Un peu inquiet au début de ce polar avec un titre, pour le moins surprenant : "
Mamie Luger ", sachant que le Luger représente un pistolet semi-automatique ! Bref, notre mamie, Berthe Gavignol, 102 ans, édentée, armée d'un fusil, ne se gêne pas pour se servir avec justesse et efficacité des armes en sa possession.
En réalité, elle protège la fuite de tourtereaux – en tirant sur son voisin – qui veulent vivre avec passion leur amour, à l'origine l'amoureux a commis un acte répréhensible, et donc ils décident de s'enfuir, avec l'aide de mamie, bien sûr.
" 22 voilà la flicaille qui rapplique", et oui, garde à vue; avec l'inspecteur Ventura – non pas Lino – qui va tenter de comprendre la raison des actes de la centenaire, et découvrira au fil des heures qui passent, le palmarès incroyable et impressionnant de la vieille dame. Car sa théorie peut se résumer très simplement: je tire d'abord et je discute ensuite. Mais sans acrimonie, elle comprend son prochain : " Ah, alors, si c'est par conviction. J'dis pas que je comprends mais j'respecte ". "Les Tontons flingueurs" montrent le bout de leur nez, n'est-ce pas
Michel Audiard ?
Et ainsi va se dérouler, lors de l'interrogatoire avec le " Képi ", la vie de Berthe, qui loin d'être insipide, aura vécu peu de joie mais surtout beaucoup de malheur, et qui toujours rebondira des vicissitudes de sa vie. D'ailleurs " Colombo " va ressentir beaucoup de compassion pour cette mamie et fera en sorte, de satisfaire son ultime besoin de vengeance. L'audition de la centenaire par l'inspecteur le surprend car il vit une garde à vue peu commune, avec une surprenante mamie, gouailleuse, cynique, sincère et dotée d'un franc-parler qui le laisse coi.
Si de prime abord, ce schéma de polar semble léger, avec certes des dialogues hilarants et croustillants,
Benoît Philippon, aborde le sujet important du féminisme: le moteur de vie, de Berthe. Elle veut vivre libre avec ses choix, mais la société ne tolère que la mainmise des hommes sur tous les aspects de sa vie. Elle résiste, et veut être femme et respectée. Sans avoir à subir les tracasseries administratives, elle s'interroge également : " une femme incapable de porter la vie est-elle une femme ? ".
Un merveilleux moment de lecture, non seulement avec les dialogues mémorables mais en outre par les pistes de réflexions, sur l'anticonformisme et l'émancipation féminine. L'auteur montre qu'il est possible de faire rire, sans être prétentieux, et porter à réfléchir sur des sujets toujours d'actualité. Un grand merci pour ces bouffées de plaisir qu'inspirent ce polar.
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