C'est une guerre sans merci, bien que sans militaires, entre deux clans de deux petits villages
- Longeverne et Velrans - de la France profonde de la fin du XIX° siècle.
Une drôle de guerre pour rire dont les fantassins sont des gamins délurés, une guérilla pas meurtrière pour deux sous, qui mutile non les combattants de chaque camp, mais les boutons de leur uniforme ! (Astucieuse solution pour tous les conflits à venir, malheureusement les fermetures éclair et les zip, progrès oblige, ont largement supplanté les si périssables boutons….)
Quelle verdeur, quelle verve, quel humour…
Ajoutez-y une pointe de malice, du rythme…
Une bonne dose de générosité, de solidarité….
Et une belle tranche d'écriture… (dommage que
Louis Pergaud soit mort à l'âge de 33 ans, en 1915, lors d'une attaque dans la Meuse).
Alors, me demanderez-vous : « c'est un livre gentil et plein de bons sentiments ??? »
Pas si sûr … !
La description que je viens de faire de ce roman, pourrait le laisser croire, en effet.
Pourtant, s'adresse-t-il vraiment à la jeunesse ? le confier à de « jeunes esprits », peut-être, … mais alors…, avec circonspection. NON, ce livre n'est pas à mettre entre toutes les mains … !
Pourquoi ?
Si ce roman commence avec humour et innocence, au fur et à mesure de l'avancement des « joutes », celles-ci se font de plus en plus violentes, fourbes et sinistres, et la frontière entre jeu et réalité peu à peu se brouille. Les coups et les bosses assénés ne sont plus aussi angéliques et anodins qu'au départ et pire, les humiliations s'invitent à la fête.
Rappelons que cette petite « guerre », qui existe « depuis la nuit des temps », transmise de génération en génération, a débuté pour une simple histoire de vache porteuse d'une maladie et morte dans le mauvais champ !! Il allait falloir l'encroter (enterrer) rapidement, afin de ne pas contaminer le reste des troupeaux, mais ni les Longevernes, ni les Velrans ne voulaient prendre la responsabilité de le faire, victimes de rancunes et griefs « villageois », vieux de plusieurs générations.
La thématique sous-jacente de
Louis Pergaud dans «
La guerre des boutons » met donc l'accent sur un certain état d'esprit : l'esprit revanchard.
Si je regarde la définition de ce mot, le revanchisme ou esprit de revanche correspond à un sentiment nationaliste entretenu dans l'opinion publique.
Sa traduction historique la plus représentative vient des trois conflits franco-allemands, sur une période s'étalant pour le moins sur 70 ans durant laquelle le revanchisme a été ressenti de part et d'autre du Rhin.
L'esprit revanchard peut se traduire par l'élargissement du sentiment individuel revanchard à un sentiment collectif - transmission au sein d'une famille, aux voisins, à un quartier, à un village, à une région, à un pays… -, qui peut induire sur le plan politique des conflits violents, fortuits ou provoqués. Et même si le revanchisme ne relève pas du domaine d'une idéologie affirmée [source wikipédia] le caractère systématique du rappel des contentieux dans la mémoire collective de la population l'érige en volonté marquée ; l'entretien de ce sentiment au cours du temps revêt de plus les mêmes aspects que le militantisme ; pour les militants revanchards, il procède d'une volonté froide et courroucée de maintenir l'animosité envers l'Autre dans l'esprit de leurs compatriotes. Car une fois les hostilités déclenchées, le climat ambiant issu de l'esprit de revanche apporte une puissante mobilisation pour les armées et l'effort de guerre.
Ca fait froid dans le dos, n'est-ce pas ?
Car alors, si …. « Homo homini lupus est », - L'Homme est un loup pour l'Homme -, (d'un point de vue philosophique, locution qui porte une vision pessimiste de la nature humaine), l'Homme n'est pas le "bon sauvage" de Rousseau mais "un loup pour l'Homme" ; un être mauvais et pervers, porté à réaliser ses intérêts au détriment des autres et doté, par instinct, d'une forte somme d'agressivité (dixit
Freud).
CEPENDANT, .....,
Sénèque écrit que « l'Homme est une chose sacrée pour l'Homme », et c'est « Un roseau pensant »(Pascal). Il est donc libre, - par la pensée et malgré ses faiblesses - et capable d'admettre différentes façons de penser, d'agir et de ressentir ; il est capable d'admettre ce qui est « différent » et de se montrer vigilant envers l'intolérable. Bref il peut se montrer TOLERANT.
OUF !!! tout n'est pas perdu ....