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EAN : 9782757865729
128 pages
Points (24/05/2017)
4.11/5   36 notes
Résumé :
Quand a paru ce Passager de la nuit, la sale guerre d'Algérie battait son plein et commençait à gangréner la France entière. C'était après Palestro, après Charonne, et nous étions peu nombreux alors- à peine plus de 121 ! - à oser soutenir sur le territoire français le Front de Libération National de l'Algérie. A cette époque, notre général-président et ses ministres s'égosillaient encore : "Algérie française! Algérie française ! "
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
Le décor est planté dès les premières phrases : "Le soir tombait. Nous roulions en silence. Sur la route devenue large et lisse, les lignes jaunes, tout au long des courbes, traçaient leur message en morse rapide. Au dessus de la voiture ouverte, les arbres glissaient dans l'eau du ciel comme les algues d'un grand fleuve".
Roman rapide, sous forme de road-movie qui défile au travers de paysages routiers d'une France majestueuse, même s'il s'agit là d'une France tourmentée pendant la guerre d'Algérie, où une mystérieuse Bernadette confie un non moins mystérieux voyageur au narrateur, pilote d'une décapotable sportive. Les pistons s'arrachent, le bruit du moteur couvre celui de la guerre clandestine des réseaux. L'histoire se construit dans les pointillés, les non-dits entre le pilote et le passager taciturne, et dans les courbes de l'asphalte. Silence on s'organise, le réseau opère.
Mais un troisième larron, le lecteur, peut vite s'embarquer dans l'aventure, témoin d'une ambiance cinématographique, addictive et envoûtante. Un court récit, rapide et incisif comme la décapotable, magnifique de mystère bitumé. 
Un roman écrit en 1959, réédité chez "Signatures". A lire et à conseiller à mon avis, dans le grand réseau des lecteurs cette fois.
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Sont-ce des pages ou des kilomètres qui défilent sous nos yeux ? Les deux, mon capitaine, dirait-on à la fin des années 1950, dans le djebel algérien, ou dans la casba d'Alger, entre deux opérations pour traquer et dénicher les indépendantistes algériens. L'époque est à la guerre, la sale guerre, pudiquement qualifiée d'opération de police par les autorités françaises. de la guerre d'Algérie, le narrateur, Georges Peltier, ne connaît rien, ou presque, enfin ce qu'en disent les journaux ou les actualités ; il s'en moque, de cette guerre : elle ne le concerne pas.

Georges écrit des nouvelles pour des journaux. L'une d'entre elles a plu : elle est adaptée au cinéma. C'est pour cela qu'il se rend, à bord de son bolide de sport, à Champagnole, dans le Jura. A ses côtés, un passager qu'il ne connaît pas, un Algérien, qu'une amie commune lui a demandé d'emmener avec lui. le soir tombe sur Paris et la route vers l'est défile. Georges et son passager s'enfoncent dans la nuit et le silence. Peu à peu, le passager révèle des bribes de sa vie, sans tout en dire. A travers l'Yonne, la Côte-d'Or et le Jura, perçant les limbes de la nuit, parviennent aux oreilles de Georges les vérités algériennes : le sale visage de la guerre, les morts, les blessés, les amis perdus, le manque d'eau, l'absence de médicaments, la colère contenue et la rage de combattre. Mis face à son ignorance volontaire, à son refus de prendre parti ou de réfléchir à une situation pourtant dramatique, Georges se retrouve confronté à la brutale tragédie de son époque. Par sa seule acceptation de conduire un inconnu, Georges entre en résistance et prend parti, opposant alors conscience personnelle et inconscient patriotique.

