Quel livre !
Maria Pourchet s'empare du sujet le plus rebattu de la littérature, à savoir l'adultère entre deux personnes que tout oppose, qui n'auraient pas dû se rencontrer. Elle raconte le coup de foudre, puis la lente descente de cette relation, ses ravages, les désillusions, les humiliations que subissent les amants mais aussi leur entourage. Banal, vu et revu. le chagrin d'amour et l'adultère hantent tous les romans de gare, mais aussi la littérature, la grande. C'était donc un projet très risqué.
Maria Pourchet s'en sort magnifiquement je trouve. Parce que la banalité, elle l'a traîne par les cheveux, elle la secoue au moyen d'une langue époustouflante, inventive, incisive, péchue. Elle fait parler alternativement l'homme, qui dit "je" et la femme qui dit "tu", comme si elle se regardait vivre, se jaugeait, se jugeait. Les deux amants n'ont de cesse de convoquer leurs mères, qu'ils ont toutes les peines du monde à tenir à distance, et qui les entravent. En revanche, la fille adolescente de la femme, véritable bombe incendiaire, est magnifique de colère, de révolte et de lucidité. Elle coupe dans le vif. Elle ne laissera rien passer. Nouvelle génération, nouveaux codes. Pour sa mère, elle fera un résumé ahurissant de Andromaque de Racine, un morceau de très haute voltige.
L'autrice dégomme à tout va, les masques tombent, et avec la manière. Monde du travail, amitiés, amour, famille, il ne reste plus grand chose debout à la fin.
Soyons francs, le chaos l'emporte. Mais
Maria Pourchet n'utilise pas le scalpel clinique de l'analyse froide pour disséquer le monde. Son outil serait plutôt la rage, les ongles, le sang ; une vitalité qui ne cesse de vouloir s'exprimer. Et qui secoue tout ce qui l'en empêche. Et c'est pour cela que j'ai beaucoup aimé ce roman.
Un petit bémol cependant ; je trouve que la partie du roman relative à la passion amoureuse, le moment du coup de foudre, est un peu faiblarde. Je n'ai pas ressenti pour ma part le désir brûlant qui devrait se dégager de la situation. Ce qui brouille un peu la compréhension de la suite, à savoir la phase du retour de manivelle, qui elle est très bien écrite, mais qui du coup apparaît surinvestie.