Citations sur Joueuse (108)
Sous son camouflage de pilier de bar de Roubaix , il est plus affûté qu’un opinel, il se taillade du joueur imprudent façon jambon , et ne laisse pas un gramme de bidoche autour de l’os.
Le vigile les laisse entrer.
À l’intérieur de la chambre froide, cinq hommes, entre la soixantaine et le pied dans la tombe, poireautent en silence autour d’une table éclairée par un unique plafonnier.
Il n’y a qu’une sortie, pourtant un panneau Issue de secours clignote au-dessus.
Zack et Baloo opinent du chef en se dirigeant vers deux chaises libres. Les cinq hommes, malgré leur propension au délit de faciès, hochent les trognes en retour. Salutations aussi chaleureuses que le lieu.
Sur la table manquent trois morceaux au roi de cœur pour que la carte soit reconstituée. Zack y accole le sien et s’assoit. Baloo l’imité. Mimétisme en noir et blanc sur fond de veste rouge.
Agissant comme si tout était normal, Zack s’amuse avec son jeu de cartes en toute décontraction. À défaut de détendre l’atmosphère, l’esbroufe a le mérite de légitimer la présence des nouveaux venus.
Ernest, le plus anguleux des sexagénaires, jette un œil de travers sur la veste de Baloo. Son visage taillé à la serpe affiche un dédain glacial. De sous sa fine moustache élaguée aux ciseaux de barbier chuintent ses premiers mots peu avenants :
– Chouette couleur.
– Je sais pas, je suis daltonien.
Doigts croisés, mains posées sur la table, Baloo fixe le vide devant lui de ses yeux vert émeraude que fait ressortir sa peau noire. Sa veste rend l’ensemble plus flashy qu’une pochette de Grace Jones. Pas vraiment du goût d’Ernest, plus porté sur Wagner.
– Ben je t’informe alors : chouette couleur.
– Tant mieux. J’avais peur qu’elle soit rouge. Je déteste le rouge.
Le père ne voulait pas que son fils trime comme un con. Faire les trois-huit, compter les mois avant la retraite, compter les semaines avant les vacances, compter les heures avant la fin de la journée. « Tant qu’à compter, compte les cartes », il lui disait. Tout ce qui se joue avec de l’argent au bout, son père l’a enseigné à Zack quand il était gamin. Dès que ça nécessitait réflexe, stratégie, veine, arnaque, il lui expliquait les rouages. Son vieux lui a tout appris, de l’appât du gain à la méfiance de l’adversaire. Il lui rabâchait que la société est fondée sur le mensonge : « L’État t’arnaque, les impôts te volent, ton patron te ment, ta femme te trompe, y a pas de raison de rentrer dans le rang. T’es pas un mouton. Sauf si t’as un penchant pour les abattoirs. Tu veux finir à l’abattoir, toi ? ».
- Ouais, qu’est-ce que c’est que cette veste ? Ça pue la triche !
L’accusé se lève, ôte sa veste, la jette sur le tas d’argent, poursuit avec sa chemise, son pantalon et enfin son caleçon. Il laisse tomber le tout sur la table, se rassoit et ressaisit ses cartes.
- Je garde mes chaussures, j’attrape froid facilement. (Baloo)
Ils sifflent une meuf qui sort de chez elle en l’invectivant d’un « Vous êtes charmante » aussitôt suivi par le sempiternel « Suce ma bite, sale pute », résultant du dédain de la demoiselle, étrangement non conquise par la parade nuptiale, ô combien élaborée, pourtant éprouvée soir après soir avec la même inefficacité probante.
Les seules vacances que j’ai eues, c’était en classe de neige. Tu veux savoir comme c’est marrant, les concours de pets ? Je pensais avoir touché le fond avec le camp de scouts… (Jean à Maurine)
Le père a empoché les économies de son fils et lui a déclaré : « Voilà, t’as plus que la chemise que tu portes sur le dos, va falloir te refaire si tu veux t’en sortir. » La phrase la plus chaleureuse que son père lui ait jamais dite de sa vie.
Il n’est pas beau à voir, euphémisme de garagiste prêt à vous annoncer que votre caisse est bonne pour la casse : contusionné des pieds à la tête, lacéré, ensanglanté, et crade. Un mort-vivant sorti d’un film qui a poussé trop loin les potards de l’épouvante bon marché.
On ne prend pas l’habitude de se faire malmener, peloter, molester, abuser… Non, on ne peut pas parler d’habitude, ni de lassitude d’ailleurs, ce serait trop cynique, mais la surprise, elle, a disparu. Maxine passe sa vie en constante vigilance, c’en est devenu une seconde nature. Reste que l’accalmie après l’altercation, malgré la pratique, se fait longue à atteindre.
Dans un pays où la délation est encore de mise, les chasseurs de prime ne rencontrent que peu de résistance. Rien qu'un billet de vingt glissé dans une paume graisseuse ne puisse dégripper.