Voici mon second coup de coeur de lecture cet été, et l'auteur s'appelle
Per Petterson.
C'est une histoire de père et fils.
L'auteur mêle 3 époques de la vie de Thord, mais dans une même région : lorsqu'il a 67 ans, et qu'il habite seul un petit chalet en forêt avec sa chienne Lyra, l'été 48 quand Thord, encore adolescent, avait accompagné son meilleur ami Jon dans le projet fou de « voler des chevaux » au riche propriétaire terrien à côté de chez eux, et un peu plus tôt pendant la guerre, quand Thord voyait son père aller et venir pour porter des « courriers » à la frontière suédoise.
Mais le drame n'est jamais loin chez
Per Petterson : Thord a beau être parti très loin dans le Nord Est de la Norvège pour vivre seul, son plus proche voisin n'est autre que Lars, le petit frère de Jon, dont la famille a connu un véritable drame à l'issue de leur projet de « voler les chevaux ».
La nature, omniprésente, accompagne chaque étape du récit, comme lorsque Thord et Jon partent « voler les chevaux » :
« Entre les fûts de sapins régnait une atmosphère sombre et étouffante. Comme le soleil ne parvenait jamais jusqu'ici, il n'y avait pas de sous-bois, seulement une mousse vert foncé qui formait un épais tapis moelleux. Jon marchait le premier, je le suivais dans mes tennis usées, et le sol était élastique sous nos pieds. Puis nous avons bifurqué à droite en décrivant un arc de cercle. La forêt devenait moins dense, petit à petit la lumière est revenue, et soudain nous avons aperçu un scintillement. C'étaient les barbelés. Nous étions arrivés. Devant nous s'étendait une coupe de bois où ne subsistaient que quelques jeunes sapins et quelques bouleaux. En l'absence de grands arbres, ils paraissaient étrangement hauts et solitaires ; certains n'avaient d'ailleurs pas résisté au vent du nord et gisaient au sol, les racines en l'air. Mais entre les souches poussait une herbe drue et pleine de sucs, et derrière un groupe d'arbustes il y avait les chevaux. »
Per Petterson réussit très bien à décrire les tourments de Thord : qu'il ait 15 ans ou 67 ans, on pénètre dans son intimité par une description méthodique de ses faits et gestes, on le suit pas à pas dans la forêt, et on partage ses émotions lorsque les souvenirs refont surface.
Les personnages féminins, au contraire, sont quasiment absents du récit, à l'exception notable de la mère de Jon, avec qui son père semble partager une relation privilégiée, et la fille de Thord, qui vient à l'improviste le déranger dans son chalet reclus.
Mais le plus beau passage sera peut-être celui où Thord réussit à établir une véritable complicité avec son père lorsqu'il s'agit de transporter des grumes de bois sur la rivière proche de leur chalet, un moment où le garçon se donne totalement à l'aventure, et qui restera gravé dans sa mémoire puisqu'ensuite il ne reverra pas son père.
Un récit d'une grande humanité donc, comme l'autre roman de
Per Petterson que j'ai lu cet été, «
Je refuse », qui me confirme que cet auteur norvégien fait partie des grands.