IPR Blues

Il ne savait pas trop… Certes c’était une promotion et Cyril Dambert avait envie depuis longtemps de changer, de progresser, de grimper dans la hiérarchie. Mais, non, il ne savait plus trop s’il en avait toujours vraiment envie. Jusque-là la route avait été droite, finalement relativement aisée, à part les années de moine consacrées aux concours : Normale Sup et l’agrégation. La voie ouverte devant lui était déjà tracée et ne présentait pas de méandres ni de retournements : il serait professeur. Et déjà n’avait-il pas gravi des échelons ? Passer du second degré aux classes préparatoires, le fleuron de l’École à la française, c’était déjà une reconnaissance… Reconnaissance, voilà l’ambiguïté ! Cyril Dambert avait toujours été mû par une soif inextinguible de reconnaissance… toujours partout : dans les études, dans la famille, en amitié, en amour, dans les activités professionnelles, dans ses goûts artistiques et même au niveau physique, après des années d’adolescence ingrates, complexées et mortifères. La reconnaissance était-elle un moteur ou un frein ? Il s’était souvent posé la question et comprenait qu’aujourd’hui il était au coeur même de cette problématique qu’il n’avait jamais résolue : être reconnu… oui, c’est bien sûr être valorisé par l’image que l’on vous renvoie de vous même et cela mérite que l’on se donne du mal pour y parvenir… Mais c’est en réalité bien plus ambigu : être reconnu c’est être à la fois sécurisé par une situation légèrement dominante par rapport à celle des autres, qui vous considèrent comme un exemple, mais c’est aussi se mettre en danger car cette situation vous expose…