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Dans le rétro : interview de Maria Pourchet
Quelques questions à propos de Avancer

 

Article publié en 2012 par Guillaume Teisseire, mis à jour le 13/09/2023

 

 

Du talent et beaucoup d'esprit. Voilà ce que laisse entrevoir cette interview de Maria Pourchet, initialement parue sur Babelio en 2012 pour son premier roman Avancer chez Gallimard. Toutes choses que ses livres suivants ont pu confirmer. Comédie sociologique au ton singulier, Avancer raconte la vie de quelques personnages résidant dans un immeuble parisien. Plus d'une décennie plus tard, Maria Pourchet est devenue une autrice contemporaine de premier plan, avec plusieurs livres publiés chez Gallimard, un chez Pauvert, un chez Fayard, et son dernier en date chez Stock, Western. Un roman sélectionné en 2023 sur les premières listes du prix Renaudot et du prix de FloreL'occasion de jeter un coup d'œil dans le rétro, et revenir sur le chemin parcouru à travers cette interview. 

 

 

Victoria s'inscrit dans une tradition de grands velléitaires littéraires comme Oblomov ou les héros de La Bête dans la jungle d'Henry James et de L'Humeur vagabonde d'Antoine Blondin. Est-elle un personnage intemporel, ou un produit de notre époque ?


Merci pour les références, elles me flattent ! Je n'ai jamais envisagé Victoria comme un personnage générationnel, historiquement caractérisé. Mais il se trouve qu'un certain nombre de lectrices m`ont dit s`être totalement « retrouvées » dans ce personnage et sa mystique particulière. Je me dis alors que peut-être, si Victoria présente cette surface d'identification, peut-être qu`elle est une figure, une passante au moins, de notre temps… Mais pour moi elle est intemporelle. Un personnage qui se vit comme tragique (elle est fataliste bien qu'optimiste, habitée par une vraie foi en l'avenir mais pas en elle–même, etc.) et qui va devoir se révéler picaresque… moi j'ai le sentiment que c'est un peu la condition humaine. Pour un individu sur deux au moins.


L'incapacité de Victoria à faire des choix est liée à sa lucidité quant aux conseils à suivre et aux chemins déjà tracés (les magazines féminins, l'inconscient, les sociotypes, les anges et les diables sur les épaules, le tarot de Marseille, etc.) Est-il possible d'« Avancer » sans y céder ?


Difficile de répondre. Ces aides ou explications là (psychologiques, sociologiques ou, à une autre extrémité, mystiques, occultes) peuvent aussi bien vous libérer de vos propres conditionnements que les entretenir, il me semble. Ce qui est sûr - et c'est ce qui manque à Victoria par excès d'introspection et faute d'estime de soi - c'est que l'on « avance » pas sans prendre le risque de « céder » à l'intuition. Grosse généralité, je sais, pardon.


Erudit, fouineur, sentencieux, trop vite monté en graine : sur le papier le personnage du Petit à tout d'une tête à claques. Comment expliquer qu'il soit finalement l'un des personnages les plus attachants du roman ?


Parce qu'il hérite d'une somme de personnages attachants. J'ai écrit le Petit un peu comme un hommage aux grands personnages de « petits » de la littérature… Il tient à la fois du petit Nicolas de Sempé et René Goscinny, du petit Malaussène de Daniel Pennac, du petit Momo de La Vie devant soi et d'autres enfants qui traversent l'œuvre de Romain Gary (le Fosco initial des Enchanteurs qui se décline dans nombre des livres suivants). Ensuite, je pense que le Petit est attachant parce que dans le, disons, je-m'en-foutisme ambiant qui lui sert de cadre, il est le moraliste, le moralisateur, le principe organisateur dans le bazar (c'est d`ailleurs lui qui essaie de ramener Victoria à la maison). Et il n'est pas individualiste : tous les personnages de ce livre veulent avancer mais lui est le seul à voir ça en terme de collectif (en l'espèce la famille).


Victoria ferait-elle un bon écrivain ?


Je craindrais qu'elle ne soit pas comprise. Ça finirait mal. Je dirais non.


