Avec ce récit uchronique,
Pierre Pevel nous transporte dans une cité allemande de 1620 : Wielstadt. Entre Guerre de Trente Ans et complots religieux s'immisce… la magie ! La cité a le privilège d'être gardée par un dragon, d'abriter une mystérieuse Dame Rouge, sans oublier qu'elle compte parmi ses habitants : des faunes, des nains, des goules… et Kantz, le célèbre chevalier !
Ma culture historique est bien trop pauvre pour que je me permettre de juger la véracité de l'univers mis en place par l'auteur mais je me suis parfaitement immergée dans cette ambiance médiévale.
Dès les premières lignes, j'ai été captée par la noirceur des événements : à peine rentré à Wielstadt, Kantz se retrouve confronté au Mal, dont nous découvrons la forme au fur et à mesure des pages. Véritable intrigue policière, Les Ombres de Wielstadt nous tient en haleine jusqu'au bout.
Après une petite ellipse temporelle, nous retrouvons Kantz dans Les Masques de Wielstadt mêlé malgré lui à de sombres intrigues religieuses. Pour déjouer la Sainte-Vehme, il devra user de toute son ingéniosité : prophéties et messages codés sont au rendez-vous. Si cette nouvelle aventure est intéressante, elle s'avère être un peu longuette et ne fait pas réellement avancer la trame principale…
Dans le dernier tome, le Chevalier de Wielstadt, c'est l'apothéose : on retrouve l'horreur du premier tome avec un tueur en série sanguinaire qui vole le visage de ses victimes, porté par des conspirations entre les différentes sociétés secrètes rencontrées plus tôt, le tout saupoudré de théologie.
L'histoire m'a donc particulièrement accrochée, malgré un petit coup de mou avec le deuxième tome. Cependant, je note tout de même quelques faiblesses scénaristiques, notamment avec des scènes que je qualifierai de « remplissage ». Je pense par exemple au moment où Kantz suit la fée Chandelle et se retrouve au milieu d'une myriade de petites femmes ailées, perd conscience lors d'une sorte de rituel et pouf, c'est fini. Il reprend conscience le lendemain matin avec plein de questions dont on n'a jamais les réponses. Si cette scène ajoute du mystère, elle tombe comme un cheveu sur la soupe : on aurait très bien pu s'en passer.
Je reproche aussi à l'auteur de se répéter. Certes, c'est une trilogie et il est parfois bon de rappeler au lecteur quelques éléments fondamentaux mais raconter tout le tome précédent en quelques lignes, ou décrire à nouveau les mêmes choses avec les mêmes mots, cela devient très très vite agaçant.
Comme pour Les Lames du Cardinal, je regrette que l'aspect fantasy ne soit pas davantage exploité avec les Dragons, la Dame Rouge où tout simplement le thème de la magie qui, s'il était prépondérant dans le premier tome, devient tout à fait secondaire par la suite.
Un autre point fort de cette trilogie est son personnage principal : Kantz. C'est une figure emblématique dans la ville, quelqu'un qui impose le respect seulement par sa présence et sa réputation :
« Ceux qui ne le craignaient pas le respectaient toujours. le mystère qui l'entourait faisait forte impression, et l'on perdait vite contenance à sa haute stature, à son attitude sévère et, surtout, au feu glacé de ses yeux gris acier qui sondaient jusqu'à l'âme. »
Mais c'est avant tout un homme discret, dont on sait peu de choses, austère et peu enclin à la familiarité, même avec ses proches. Quelques pans de sa vie nous sont dévoilés : son passé de religieux, ses rencontres amoureuses. Mais au final, même si on suit Kantz pendant des centaines de pages, il reste de nombreuses zones d'ombre sur sa vie et on se surprend à vouloir en connaître davantage.
Ceci est encore plus flagrant avec tous les personnages secondaires qui sont à peine effleurés et semblent être là seulement pour donner plus de profondeur à Kantz. Il y avait pourtant matière à développer les différentes personnes rencontrées, celles qui ne sont pas humaines notamment (et Chandelle en tête de file).
Je n'ai rien à redire au style de
Pierre Pevel : simple mais adapté au contexte moyenâgeux, percutant et parvenant à bien retranscrire le personnage de Kantz et l'aura de mystère qui l'entoure. On peut peut-être déplorer une propension à vouloir trop ancrer le récit dans notre monde réel en ajoutant de nombreuses références bibliques, ce qui conduit à une surabondance de ces passages au détriment du reste de l'histoire.
Pour conclure, après la (légère) déception qu'avaient été Les Lames du Cardinal, Wielstadt m'a convaincue sans toutefois m'avoir totalement emportée. Mais pour une fois qu'on trouve un bon auteur de Fantasy chez nous, je compte bien continuer à explorer davantage son oeuvre, avec Ambremer ou le Haut-Royaume !