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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
A la lecture des noms de Marie-Eve Thérenty et de Christine Planté, m'évoquant « Femmes de presse, femmes de lettres, de Delphine de Girardin à Florence Aubenas » pour l'une, et « La petite soeur De Balzac » ainsi que l'anthologie « Femmes poètes du XIXème siècle » pour l'autre, qui figurent dans ma PAL, je n'ai pas hésité une seconde à cocher « Féminin / masculin dans la presse du XIXème siècle » lors de la Masse Critique Non-fiction de février et je ne peux que chaleureusement remercier Babelio et les Presses Universitaires de Lyon pour cet envoi.
Visuellement, je n'ai pas trouvé la couverture très convaincante ni attrayante a priori (fond blanc, illustration très légèrement rosée, trait noir d'un portrait), mais j'ai beaucoup apprécié l'ironie de l'illustration choisie : la une de la brochure hebdomadaire « les Hommes du jour » datée de 1909 avec la journaliste Séverine à l'honneur...
Elle souligne parfaitement la problématique de cet ouvrage qui met en tension le rapport des journalistes (masculin et/ou féminin) entre eux et avec leur lectorat (masculin et/ou féminin), par le biais d'un discours aux sources, aux buts et aux effets plus ou moins genrés et stéréotypés.
Le sujet a son importance dans la mesure où le support presse est un vecteur puissant de formation de l'opinion – qui, de nos jours, pourrait en douter … ? - et que le rapport hommes / femmes, l'égalité entre les sexes, les notions de masculinité et féminité etc. sont au coeur des réflexions, débats et luttes actuelles. Ce panorama de féminin/masculin dans la presse du XIXème siècle nous permet donc de regarder quelque peu en arrière et de faire le point sur les racines de notre société actuelle.

De fait, il est davantage question de féminité et de femmes que de masculinité et d'hommes, cependant, même si cela se lit parfois en creux, on constate que la femme et la féminité se construisent bien souvent en appui, en opposition, en soutien, en soumission – inconsciente, consciente, voulue ou forcée – à l'homme et à la masculinité. L'inverse s'observe aussi mais en des proportions et des modalités fort différentes.

Tout d'abord, il est intéressant de se rappeler le contexte de cette presse observée : XIXème siècle, nous sommes au lendemain de la Révolution française suivie de l'Empire instaurant le code civil napoléonien en 1804 qui réduit la femme au statut de mineure, s'appuyant sur les théories physiologistes inscrivant par nature les femmes du côté de l'instinct, des sentiments, de la dépendance, de la maternité et de la domesticité, théories faisant florès depuis le fin du XVIIIème siècle. L'image de l'homme étant opposée : guidé par la raison, le savoir, indépendant, tourné vers l'extérieur.
Le siècle va également connaître de nombreux soubresauts politiques, techniques, sociaux.
Toutes ces dimensions influent évidemment considérablement sur le sujet qui nous intéresse et le traitement chronologique est visible dans chaque partie thématique de l'ouvrage.

Ainsi, le code Napoléon impose une construction sociale marquée par les genres, dont le milieu de la presse est un microcosme à valeur d'exemplarité. On s'interroge donc :
Quelle place pour les hommes et les femmes en tant qu'auteurs et autrices, journalistes : qui écrit sur quels thèmes, pourquoi et comment ?
Et plus particulièrement : qui sont les femmes qui écrivent ?
Dans quelles conditions et pourquoi écrivent-elles ?
De quelles libertés disposent-elles et à quelles contraintes sont-elles soumises ?
Dans quelle mesure peut-on parler d'écriture journalistique féminine ?
Voici les articles proposant des éléments de réponse (cela donne un bon aperçu de la variété des domaines évoqués et leur dimension chronologique et spatiale) :
« Nue ou déshabillée ? le discours féminin sur le corps au salon » Laurence Brogniez ; « La réception des écrits des femmes : les années décisives de 1908-1909 » Patricia Izquierdo ; « Journal d'Alexandre Dumas » Sarah Mombert ; « le ‘plafond de verre' des femmes journalistes du XIXème siècle » Marie-Eve Thérenty ; « pratiques journalistiques et engagement professionnel des ‘reporteresses' de la Fronde » Sandrine Lévêque ; « Un réseau de femmes journalistes : les collaboratrices aux Matinées Espagnoles » Margot Irvine ; « Les écrivaines-journalistes entre les deux guerres : notes pour une prosopographie » Paul Aron.

On se demande également :
Quelle place pour les lecteurs et les lectrices : quelle image leur renvoie-t-on de la masculinité et de la féminité ? Dans quelle mesure est-ce le reflet de la société d'une part, mais, d'autre part, plus inquiétant et au combien actuel, dans quelle mesure cela constitue-t-il l'entretien de stéréotypes voire la source de nouvelles normes de genre ?
Voici les articles proposant des éléments de réponse (là encore, j'apprécie la variété et l'intérêt des sujets traités) :
« Enseignement de la féminité et apprentissage de la connaissance dans les journaux féminins (1730-1830) » Catherine Nesci ; « Corps et genre dans la presse de mode masculine » François Kerlouégan ; « La représentation de la femme dans la dernière mode de Stéphane Mallarmé » Barbara Bohac ; « La déclinaison sexuée du bien-être dans les publicités de la presse à la Belle Epoque » Nicolas Pitsos ; « Les portraits de lectrices à la Belle Epoque, ou les ambivalences d'une figure nouvelle » Isabelle Matamoros « Des ‘dieux de la danse' aux ‘affreuses danseuses du sexe masculin' : féminisation symbolique de la danse » Hélène Marquié ; « Gabrielle, une criminelle à la Une en 1889-1890 » Michèle Fontana ; « La presse féminine vers 1900 et les innovations du magazine Fémina » Guillaume Pinson ; « Le métier de femme dans Marie-Claire : de l'émancipation dans la presse féminine » Claire Blandin.

