Manon Lescaut est un roman écrit par Antoine Prévost (ou
Abbé Prévost) et paru en 1731 (il sera remanié un peu par l'auteur par la suite). Il est en fait le segment final des volumineuses Mémoires et Aventures d'un homme de qualité qui s'est retiré du monde, roman-mémoires tel qu'ils étaient très populaires à l'époque. Jugé en son siècle comme scandaleux par sa représentation de personnages dépravés, notamment les 2 protagonistes principaux, son succès est cependant immense, avec de multiples adaptations (notamment théatrales) qui font de
Manon Lescaut un des grands romans du XVIII° siècle libertain, éclipsant totalement le reste de l'oeuvre de l'
Abbé Prévost, à commencer par le reste des aventures de l'homme de qualité.
L'histoire est celle d'un jeune aristocrate nommé Des Grieux, candide et bon, qui tombe follement amoureux d'une jeune fille “galante” (pour ne pas dire pire) du nom de
Manon Lescaut. Manon est belle, rayonnante, mais elle ne vit que pour le plaisir. Des Grieux, aveuglé par sa passion, n'aura de cesse de tout faire pour satisfaire sa maîtresse, s'abîmant de plus en plus profondément dans le vice et subissant les pires épreuves. Les aventures s'enchaînent, d'épreuves en stratagèmes, puis en accalmies pour retomber dans de plus sombres turpitudes, jusqu'au tragique dénouement.
“Classique”, voilà bien un terme pour ce roman qui ne semble plus bon qu'à être étudié en classe. Et pourtant, ce serait passer à côté d'un magnifique roman.
C'est tout d'abord un formidable livre d'aventure. On va de péripéties en péripéties à un rythme effréné (le roman ne fait que 250 pages) et on ne s'ennuie pas un seul moment à sa lecture.
C'est surtout un livre de la passion, et un livre d'amour. Les personnages ne reculent devant aucun stratagème, aucun vice, aucune hypocrisie, jusqu'au meurtre de sang froid, et en cela ils sont détestables. Je parle notamment de Des Grieux, qui abusent constamment ses amis pour leur soutirer quelques soutiens financiers (ce pauvre Tiberge). Mais que dire des autres personnages ? un vieux financier pervers, un frère qui prostitue sa soeur, un père qui enferme en prison son fils et fait déporter sa maitresse,... même Manon n'est pas exempte de reproche et semble préférer de beaux colliers de perle à son amant. Et pourtant…
Et pourtant, quelle belle histoire d'amour. L'amour de Des Grieux et Manon resplendit tout au long du roman, si bien qu'on se demande si ce n'est pas le monde autour d'eux, celui de la Régence avec son relâchement des moeurs après l'austérité de
Louis XIV, qui ne les pervertit pas. le goût du plaisir de Manon n'est il pas celui des libertains? Aucune malice dans ses intentions, et elle se repentira (un peu tard) du mal qu'elle aura causé, bien involontairement, à Des Grieux. Et Des Grieux ne fait-il pas qu'utiliser les moyens à sa disposition, aussi immoraux soient-ils, pour le bonheur de son être aimée?
Car les deux aspirent au bonheur. Voir les touchantes pages où Des Grieux et Manon goûtent, par intermittence, au bonheur de la vie conjugale. Ces intermèdes sont d'autant plus rayonnant qu'ils sont courts, et qu'il ne faut pas longtemps pour que la société les rattrapent. Pas étonnant que les plus belles pages, celles qui touchent au sublime, soient celles où les 2 amants seront en plein désert américain, absolument seul, en dehors du monde.
L'histoire est elle même pleine d'ambiguités : c'est la voix de Des Grieux plusieurs années après les événements qui est rapportée, elle même rapporté par notre Homme de qualité... Où est la vérité? Y a-t-il reconstruction? Et Manon dans tout ça? A chacun de se faire son avis, le mien est visible ci-dessus!
L'écriture de Prévost est claire, précise, ciselée, et ne s'embarrasse d'aucunes descriptions. On ne saura même jamais à quoi ressemble Manon, dont le corps et l'attrait qu'il inspire chez les hommes leur seront fatal. Au lecteur de se faire son image…
Je ne peux que vous recommander
Manon Lescaut (même pas 3 euros en poche) c'est un bonheur de lecture assuré.