Il y a quelque chose d'hypnotique dans l'écriture de Maurice Pons. Les phrases sont simples par le vocabulaire choisi et par leur syntaxe ; aucun élément narratif n'est une grande aventure et, pourtant, chacune des péripéties, si ce mot n'est pas trop grand (un repas au restaurant, l'arrêt à la station service ...), révèle toute la lourdeur de cette guerre qui est tue. Par son choix de rapporter le récit de l'Algérien de façon fragmentaire, Maurice Pons ne fait pas qu'entretenir le mystère ; il renforce le caractère solennel et marquant de cette promenade nocturne dans la mémoire du narrateur. Il fait aussi entrer le lecteur dans un rôle de partisan indépendantiste : sachant et ignorant à la fois, reconnaissant la cause de son combat et ignorant pourtant les détails qui seraient impossibles à taire en cas d'arrestation. le caractère hypnotique tient aussi au cadre du récit : le voyage automobile, nocturne, apparaît comme une bulle de liberté, garantissant le secret du huis-clos et la promesse des grands espaces que rien ne délimite ni n'emprisonne.
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Maurice Pons, c'est l'auteur des “Saisons“, dont j'ai déjà fait la critique. Les Saisons, roman culte, roman massif, incroyable roman, trop riche, trop horrible, inoubliable. J'ai du mal à croire que c'est le même homme qui a écrit celui dont je veux vous parler aujourd'hui, le passager de la nuit.
Le passager de la nuit, c'est une histoire de rien, de presque rien. Presque une histoire de Résistance, mais pas vraiment. Pas une histoire d'amitié, même naissante, non, trop courte l'histoire. Un récit engagé ? Non, plutôt dégagé le récit. Une road story ? Si ce genre existait en littérature comme il existe pour le cinéma, ou pourrait dire : peut-être.
Un homme jeune, vingt-neuf ans, propriétaire attentif et cajoleur d'un cabriolet grand sport (1), automobiliste dominateur et sûr de lui, conduit un mystérieux homme d'origine algérienne entre Paris et Champagnole (2). En arrière-plan, les évènements d'Algérie, comme on les appelait officiellement à cette époque (3) donnent tout leur mystère au passager de cette nuit et aux motifs de son voyage. L'automobiliste a accepté l'Algérien pour rendre service à une amie, mais le passager demeure taciturne et le conducteur regrette presque de l'avoir pris à son bord. Mais peu importe puisque ce qu'il aime, c'est conduire, vite, sans hésitation, sans considération ni respect pour autrui ni pour les interdictions. Toute son attention est concentrée sur l'observation du comportement de sa voiture — un personnage à elle toute seule — et de la route dans la lumière du crépuscule puis dans celle des phares.
“(…) le soir qui tombe, c'est l'heure glorieuse des routes. Les grands arbres, agités par le vent, se découpent sur le ciel bleu sombre et les ombres frémissent sur l'asphalte. Les virages se perdent au coeur de la campagne claire. C'est aussi l'heure de la plus heureuse combustion dans l'air frais du soir, les pipes des carburateurs aspirent l'essence avec ivresse, le moteur ronronne de quiétude, sensible aux moindres attouchements. “
Petit à petit, par toutes petites touches, tandis que le rôle de l'Algérien dans la guerre devient de plus en plus clair, une ébauche de confiance s'établit entre les occupants du cabriolet. Mais leurs échanges sont plus des frôlements que des discussions et ni l'un ni l'autre ne cherche à expliquer ou à convaincre. D'ailleurs, si l'Algérien est évidemment engagé, le conducteur, lui, demeure sans opinion sur cette guerre. Pourtant, par amitié, par solidarité anti-flic ou par simple humanisme, quand une menace, même incertaine, s'approche de son passager, il le protège de son immunité de français de souche. Dans l'extrait qui suit, le narrateur, un peu fâché contre son passager, est allé boire seul dans un café de Dijon endormie tandis que l'autre attend dans la voiture.
“(…) Quand je sortis du bar, je ressentis un coup violent et mon coeur se mit à sonner l'affolement : deux agents de police descendus de leurs bicyclettes, se tenaient auprès de ma voiture. L'un, qui avait ouvert la portière du côté de la chaussée, était penché vers l'intérieur et parlait avec mon passager ; l'autre attendait à deux pas derrière.
—Quelque chose qui ne va pas ? demandai-je en m'approchant crânement.
Le premier agent se redressa et, avant qu'il eût pu parler, j'ajoutai avec autorité :
—Oui, Monsieur est avec moi.
—Ah bon, fit-il. On pouvait pas savoir, vous comprenez.
Il referma la portière et esquissa un vague salut.
—Dans ce cas, excusez, dit-il encore, et il s'éloigna avec son collègue, leurs bicyclettes à la main.“
De la part du conducteur, ce sera le seul acte à peine teinté d'un minimum de bravoure. le reste, que l'on verra si on lit la suite, il l'accomplira par simple décence.
Si le style du Passager de la nuit est moins brillant, moins riche, et j'allais dire heureusement, que celui des Saisons, il demeure étonnant de précision et de réalisme pour quiconque a aimé conduire sur les routes à platanes des années anciennes. le premier extrait que j'en ai donné plus haut n'en est qu'un exemple.
S'il est remarquable par son style, le Passager de la nuit est attachant par la délicatesse et même la légèreté avec laquelle est suggérée l'atmosphère de ces années troublées (4) et l'évolution de la relation éphémère des deux personnages.
Note 1 : S'il n'y avait la description ébauchée de la figure de proue du capot, je verrais assez bien une Jaguar Type E
Note 2 : Champagnole, Jura. Pas vraiment loin de la frontière suisse.
Note 3 : 1959
Note 4 : Les notes de bas de page, ça fait sérieux, non ?