On constate parfois une mobilisation forte des femmes journalistes, incitant leurs lectrices à prendre leur place dans la société, ce qui implique un investissement plein et entier de sa place d'individu tant pour les journalistes que pour le lectorat (« Résistances féministes dans la presse au tournant du XIXème siècle » Caroline Fayolle ; « La femme libre des Saint-Simoniennes, premier périodique féministe français ? » Christine Planté ; « Lectrices et acheteuses : des modes d'action au féminin dans la Fronde » Sandrine Roll).

On observe également comment la considération de genre peut être dépassée par des intérêts autres  (« Les corps violentés : victimes et cadavres dans le fait divers criminel » Laëtitia Gonon ; « Infâme affaire : échos de l'affaire Oscar Wilde dans la presse française » Frédéric Canovas) ou au contraire exacerbée et vilipendée pour finalement s'en approprier les particularités l'air de rien (« Chronique judiciaire : le public féminin en procès » Amélie Chabrier).

De nombreux articles, donc, souvent très intéressants (et à la forme et au langage très clairs et accessibles – introduction, plan conclusion : article de recherche universitaire) qui m'ont permis de renforcer mes connaissances sur le sujet, m'ont fait réfléchir à l'évolution du statut et de la place des femmes dans la presse et dans la société, en écho avec les temps présents également. J'ai été quelque peu frustrée, surtout dans les articles concernant la première moitié du XIXème siècle, où il est rarement mentionné quelle était la réception du lectorat, en particulier féminin, à ces écrits et à cette image de femme et de féminité qu'on leur proposait ou imposait.

Tout cela m'a donné envie d'approfondir la question et j'ai donc sorti de ma PAL « Femmes de presse, femmes de lettres, de Delphine de Girardin à Florence Aubenas » de Marie-Eve Thérenthy, qui s'ouvre sur cette remarque : « En tant qu'historienne de la presse, j'ai été moins effarée par le faible nombre de femmes présentes dans les colonnes serrées du journal avant la Seconde Guerre mondiale que par la manière dont l'histoire de la presse les avait complètement effacées alors même qu'elles étaient parfois, malgré leur faible nombre, à l'origine de pratiques, de postures et de poétiques innovantes, peut-être pensées sous la contrainte du genre, mais finalement souvent adoptées et prolongées ensuite par l'ensemble de la profession. Que Delphine de Girardin, la créatrice de la chronique parisienne ou Séverine, recherchée par toutes les rédactions des quotidiens à la Belle Epoque, n'aient pas leur place attitrée dans le Panthéon des journalistes exactement comme Emile Zola ou Albert Londres m'a semblé plus que curieux : injuste. J'ai réalisé cette enquête pour proposer une autre histoire de la presse, complémentaire de l'histoire traditionnelle. » (Avant-propos, pp.9-10).

Vous l'aurez compris, pour ma part, sujet à suivre.



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Un peu de temps tout de même pour parcourir l'ensemble des pages de cet ouvrage mais par contre, quel régal ! On peut observer l'évolution du féminin et du masculin dans la presse. Un beau livre que l'on devrait montrer à tous les futurs journalistes.
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Un recueil d'articles très intéressants. de leurs propres mots, l'objectif des autrices est de "déplacer les interrogations" en prenant le genre comme outil d'analyse et l'on peut dire que le pari est réussi. L'ouvrage se compose de cinq parties dans lesquelles sont étudiés tour à tour les stéréotypes de genre transmis par les journaux, les faits divers ou encore la place des femmes journalistes. Bien que la place des femmes ait été minoritaire, les différents articles permettent réfléchir et de lutter contre certains présupposés qui feraient de la femme une grande absente du monde journaliste de l'époque que ce soit en tant que lectrice, sujet d'écriture ou journaliste.

Pour ma part, j'ai beaucoup apprécié la partie sur la femme journaliste (partie 4) et plus encore celle sur les faits divers (partie 3). J'ai plus particulièrement aimé l'article de Michèle Fontana, "Gabrielle, une criminelle à la une en 1889-1890". L'autrice nous parle de Gabrielle Bompard accusée de complicité de meurtre. Ce fait divers nous renseigne sur la représentation de la femme meurtrière dans les journaux de l'époque et met en lumière la représentation de la femme comme "hystérique" ou "possédée". Les différents points de vue portés sur cette femme étaient très intéressants.

Petit plus : de belles illustrations en couleur situées à la fin de la première partie.

À qui s'adresse cet ouvrage ? Aux spécialistes et enseignants, mais également à tout lecteur intéressé par l'histoire de la presse ou l'histoire des femmes. Bien que ce recueil d'articles se focalise sur le XIXème siècle, début XXe pour la dernière partie, les interrogations qui y sont portées et les nombreuses réflexions nous sont encore bien présentes aujourd'hui.
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