Vous vous souvenez de ces coloriages dans lesquels on pouvait s'évader des heures ? le crayon qui faisait chatoyer un drapé, le ciel que l'on parsemait patiemment d'étoiles. S'ils illustraient des histoires que nous aimions, nous y plongions à chaque trait que nous apposions sur le papier, subjugués par un monde dans lequel l'aile d'une fée, le regard espiègle d'un lutin devenait soudain vivants.
Les enchantements d'Ambremer sont de ces plaisirs-là. En quelques centaines de pages,
Pierre Pevel crée un univers à contempler, nous fournit tous les délicats détails qui nous permettent de parfaitement nous le figurer. On y suit les personnages comme on déplacerait des jouets dans une grande maison de poupée. Des robes qui froufroutent, le canotier retenu par une écharpe de soie et le teint protégé d'une ombrelle blanche, un costume de pilote avec sa casquette et sa veste de cuir tendre, les grosses lunettes et le couvre-chef idoine. Une course poursuite qui fait entendre la cavalcade sur les pavés mouillés, une bataille entre gentils et méchants valant bien celles que nous inventions sur le tapis du salon, délices régressifs d'une fiction reprenant tous les codes de nos meilleurs romans d'aventures, Arsène Lupin,
Jules Verne, Rouletabille et Dumas ne sont pas loin.
Louis Denizart Hippolyte Griffont est un des principaux protagonistes. Il est évidemment superbe, d'une distinction sans ostentation, d'une élégance toute aristocratique. Non pas glabre mais doté d'une moustache grisonnante tout à fait bien taillée. Isabel, baronne de Saint-Gil est son pendant. Grande, rousse aux mèches blondes, son charme est irrésistible et si vous songez à marier ces deux-là, sachez que c'est déjà fait mais que leur tempérament tempétueux et la fougue avec laquelle ils vivent leur passion les a contraint à se séparer bien avant que ne commence ce premier tome. Bien sûr, le feu couve encore.
Je vous parlais d'un décor à faire rêver, c'est celui du Paris du début du 20e siècle augmenté de quelques variantes très inspirées : des passages pour gagner l'autre monde, une tour Eiffel en bois, des arbres qui parlent, une moto fonctionnant à la lumière étrange, des ondines dans la Seine et tout ce qui découle du fait que le monde est habité d'humains mais aussi de mages, de fées, de gnomes de magiciennes et même de dragons. Les aventures qui vont se déployer auront donc la magie comme toile de fond. Les luttes opposeront différents peuples et les enjeux seront de taille.
Voilà.
Bon. Alors pourquoi ai-je mis une semaine à lire ces pauvres 400 pages ? J'ai sagement suivi toutes les péripéties, accompagné Griffont dans sa quête d'un vieux grimoire pour une amie à lui, semé les affreux méchants qui coursaient bien mal la jolie baronne, livré bataille contre des gargouilles, perdu mon souffle dans nombre courses poursuites sans jamais être plus concernée que cela. Je savais bien sûr qui était gentil (ceux en mauvaise posture), qui était méchant (les autres) et me doutais que les motivations des derniers seraient éclairées à la fin, que les héros triompheraient et que tout finirait bien. C'est le cas. Mais au-delà de mon admiration pour le décor restitué, l'univers composé, je n'ai pas frémi.
Je pense pourtant que c'est à peu près le seul type de livre appartenant au genre de la fantasy qui aurait pu me plaire. Je me considère donc désormais comme définitivement perdue à cette cause. Sans beaucoup de regret, il faut bien l'avouer.