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Pour une affaire de film qui se tourne, sans grand importance, Georges, le narrateur se rend à Champagnole, Jura... La route s'annonce belle, la nuit sereine et accueillante. Georges a avec sa décapotable une relation animale dont il tire une jouissance de tous les instants. Elle répond à ses ordres, guide ses pas, partage ses élans. le paysage défile, splendide, silencieux. A la lumière des phares, les villes-étapes défilent. Les pensées errent, rappellent fugitivement le souvenir d'une femme aimée.
A ses côtés , un énigmatique Algérien, qu'une amie lui a demandé de transporter. Un jeune Algérien alors que là-bas la guerre tue impitoyablement, et qu'ici certains posent des bombes. Et que Georges , lui, n'en pense pas grand chose.
Ce passager d'une nuit est taciturne, brutal parfois. Mais au fil des kilomètres, malgré "les paroles énigmatiques" et les "gestes suspects" du début, la langue se délie, une confiance s'installe et le conducteur passe d'une certaine rage à une fascination pour cet homme dérangeant qui lui révèle des choses insoupçonnées : la lutte secrète des armées clandestines du FLN.

Cette nuit étrange et belle, pleine de sensations mêlées à l'impression étrange de découvrir un monde de combat pour la liberté trop longtemps ignoré, laissera une marque indélébile en Georges, ce jeune homme insouciant qui fume la pipe, aime sa voiture et les femmes.

C'est un court récit, un huis-clos envoûtant, écrit avec une belle élégance, une sensualité mêlée de violence. On est embarqué dans cette voiture, qui roule abruptement ou s'apaise, selon l'état d'esprit de son conducteur, on accompagne ces deux hommes, la tension palpable entre eux. Une compréhension cruciale s'installe, de révélations en mystères, au fil des pages, des heures, des kilomètres.

C'est beau, d'autant qu'on apprend dans la préface que ce roman a été un roman de courage et de lutte, qui circulait dans les prisons, "de cellule en cellule" entre les combattants français et algériens incarcérés.
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Ce petit roman roman n'est sans doute pas à mettre au même niveau que le reste de l'oeuvre de Pons. Il n'en demeure pas moins que c'est un fort beau récit, bien mené avec une lente montée de suspense. Et surtout c'est, à l'époque, un acte militant en faveur du FLN et contre la Guerre d'Algérie.
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critiques presse (1)
Liberation
09 octobre 2017
On lit d’une traite le Passager de la nuit, récit serré, qui nous embarque à bord d’un bolide traversant la nuit.
Lire la critique sur le site : Liberation
Citations et extraits (4) Ajouter une citation
J'expliquais à mon compagnon, brièvement, mon point de vue sur Buffon, et lui proposait de dîner sous son ombre savante.
--- Si vous voulez, dit-il poliment. Mais, comme pour adopter le ton futile de mes propos, il ajouta : on sera mieux qu'à l'ombre d'un général.
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- Mais dites-moi, lui demandais-je alors froidement, vous êtes vraiment recherché par la police ?
- Vous ne voulez pas comprendre, me répondit-il avec une brusquerie inattendue. Nous sommes tous, constamment, recherchés, surveillés, suspectés, contrôlés, arrêtés par votre police. Nous sommes un demi-million d'Algériens en France. Un demi-million d'otages.
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Nous nous trouvions enfermés pour plusieurs heures, côte à côte, dans cet igloo de toile, au milieu de la nuit. Les pâles lumières du tableau de bord et les aiguilles blanches des cadrans délimitaient devant nous un étrange univers aux dimensions abstraites. Au-delà des vitres, la France passait à toute allure, dans un cataclysme d'arbres et de fermes, comme une planète en folie. Nous pouvions parler.
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Au carrefour de l'Obélisque, il m'arrive souvent de faire plusieurs fois le tour de la place, avant de choisir ma route. J'appelle cela : jouer au pigeon voyageur, et c'est ma façon de rendre hommage, par de savants crissements de pneus, à l'admirable ordonnance des lieux. En ai-je accroché déjà des souvenirs frivoles, en compagnie légère, à cet obélisque du dimanche ! Combien de soirs, n'y suis-je pas venu prendre l'air du printemps, en sortant du bureau, avec Françoise ! Tandis que nous tournions en rond sur la place, elle s'accrochait à moi, elle m'embrassait dans le cou, en répétant : "Ah ! j'adore ta voiture..."
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