Notre île sombre

Notre île sombre s'intitulait initialement le Rat Blanc (Fudge for a darkening en VO), premier roman d'anticipation de l'auteur publié en 1971. Cette oeuvre classée comme littérature de jeunesse s'est affranchie depuis et conquiert un bien plus large public. Repris afin de faire taire les accusations de xénophobie, Christopher Priest en a modifié certains passages, ce qui nous amène à la présente traduction. Cette nouvelle édition rafraichie permet donc de donner une nouvelle vie à ce roman ! Je remercie les éditions Denoël pour l'envoi de ce livre !

Les tensions de la guerre froide et les dangers qui pesaient sur les populations ont été une source d'inspiration pour les auteurs des années 70. S'y est en effet développé le "roman catastrophe", ou roman d'anticipation mettant en scène le plus souvent des survivant post-catastrophe nucléaire. Christopher Priest (plus connu pour son roman le Prestige adapté au cinéma par Christopher Nolan) se place dans la ligne droite de cette tradition. Avec Notre île sombre, il utilise le contexte de la colonisation en Angleterre, alors grand centre d'intérêt du gouvernement pour présenter un scénario catastrophe. Surfant allègrement sur les codes et en ne s'en éloignant jamais vraiment, il décide de raconter la vie de la famille Whitman (et en particulier Alan) dans un monde où le colonisateur anglais s'est vu envahi en plusieurs vagues par ceux qu'ils avaient eux-mêmes colonisés précédemment. Quelques pointes d'humour noir teintent le récit. Mais aussi de l'ironie grinçante et du mépris.

C'est un roman qui n'a rien de très orignal. Mais le point de départ de l'intrigue est d'une intelligence folle. Christopher Priest a su utiliser le contexte qu'il a imaginé pour dresser un portrait peu glorieux de l'occidental vaniteux et médiocre. C'est donc bien plus pour les idées qu'il développe que ce roman est intéressant. Les personnages ne sont pas follement attachants et la façon de raconter l'histoire est assez basique. Mais certains passages mériteraient d'être lus à l'école pour tous les messages qu'ils véhiculent! le thème est encore très actuel. Les mouvements identitaires et nationalistes auraient pu se taire depuis la fin de la colonisation. Mais les mentalités méprisantes des occidentaux ont la dent dure. Il y aurait de quoi écrire beaucoup de romans similaires à Notre île sombre aujourd'hui. J'ai lu le qualificatif "dinosaure de la SF" dans la critique de idevrieze. Non. Il n'y a pas d'histoire plus contemporaine.

Très bon livre de manière générale mais je pense un peu de en deçà d'un priest habituel. le thème est complètement d'actualité et donc très troublant, le mode d'écriture par sauts dans le temps est assez courageux et nous pousse à plus de curiosité.
Cependant, les séquences temporelles ne sont pas assez bien travaillées. Lorsqu'on arrive à la fin du livre et que ce puzzle est terminé on reste clairement sur notre faim!
La qualité de l'écriture est également très décevante et la description de ce monde aurait pu être plus détaillé.
Se lit bien car le livre est court et efficace mais avec quelques mais :-) à conseiller pour les connaisseurs de Priest et/ou des romans d'anticipation.

L'un des premiers romans de Christopher Priest fut "Le rat blanc", difficilement trouvable aujourd'hui, traduit en tout cas. En 2014, il en sort une version revisitée que voici...

Du propre aveu de l'auteur, il a décidé de le revoir car les critiques sur ce livre l'ont poussés à s'interroger sur ce qu'il avait bien fait, et moins bien fait. En l'occurrence, certaine le taxait de gauchiste, d'autres de sympathisant d'extrême droite. Ce qui constitue un probléme en soi. D'autant que l'auteur ne souhaite pas être affilié à un bord politique quelconque avec ce livre, qu'il voit simplement comme une oeuvre catastrophe. En effet, dans un futur proche, l'Afrique a finit par devenir un continent inhabitable à force de conflits divers. Un exode massif à lieu et l'auteur décide d'étudier la situation de la Grande Bretagne. Partagée entre des groupes décidés à aider les nouveaux arrivants, et un gouvernement qui cherche à les chasser à n'importe quel prix, la situation est invivable pour les citoyens.

Et c'est l'un d'eux, Alan Whitman, que suit le roman. Il est marié (mais indifférent à sa femme), a une fille, et est prof avant le début de l'arrivée des africains en Grande Bretagne. Et on va suivre son histoire au travers d'un roman qui enchaine les flash backs. Ce qui pourrait être une façon de voir l'histoire mais qui comporte un probléme majeur quand on est un jeune auteur : on s'y perd souvent. Et la narration est trés détaché. Difficile de s'attacher à Alan ou a un quelconque autre personnage, même sa fille, étant donné qu'ils sont à peine esquissé. Bon, le roman est court mais il n'empêche qu'on le lit avec un certain détachement. Ce n'est pas désagréable et le traitement du sujet par l'auteur est pertinent mais c'est clairement assez limite et on distingue même assez facilement les passages retravaillé car ce sont les mieux écrits et les plus passionnant. Un roman bancal donc...

Christopher Priest est connu pour être un des auteurs de science fiction les plus littéraires. Les insulaires m'avaient laissé un souvenir durable par sa qualité d'écriture, fluide et abordable, et par l'originalité du propos : nous étions invité à découvrir des espaces à vivre ou à mourir mais avec un plaisir tel que le livre aurait pu être pris pour un guide touristique halluciné.
Ici le thème beaucoup plus sombre (les mouvements migratoires de réfugiés, la guerre civile, les troubles politiques) et la narration à la première personne donnent au livre une matière moins distrayante, ou plus sérieuse. Une série de conflits sur le continent africain dont les causes restent peu évidentes tournent en un marasme nucléaire. Les terres sont détruites, les civils évacués et les hommes politiques cherchent une sortie de crise. Au milieu de ce désordre vit notre héros, lui-même en proie à une crise conjugale dont l'issue semble avoir autant d'importance pour le narrateur que la crise humanitaire elle-même.
Ce qui nous sauve c'est la belle écriture de Christopher Priest, mais on reste malgré tout au ras du sol dans ce livre qui a du mal à nous emporter.