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4,29

sur 449 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
« Il arriva par le sentier de la cluse, vers le seizième mois de l'automne, qu'on appelait là-bas : la saison pourrie. »

Ainsi débute ce roman d'une frappante singularité, mêlant de manière hypnotique le grotesque et l'absurde, l'humour glauque et l'exécrabilité. C'est dans un hameau de montagne lugubre, poisseux et habité par de pauvres hères repoussants, que le narrateur extérieur nous invite pour nous conter l'histoire de cet étranger nommé Siméon, qui voulut s'abstraire du monde pour raconter ses douleurs intérieures en écrivant un livre. Dans cette vallée étroite fermée par un verrou glaciaire, où le gel bleu d'un hiver interminable succède à l'automne diluvien, ne poussent que des lentilles dont les villageois tirent leur seule pitance ainsi qu'un tord-boyau parfaitement corrosif.

Bien décidé à s'établir dans cet outre-monde d'une affligeante laideur, Siméon est prêt à subir toutes les avanies et à consentir à tous les sacrifices. Rien ne peut dépasser en horreur les souvenirs du désert où il a tant perdu. Alors cette eau qui tombe continuellement du ciel lui paraît une bénédiction capable de le laver de son passé. Louana, fillette mongoloïde aussi délurée que colérique et à qui rien n'échappe, est la première à le voir arriver dans la vallée. Suivra toute une galerie de personnages dignes d'une cour des miracles : la veuve éléphantiasique Ham, tenancière de l'unique café-auberge, l'imposant Croll, borgne et rebouteux de son état, une paire de douaniers au zèle ridicule, le vieil unijambiste Raurque, et jusqu'à la maigrelette épouse Dogde dont Siméon s'éprendra. Mois après mois, saison après l'autre, l'étranger découvrira les usages de ces habitants aux moeurs répugnantes ou drolatiques.

« Quand un monde est inhabitable, on le change, ou on en change. » Alors quels prodigieux changements Siméon parviendra-t-il à impulser dans cette vallée oubliée de Dieu ? Un récit tour à tour ignoble et cocasse qui se lit entre répugnance et fascination. On se prend à frémir ou à faire la grimace, à sourire ou à secouer le chef, mais dans une telle narration, nulle indifférence. Un classique sortant à n'en pas douter des sentiers battus.
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Parcourant l'exposition « Les Saisons » de l'artiste Lionel Estève au Musée d'art contemporain (Belgique), j'ai entendu évoquer le roman du même titre de Maurice Pons.

Découverte pour moi de ce livre dit « culte ».
Un choc, un questionnement.
Des images qui surviennent brûlantes jusqu'à l'écoeurement.

Une impression de livre intemporel.
Miroir à chaque époque pour chaque génération.
La lecture à sa sortie en 1965 ne fut certainement pas la même qu'à notre époque.

Comment ne pas penser aux maux infligés par l'homme à son semblable?
Comment ne pas penser aux migrants?
Comment ne pas penser aux espoirs déçus d'une nouvelle vie imaginée et espérée autre que celle subie?
Comment croire en l'humanité?

Le livre est noir, violent, brutal, sans lumière.
Les saisons ne sont plus que deux.
Elles sont aussi noires, violentes, brutales que les êtres qui y vivent dans un présent qui les tue.
Pluies incessantes. Gel qui fige les hommes. Neige qui étouffe êtres et lieux.
Un homme y vit, toléré, détesté, coupable, soumis, sacrifié : il en faut bien un…
Il est un écrivain qui veut et ne peut écrire, obsédé par un départ qu'il ne peut dépasser, se heurtant à la laideur qu'il ne peut transcender.

À dénombrer tout ce qui se passe dans cet endroit hors monde, on y trouve des faits, des mots qui bousculent : analyser est presqu'impossible tant le livre fascinant serpente en nous de diverses manières et ne nous lâche qu'après le dernier mot et encore…


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Un étranger arrive au village. Un homme un peu simple, pas méchant et plutôt présomptueux. Il rêve de devenir écrivain.

De coucher sur papier, tous les mots qui l'ont étouffé dans le désert de sa précédente vie.

Pour ce faire, il a choisi de se réfugier là où la pluie tombe des mois complets et la glace, des années. Dans ce village, où seules poussent les lentilles que l'on mange à toutes les sauces.

