L'ennui, avec Marjo, c'est que tous les mecs sont fabuleux au début et qu'ils tombent assez vite en disgrâce, pour des raisons variées.
Mon amie a suffisamment d'originalité pour dégotter des échantillons toujours différents. (...)
- Imagine le plus beau des mecs, genre mannequin pour une pub de parfum.
(...)
Tandis qu'elle continue sur sa lancée, je commence à craindre le pire. (...)
- Et tu l'as rencontré où, cet astre de grâce et de douceur ?
- Dans la rue, figure-toi. En allant à la fac. A un feu rouge (...)
- Hum, hum.
- Tu ne peux pas imaginer comme il est gentil. (...)
- C'est bon, pas besoin de me faire un dessin.
- Et donc, depuis deux jours, nous parcourons la ville en pédalant. J'envisage sérieusement de m'acheter un nouveau vélo.
- Hum, hum.
Non, je ne jouerai pas les perfides.
Je ne lui rappellerai pas comment elle a successivement acquis un abonnement pour une salle de spectacles spécialisée en hard-rock quand elle a rencontré Micky l'adorateur des décibels en folie ; un ordinateur dernier cri quand elle a fréquenté Fabien le geek ; dix-neuf livres de recettes iraniennes quand elle a goûté à la cuisine d'Aazam ; une cornemuse écossaise quand elle s'est acoquinée à James le fou de musique celtique. (...)
Alors, on n'en est pas à un vélo près.
Et je ne parle pas de la raison pour laquelle nous avons rompu, c’est le genre de truc que je préfère enfermer dans une boite soigneusement close, insérée dans un carton méticuleusement scotché, qui lui-même est enveloppé dans une couverture bien épaisse, le tout déposé au grenier sous une énorme couche de poussière. Bref, ne m’en parlez pas, j’ai oublié. Ou je fais semblant.
On pourrait croire que les nuits de celui qui ne fait rien dans la journée sont calmes et sereines. Il n’en est rien l’oisif ressasse, réfléchit douloureusement au but de sa vie, récrimine, se rend compte qu’il est un boulet, une caillasse pesante pour son entourage.
Je n’en peux plus, de ces mensonges qui rôdent au-dessus de moi, tels des vautours n’ayant qu’un seul but, se saisir de ma dépouille et organiser un énorme banquet en me dévorant.
Et nous voilà à hocher la tête, silencieux. C’est peut-être ça, l’amour fraternel . Etre soudés au-delà de ce dont on a conscience ?