Les singuliers

A propos de Marie BASHKIRTSEFF j'ai lu avec intérêt tes réflexions ( et les siennes ) sur la beauté comme condition au regard. Si je comprends ton raisonnement, il n'est pas nécessaire de s'aimer soi-même pour réussir un autoportrait: il suffirait de se tolérer. Mais s'habituer à soi-même, c'est la tâche de toute une vie, il me semble. Je trouve étonnant que certains hommes en soient capables très jeunes, et je demeure convaincu que c'est l'égotisme qui leur tient lieu de sagesse.

L'art ne donne pas de petites satisfactions d'amour-propre. L'art justifie d'être venu au monde ou nous rend supportable le monde. (p.99)

Je t'embrasse avec tendresse, toujours pareil au grand cousin qui, à la fin des fêtes de famille, ignorait comment répondre à tes démonstrations affectueuses et ne savait jamais quoi faire de ses bras. On ne grandit pas beaucoup, tu ne trouves pas ? On vieillit seulement.

L’art est dans l’œil de celui qui fait l’image, et non dans l’instrument

Assis dans mon trou de rocher, au moins je peux regarder et ne rien faire d'autre. Personne ne me somme d'être utile, après tout. Pourquoi dessiner la mer ? C'est un grand monstre vert, à la gueule béante, qui mâche du gris, du bleu, du blanc... Et qui bouge sans cesse. Incapable de la saisir, et obsédé pourtant par ce dragon que je côtoie tous les jours, je le photographie, inlassablement. Seule la photographie me protège de ce qui m'inquiète.

p.181

L'art est dans l’œil de celui qui fait l'image, et non dans l'instrument.

p.142

Comme dit toujours Gauguin, on est bien obligé de croire en ses rêves. À un certain point de la vie on est allé trop loin pour renoncer, on n'a plus le choix.

p.388

La nuit, quand tous les bruits du quotidien ont cessé, la mer fait un vacarme bien à elle. On dirait qu'elle se redéploie. Aidée du vent, elle fait entendre son souffle étouffé par les hommes.

p.358

Ici, il ne se passe pas une semaine sans qu'on voie apparaître dans les journaux l'annonce d'un nouveau brevet déposé dans le domaine de la photographie. Tandis que de rares artistes se l'approprient avec prudence, on continue à tâtonner, explorer, découvrir, améliorer l'objet. Ça n'en finira donc jamais ! Rends-toi compte qu'on parle maintenant d'image en relief, de cliché couleur et même de photographie animée (Dieu sait à quoi ça peut ressembler). Pas plus que leurs inventeurs, nous ne pouvons prévoir que sera l'avenir de ces babioles. L'important pour eux, c'est d'innover, même si ça ne sert à rien. C'est assez poétique en fin de compte. Tiens, c'est un peu comme cette tour de 300 mètres que l'ingénieur Eiffel fait construire pour l'Exposition ! Du métal et des boulons, et ça doit ne servir à rien : n'est-ce pas tout à fait charmant ?

p.43

Dans ce monde il me semble qu'on a déjà fort à faire avec les mesquins, les imbéciles, les avares et les prétentieux : ne gaspillons pas notre temps avec eux, mais dirigeons-nous tout droit vers les autres. Il en reste.