Dans ce village étrange, peuplé de gens frustres avec lesquels le nouvel arrivant, Siméon, va devoir coexister...

Roman fort étrange que celui-ci, empreint d'une atmosphère sombre et malsaine. Un récit teinté d'extraordinaire, à l'exemple de ce climat détraqué.

Ce roman se lit, comme un voyage cauchemardesque, dans lequel le lecteur s'englue, parcouru malgré lui, d'éclats de rires incongrus.

Mais, si on gratte un peu cette surface, l'on retrouve une histoire sur un bouc-émissaire, sur l'incompréhension mutuelle et la xénophobie.

Siméon est à la fois, un homme que l'on plaint car victime de la suspicion immédiate des habitants du village mais il est tellement pédant que l'on ne peut s'empêcher de penser qu'il mérite une partie de son sort.

Au final, ce récit chamboule le lecteur. C'est une expérience complètement atypique et rien que pour cela, je vous invite à découvrir ce roman.

À moins que vous ne l'ayez déjà fait ?
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Alors que le seizième mois de l'automne est arrivé et que les pluies ininterrompues inondent une vallée perdue, Siméon arrive dans un village oublié. Seule deux saisons existent : celle des pluies et celle du gel. Et les habitants ne sont pas particulièrement accueillants pour les étrangers. Siméon s'y installe pourtant, se déclarant écrivain et avec l'objectif d'écrire son grand roman. Pourra-t-il y parvenir dans ce lieu hostile où tout, des habitants aux éléments, semblent être ligués contre lui ?

Quel livre étrange que ce roman de Maurice Pons, paru initialement en 1965, réédité dix ans plus tard et disponible depuis juin dans la très jolie collection Titres de Christian Bourgois Éditeur en format poche. 

J'ai été déroutée tout au long de ma lecture par ce récit à la fois perturbant et envoûtant. 

Perturbant car on ne sait jamais où nous sommes exactement ni à quelle époque ni quelle est la véritable histoire de Siméon même si l'auteur nous en livre des bribes. Perturbant aussi par la violence, la crudité voire la bestialité et la monstruosité de certaines scènes ainsi que de ces habitants étranges et extrêmement frustes. 

Mais aussi envoûtant par la force qui se dégage de cette nature hostile et de ces villageois qui survivent à tout, malgré tout. Envoûtant par l'espèce de naïveté qui habite Siméon tout à son projet d'écriture qui doit changer le monde, lui redonner de la beauté. Envoûtant enfin par toutes les questions que le roman soulève sur la place de la littérature, le pouvoir des mots, l'importance de l'ouverture d'esprit. 

En cela il demeure totalement contemporain et on comprend que chaque réédition trouve son public.

Attention, ce livre n'est pas facile à apprivoiser, il faut accepter de lâcher prise et de se laisser embarquer dans cet univers particulier pour l'apprécier. 
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Il faut avouer que j'ai bien failli abandonner. J'ai tellement patiné dans la gadoue froide et visqueuse des vingt premières pages, je me suis tellement senti mal à l'aise à entrer dans ce village en ruine sous cette pluie désespérante, j'ai tellement été rebuté par les premières rencontres avec ses habitants que j'ai bien failli abandonner et ranger le bouquin avec son billet de train composté coincé entre les pages vingt et vingt et un — car on ne sait jamais...

Il n'y avait pas que le climat de ce bled pourri qu'on me décrivait qui me dissuadait d'avancer, pas que la peinture à la Bidochon des premiers exemplaires de sa population qui me prenait à rebrousse-poil, et pas que la noirceur cauchemardesque de l'atmosphère qui me faisait craindre le pire. Ce qui me freinait le plus, c'était la richesse et la désuétude du vocabulaire qui m'annonçaient une indigestion rapide.

Cette phrase faillit bien emporter ma décision :

"(...) assise à califourchon sur les genoux de l'un des douaniers, — le douanier en second à ce qui devait apparaître bientôt — qui la maintenait contre lui en lui plaquant les deux mains ouvertes sur les fesses, elle lui pressait entre deux doigts les ailes du nez, et la séborrhée sale dont elles étaient gorgées jaillissait des pores en petits vermisseaux à têtes noires."

