Ce tome fait suite à Chinatown et le mystérieux Monsieur Wicker. Il comprend les épisodes 19 à 23, parus en 2007/2008.
L'histoire s'ouvre avec Goon dans l'eau jusqu'à mi-cuisse, une hache ensanglantée à la main. Il patauge dans l'eau trouble du marais à la recherche d'un monstre après qui il en a. 3 mois après les événements de Fâcheuses tendances, Goon n'a toujours pas retrouvé la maîtrise de la pègre. Franky est à la recherche d'une femme pour une relation durable et il a perdu son dinglepiper. le pub de Momma Norton et fils est sur le point de rouvrir. le spectacle burlesque de madame Elsa est de retour, pour la plus grande angoisse de Franky qui rêve de son Petit Poney. Willie Nagel (le zombie autonome et conscient) prépare un gâteau à la noix de coco. The Priest reçoit la visite d'un autre Priest, pas commode non plus.
La tendance amorcée dans "Wicked inclinations" se confirme :
Eric Powell a décidé de se lancer dans un récit au long cours. Fini les histoires courtes mêlant grotesque, humour gras, baston et coups tordus, en 1 ou 2 épisodes. Encore que pas tout à fait, puisque la première histoire ressemble à un prologue dans lequel
Eric Powell se fait plaisir avec un monstre aux nombreux yeux globuleux, des coups de hache bien sanglants et une belle bagnole bien chromée. Et puis Powell repart dans une enfilade de scènes qui prises une à une sont très réussies, mais qui forment une narration un peu éparpillée. Par exemple, il semble dans l'épisode 20 que l'ennemi soit bien identifié et que Goon souhaite mettre un terme à ses agissements dans les plus brefs délais. Mais en cours de route plusieurs événements surviennent qui empêche Goon d'aller jusqu'au bout de ses projets qu'il semble même oublier purement et simplement. le comportement du personnage donne l'impression que Powell n'a pas assez réfléchi à la structure de son histoire. La conséquence est que Goon apparaît comme manquant de suite dans les idées, ce qui est incompatible avec le fait qu'il ait réussi à devenir le caïd du quartier, voire de la ville. de même, le rôle de Franky est à nouveau superficiel, il ne sert que de faire valoir comique.
Mais, prise une à une, chaque scène transporte le lecteur dans un monde fantasmé à fort pouvoir de divertissement. Rien que la pleine page d'ouverture dégage un parfum de séduction irrésistible. Il y a à la fois le héros solitaire qui s'apprête à accomplir une tâche indicible, mais impossible à éviter. Il y a ce marais aux eaux stagnantes, aux arbres aux racines apparentes. Et ce détail inquiétant : la hache ensanglantée ! En plus Goon ne s'en laisse pas conter : lorsque sa route croise celle d'un malotru à dos de crocodile, le châtiment ne se fait pas attendre et il ne manque pas d'à propos. Il faut voir pour le croire l'arnaque à base de combats montée par Franky ; c'est à la fois une trouvaille inventive et un régal pour les yeux.
Eric Powell fait toujours preuve d'un don incroyable pour créer des images mémorables. Alors que Goon encaisse d'épisode en épisode, sa gueule est toujours aussi zébrée de cicatrices, son expression presque toujours la même (un visage fermé) à moitié mangée par l'ombre de sa casquette. le lecteur ne peut pas s'y tromper : Goon est un vrai dur. Powell a également un sens du comique visuel et de l'absurde qui fait mouche à chaque fois. J'ai encore du mal à me remettre de l'apparition de Mon Petit Poney, ou du visage d'ahuri de cet idiot de Ralph lors de sa première apparition. le visage de sa mère quand elle apprend le funeste sort de Ralph est une leçon d'humour, en 2 cases. Et comme à son habitude, Powell conçoit et dessine des monstres dont la consistance et l'apparence réchauffe le coeur d'un amoureux des monstres. Dave Stewart est revenu se charger de la mise en couleurs, avec son talent habituel. Il ne se limite pas à faire ressortir les formes les unes par rapport aux autres, et à renforcer les ambiances, il complète également les dessins, en prenant grand soin de rester le plus discret possible, de s'effacer devant les dessins.
Le tome se termine sur 4 pages consacrées à
Oprah Winfrey. Powell n'a rien perdu de sa moquerie acide, et c'est également le grand retour de Peaches Valentine, le débile scatologique.
Dans ce tome, le lecteur retrouve beaucoup des éléments qui font le sel de cette série : des monstres inventifs et pas beaux, des trognes inoubliables, un humour incisif, parfois noir, parfois crade, une réalité savoureusement décalée, des personnages inoubliables dont Goon insensible au nonsense des situations, une forme de romantisme vache qui fait que l'on s'attache aux personnages, et des méchants très méchants. Mais la narration émiettée d'
Eric Powell empêche le lecteur de pouvoir s'installer dans le récit pour suivre les aventures de Goon ; il subsiste ce sentiment de passer d'une scène à l'autre avec parfois des hiatus difficile à accepter. Goon continue de cogner sur tout ce qui est en travers de son chemin dans le bal des damnés (épisodes 24 à 27, + "MySpace Dark Horse presents" 6).