol des bijoux d'une connaissance (presque une intime) et son court emprisonnement à Rebibbia conséquent, qui lui fournissent le matériau de deux livres autobiographiques et auquel une part significative de cette plaquette biographique relative à sa maturité est consacrée.
Mais il faut bien penser qu'une grande partie du parcours de
Goliarda Sapienza, et sans doute la tranche la plus aventureuse de sa vie, s'étaient déjà écoulées : sa participation à la Résistance, dans la brigade créée par son père, sous fausse identité, deux décennies entières de sa carrière d'actrice théâtrale et cinématographique aux côtés de noms les plus illustres de l'après-guerre, une liaison de presque vingt ans avec Francesco Maselli, sa désillusion politique suite à la révélation des crimes staliniens en 1956, quelques années d'« effondrement psychique » ponctuées par deux épisodes suicidaires et une psychothérapie désastreuse dont elle se sortit par l'abandon du métier de comédienne et l'adoption de l'écriture – autobiographique – qui, dans ses deux premiers opus, _
Lettre ouverte_ et _
Le Fil de midi_, s'avéra être un franc succès. de toute cette période, par le choix de l'auteur de se concentrer sur leur années passées ensemble, nous n'apprenons rien, hormis quelques notes fugaces contenues dans une Chronologie de fin d'ouvrage qui, assez opportunément, s'ouvre par la naissance non de Goliarda mais de ses parents (1880 pour sa mère, 1884 pour son père), qui furent des personnalités très importantes dans l'histoire de l'Italie ainsi que pour la formation intellectuelle et politique de la future autrice.
L'on imagine bien que, ne serait-ce qu'à cause de l'écart entre leurs âges, mais tout autant eu égard à la « vocation » longtemps contrariée d'
Angelo Pellegrino de faire sortir de l'oubli l'oeuvre littéraire de sa compagne surtout après sa disparition, jusqu'à ce qu'un véritable triomphe posthume ne couronne ses efforts, notamment par le truchement de la « découverte » de Sapienza par l'édition française à partir de 2005, cette plaquette possède toutes les caractéristiques d'une apologie. Peut-être par pudeur, peut-être pour ne pas divulgâcher les considérations et les réflexions que l'autrice avait déjà consignées dans ses ouvrages autobiographiques, ce petit volume n'apporte pas beaucoup d'informations ; par contre la Chronologie déjà citée ainsi que les nombreux portraits sépia et autres photos de l'écrivaine, sans oublier le fac-simile d'un page manuscrite de _
L'Art de la joie_ constituent un agréable complément qui incite à l'approfondissement de la vie et de l'oeuvre de la protagoniste.