Il est des auteurs qui s'accrochent à un concept, obsessionnellement. Ce sont souvent les auteurs les plus intéressants. Ils ont eu le temps d'implanter leur équation imaginaire dans diverses strates de la réalité, selon diverses stratégies. Quand les corollaires murissent, le paysage change.
Les romans qui en découlent peuvent facilement passer pour des sables mouvants. On voudrait y retrouver nos repères (enquête policière, jeu intertextuel des références cinématographiques, éclats d'explication fantastique ou réaliste) mais on continue à s'enfoncer doucement. On s'imprègne d'une logique dérangeante. Une adaptation par Cronenberg dans la tête. On ne s'y retrouve plus, on étouffe, penché sur un horizon intérieur mandarine mécanique.
Les Demoiselles de
Alex Porker est un roman de cette trempe. Façonné telle une catharsis de ce qui déjà arrive.
L'esprit du lecteur (disons, moyen) crie Non! et le texte répond Si! Puis l'interaction s'épuise, il renonce et devient celui qui devine et écrit la suite, cette nouvelle fatalité des sens. L'esprit du lecteur (devenu dès lors moins moyen) retournera à son quotidien hors-livre avec une neuve inquiétude.
Que s'est-il passé exactement dans l'appartement des Demoiselles ? On dit "indicible" pour ne pas savoir. le policier qui enquête sera submergé et disparaitra à la fin de la première partie, là où tout a commencé, comme happé par les grands fonds du récit. Dans la deuxième partie, les voix des protagonistes se répondent en direct. le déroulé se fait avec un détachement ballardien, implacable. Il s'agissait bien, en surface, d'une tragédie en chambre close, d'un Grand Guignol avec enfants. La troisième partie en coda, s'intéresse à l'effet sur le réel d'une telle aporie : sang et glamour en hyperenfance.
SC