Si je mens, tu vas en enfer

Quand il me dit que je suis belle, je me sens belle. Normalement, quand quelqu’un me fait un compliment, ça a l’effet contraire. Ça me gêne ; ça me rend maladroite, encore plus consciente de tout ce qui ne va pas chez moi. Mais pas avec lui. Ça doit être ça, l’amour. Et dans quelques jours, je vais le voir ! Je suis trop impatiente. Excitée. Il y a juste un dernier truc à régler avant.

La vie n’est qu’une suite de pactes. Je l’ai appris. La plupart sont trahis. Il faut juste que celui-ci tienne encore une heure ou deux. Après, je retrouverai un peu de bon sens et nous ne nous verrons plus. Plus comme ça, en tout cas. Nous trinquons. Seigneur Dieu, qu’est-ce qu’il est sexy. Un bourreau des cœurs. Pourquoi est-il en train de dîner avec moi ?Quand arrivent onze heures et demie et la fin du repas, je suis presque complètement détendue et les sourires me viennent spontanément. En fait, je me sens si bien que je ne sais pas si je pourrais arrêter de sourire.

Ce n’est pas comme ça que j’imaginais l’amour quand j’étais plus jeune. Je croyais qu’on tombait amoureux et que tout était parfait. Avec la famille qui est la mienne, j’aurais dû me rendre compte que ça ne passe pas comme ça, mais personne ne m’a jamais dit à quel point l’amour est égoïste. Comment ça vous ronge. Et tous les jeux auxquels il faut jouer pour obtenir ce qu’on veut.Je ne veux pas que tu le voies, mais ce n’est pas juste envers toi.Mon cœur fait un bond.

Parfois, les mots sont là, dans ma bouche, tout prêts à sortir, mais je les ravale comme de la bile. Je ne peux pas lui dire. C’est impossible.Je sais comment les mots se répandent. Ils prennent feu et l’incendie se propage d’une personne à une autre, dévorant.Je ne peux pas prendre le risque qu’on découvre qui je suis.

Elle regrette cette époque, je le sais. Et moi aussi. La vie était plus simple avant, sans les seins, le sexe et cette obsession de devenir autre chose, mais je ne peux quand même pas m’arrêter de grandir – je veux grandir – et elle, il faut qu’elle me lâche un peu.

L’été, c’est la saison du cul, on est comme des chiennes. C’est normal, on est presque adultes et le cul fait partie de la vie d’adulte. En fait, être adulte, c’est ça justement. Ou presque. Je ne voulais pas le faire avec Courtney samedi, mais je voulais le faire. Ça me fait tout drôle de penser à la sensation quand il était en moi, aux bruits qu’il a émis quand il a joui ; c’était si différent de tout ce qu’on avait fait avant et que j’avais bien aimé.

Si Ava est mon cœur, Marilyn est mon roc. Je devrais lui dire ce que je pense avoir vu. Non, pas ce que je pense. Ce que j’ai vu. Elle me croira et elle saura bien mieux que moi quoi faire. Après deux verres de vin, je me sens beaucoup plus brave qu’en temps normal. Mais je n’arrive toujours pas à me décider.

L’amour nous submerge. Pur. Il recouvre tout au point que je m’y noie presque. Il entre par tous les pores de ma peau. Il est effréné. Aucun barrage ne peut le contenir. En cet instant, il n’y a rien de mauvais dans le monde et je me dis que, si je laisse l’amour m’emplir entièrement, je le transformerai en un rayon de lumière permanent qui brillera à jamais sur Daniel.

Bon Dieu, pourquoi les gens n’installent pas Messenger sur leurs téléphones ? Comme si les données de tout le monde ne se baladaient pas déjà dans la nature. Tous ceux qui ont moins de vingt-cinq ans s’en accommodent. Il n’y a que les vieux pour s’en soucier. À quoi sert un service de messagerie si on ne l’utilise que depuis un ordinateur ?Une autre sorte d’intimité.

Nous, les filles, on a des muscles, mais on a l’œil aussi. Et on exige de tout savoir les unes des autres. Si elles avaient entendu une notif, j’aurais dû leur dire. Nous sommes une.