Mais avant de lâcher prise, avant de me mettre à relire Bonjour Tristesse ou l'Attrape-Coeurs, je suis allé écouter ce qu'on disait des Saisons et de M.Pons sur Google Avenue. Et voilà ce que j'ai entendu : "... très grand livre, authentique chef-d'oeuvre, livre culte, le plus célèbre de Maurice Pons, sans cesse réédité et traduit... "

Comment se priver d'un tel morceau ? J'ai donc pris sur moi et ressorti le bouquin de son étagère. Et je l'ai lu. Et jusqu'au bout s'il vous plaît ! Et je suis content de l'avoir fait. Content d'en être sorti, c'est vrai, mais content de l'avoir fait.

Vous raconter l'histoire ? Pour une fois, pourquoi pas ? Mais pas la fin, bien sûr.  Voilà :
Siméon est jeune, jeune et laid. Il arrive d'un désert où il a connu bien des malheurs. Mais ils n'apparaîtront que par allusions, par éclairs, en contraste de ceux qu'il va connaître dans ce village de montagne où le gel bleu de quarante mois succède à quarante mois de pluie. Optimiste invétéré et plutôt stupide, ou disons plutôt aveugle à la stupidité des autres, à la recherche d'un lieu où il pourra écrire son roman, Siméon pense le trouver dans ce village sans nom, ruisselant de pluie ou craquant de gel au creux d'une haute vallée. Là, tout est sale, immonde, grossier, grotesque et incompréhensible : le temps, les maisons, les villageois. Mais Siméon, transi, trempé, mal logé, mal nourri, malade, infecté, souffre-douleur, méprisé, maltraité, insulté, battu, accepte tout sans comprendre. Il n'agit qu'en fonction de ce qu'il croit qu'on pensera de lui. Il ne cherche qu'à se faire admettre, pour pouvoir rester et accomplir son oeuvre, écrire son roman. Mais tout ce qu'il obtient, c'est davantage de coups et de mépris. Et tout ce qu'il peut écrire, c'est son journal. Surprenant journal, naïf et optimiste, c'est à dire aveugle, en complet décalage avec la réalité qui nous est racontée par un narrateur omniscient. Et puis un jour, jour de pluie forcément, à travers une des rares fenêtres du village, car le village est presque aveugle, forcément, il surprend Clara, nue, en train de faire ses ablutions, et aussitôt, forcément, il l'aime. Et puis un autre jour, pluvieux, l'assemblée monstrueuse des habitants lui confie le soin de cette étrangeté plantée à l'orée du village, cette incongruité dans ce trou perdu où il pleut sans cesse, ce gros bidon sur pieds qui déborde quarante mois d'affilée, le pluviomètre. Siméon chargé de responsabilité ? Accepté donc ? Va savoir. On verra plus tard. Parce que la pluie cesse. Et presque aussitôt le gel, le gel bleu comme ils disent là-haut, arrive, tuant ceux qui n'ont pas su prendre leurs précautions (et quelles précautions, je vous laisserai le découvrir !) Il fait si froid, si brutalement, que les choucas gèlent en vol et tombent avec fracas sur le village. Il faut toujours faire attention aux choucas. Mais ni les responsabilités ni le froid n'arrangent les affaires de Siméon. Ah si ! On le marie, ou plutôt on l'accouple, publiquement à Clara. La cérémonie, disons plutôt la séance, s'achève au milieu des rires (nos villageois rient de tout et de rien, à toute occasion, continuellement, systématiquement, méchamment). Mais rien ne s'arrange pour autant.
Et puis un jour, un espoir nait..., mais je vous en ai déjà trop dit.

Pour en savoir davantage, il vous faudra entrer dans ce village et subir ce que j'ai subi, en bien comme en mal. Il vous faudra avancer dans cette histoire cauchemardesque, infernale, d'une noirceur totale. Il faudra observer sans comprendre les mystères du village et les traditions, les règles, les interdits, les jeux et les plaisirs de ces êtres méchants, bornés et résignés que sont ses habitants. Vous devrez suivre sans discuter les actes ineptes de cet optimiste stupide et inadapté d'écrivain velléitaire et stérile. Vous pourrez apprécier, mais aussi parfois subir, la précision, la richesse et la désuétude voulue du vocabulaire de l'auteur. Vous ferez de même, tantôt admiratif et tantôt agacé, pour son style, précis dans des descriptions inoubliables de l'horreur, emphatique dans les envolées lyriques de Siméon, grossier jusque dans les dialogues d'enfants et, par surprise, parfois comique jusqu'à la farce.