Ces questions un peu sérieuses, ajoutées à l'intimidante couverture blanche de Gallimard, feraient presque oublier qu'Avancer est avant tout une comédie, légère dans le meilleur sens du terme. Y a-t-il des plumes humoristiques qui ont nourri votre style ?


Bien sûr. Pour la plupart celles que j'ai citées dans mes réponses, et pour certaines pas toujours des plumes associées à l'humour… Mais si l'humour est cette forme d'intelligence qui porte à considérer et soi-même et ses contemporains avec autant de lucidité, d'exigence, de cruauté (parfois) que de tolérance : FlaubertGionoGary-AjarMarcel AyméGeorges Perec… ont certainement nourri - mon style je ne sais pas - mais en tous cas, l'idée que je me fais de la littérature. Pour les auteurs plus récents, Christian Oster est plutôt inspirant aussi.


Travaillez-vous à un deuxième livre ? Si oui, pouvez-vous nous en dire un mot ?


Oui. Un roman. Mais il est encore trop dans les limbes pour que je puisse en dire quelque chose de clair… La prochaine fois, promis.

 



Quelques questions à propos de vos lectures



Quelle est votre première grande découverte littéraire ?


J'ai l`impression que de 8 à 25 ans, du Petit Nicolas à Pierre Michon, elles n'ont fait que s'additionner, les grandes découvertes « littéraires » ! Je vais plutôt vous répondre sur mes lectures fondatrices. Chronologiquement, la première, Madame Bovary de Gustave Flaubert. J'avais 13, 14 ans, j'avais lu quantité de classiques avant celui-ci, mais là j'avais l'impression d`avoir dans les mains un livre plus intemporel que n'importe quel autre, d'avoir reçu comme une leçon du fond du XIXe siècle, ou alors un secret… c'est difficile à exprimer. Mais cette lecture m'a très profondément marquée.


Quel est le livre que vous avez relu le plus souvent ?


Gros-Câlin de Romain Gary.


Quel est le livre que vous avez honte de ne pas avoir lu ?


S'il n'y en avait qu'un ! Ce sont plutôt des auteurs, des œuvres entières. J'ai encore du mal à avouer ne pas avoir lu Homère, ne pas avoir lu James Joyce. Je dois avoir un problème avec Ulysse. Et plein d'autres titres que je ne révélerai pas ici, ça reviendrait à étaler une inculture somme toute assez crasse, maintenant que j'y pense…


Quelle est la perle méconnue que vous souhaiteriez faire découvrir à nos lecteurs ?


Je vous dirais bien, « ben, mon premier roman » mais ça pourrait être pris au premier degré. Et Babelio est un site sérieux. Je ne sais pas. Dans l'absolu, j'encouragerais le lecteur à lire tout ce qui le porte à rire de lui-même. Un plaisir trop méconnu, j'en suis sûre.


Quel est le classique de la littérature dont vous trouvez la réputation surfaite ?


Bien des livres de Marguerite Duras.


Avez-vous une citation fétiche issue de la littérature ?


Oui, j'en ai une, mais comme elle très longue (une page entière des Âmes fortes de Giono), je ne vais pas pouvoir vous la livrer in extenso même si je la sais par cœur. C'est lorsque Giono écrit « Thérèse était une âme forte. Elle ne tirait pas sa force de la vertu, la raison ne lui servait de rien elle ne savait même pas ce que c`était ; clairvoyante elle l'était, mais pour le rêve » jusqu`à « elle se satisfaisait d`illusions comme un héros, il n'y avait pas de défaite possible ». Ça fait très longtemps que cette page m`accompagne.


Et en ce moment que lisez-vous ?


Je lis L'Auteur et Moi, d'Eric Chevillard, à cause du titre. Je me baladais dans ma librairie, j'épluchais des titres pas très engageants, et là paf, je tombe sur cette déclaration de narcissisme aigu. Ça m'a touchée, forcément.

 

 




Découvrez Avancer de Maria Pourchet aux éditions Gallimard (repris en poche chez Folio)

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