Ce roman est sûrement une allégorie. Mais de quoi ? Siméon est-il l'albatros embarrassé sur le pont au milieu des marins ignares ? Ou bien est-il la personnification de l'impossibilité d'écrire ? Ou bien le village serait-il l'humanité passant sans cesse ni espoir d'une catastrophe à une autre ? J'avoue que je n'en sais rien. À vous de voir.

Quand vous aurez fait tout ce que je vous ai dit, au contraire de Siméon, vous sortirez au soleil avec l'impression de vous réveiller d'un cauchemar dont vous auriez pu vous réveiller à tout instant à votre guise, mais que vous aurez préféré vivre jusqu'à la lie.

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Un petit village dans la montagne, on sait pas bien où, mais qu'importe. Il fait froid, c'est paumé et pas très accueillant, la bonne ambiance, quoi. Et ce n'est rien de le dire. le début de ce livre m'a vaguement fait songer à Derborence de Charles-Ferdinand Ramuz, peut-être à cause de cet espace-temps distendu et de la chape montagnarde. Cette montagne où tous les espoirs - et les drames - sont permis.
Et puis Maurice Pons m'a emmené dans une histoire à laquelle je n'étais pas vraiment préparé. J'y ai parfois trouvé des effluves de Dogville, le film de Lars von Trier. J'ai bien essayé une fois ou deux de récupérer ma main pour aller lire ailleurs, mais rien à faire, ce diable d'homme a bien su s'y prendre pour m'emmener jusqu'au bout de son bout de livre. Je l'ai refermé avec un grand sourire, un peu crispé par certains excès, certes, mais tout de même enchanté de cette aventure sans risque, car seulement livresque, ouf. Enchanté ? Vaudrait-il mieux dire ensorcelé ? Envoûté ? C'est un sorcier, cet écrivain, je vous le dis. Je vais attendre un peu, histoire de souffler avant de lire le prochain…
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Noir c'est noir, il n'y a plus d'espoir !... ..............................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................
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Quel drôle de roman qui m'a parfois mis le coeur au bord des lèvres! Siméon arrive dans une étrange contrée montagnarde qui ne connaît que deux saisons : quarante mois de pluie continue suivis de quarante mois de gel bleu mais comme il a connu le désert et la chaleur, il semble s'en accommoder ; on comprend aussi qu'il a besoin de croire à un nouveau départ. Il espère faire son nid dans cette communauté et enfin pouvoir concrétiser son métier d'écrivain. Malheureusement, l'endroit et les habitants ne sont pas pour la plupart ce que l'on peut qualifier d'accueillants... Ils sont méchants, sales, paresseux, vulgaires... mais vu les conditions peut-on le leur reprocher ? Difficile à dire... Dans la pourriture, ne s'épanouit que la pourriture.
C'est un texte étrange aux résonnances multiples, peut-être désespérément inspiré des évènements de 40-45 et pour une part visionnaire quand il aborde la problématique de l'immigration. Entre autres.
J'ai très souvent pensé au magistral Rapport de Brodeck en lisant ce roman, même si le ton et le registre sont complètement différents, il y a tant de points communs que je ne peux pas imaginer que Claudel ne s'en soit pas inspiré.
Une expérience de lecture à faire, mais il faut être bien accroché.
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Sorte de roman initiatique au pays de la lentille et de la pourriture. Inclassable, possédant plusieurs niveaux de lecture, cette quête loufoque vers le bien-être, vers le recueillement, dans un pays ou la pluie laisse la place au gel, le gel à la neige et la neige à la pluie, se déroule sur un mode naïf, burlesque. Une ode à l'écriture et un conte cruel pour adulte, drôle et terrible.
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Un climat hostile, des habitants rustres et isolés, un paysage des plus mornes. le cadre n'est pas très accueillant, pourtant on assiste à l'arrivée d'un étranger, Siméon, qui comme le lecteur est à la fois dégoûté et fasciné par ce monde.

Ce livre m'a fait pensé au Désert des Tartares de Buzatti. L'endroit est un peu irréel, des plus hostile et pourtant le personnage principal, bien décidé à ne pas rester, semble pris au piège d'une étrange attraction dont il ne peut se défaire.
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