La femme de chambre fait partie de ces romans qu'on lit pour se divertir et qui finissent de manière inattendue par nous transporter et nous toucher. L'enquête, amenée par des chemins détournés à travers des protagonistes attachants, est efficace et parfaitement résolue, sans effet de manche mais avec logique. Elle comporte même sa part de suspense et ces zones d'ombre que l'on a envie d'explorer, deux éléments indispensables à un bon roman policier. Mais ce qui fait le charme de ce roman, c'est Molly, son héroïne !
Une héroïne différente, une héroïne atypique et tellement touchante. Aucun diagnostic clair n'est posé sur cette jeune femme, même si on comprend qu'elle doit être concernée par un trouble du spectre autistique. Molly est très terre à terre, peut avoir des réactions déconcertantes pour un individu lambda, et prend tout au pied de la lettre, mais c'est surtout une jeune femme qui est d'un grand professionnalisme et ne possède aucune once de malveillance en elle. Une chose qui la différencie de certaines personnes qui travaillent avec elle à l'hôtel Regency Grand.
Si pour beaucoup, le travail n'est qu'un moyen de subsistance, pour Molly, c'est presque toute sa vie, a fortiori depuis le décès de sa grand-mère. Précise, certains diront maniaque, elle fait son travail avec une application millimétrée et une abnégation totale. Où Molly passe, la poussière trépasse ! Hélas pour elle, il n'y a pas que la poussière qui trépasse… Elle retrouve ainsi le corps sans vie d'un richissime client dans une chambre de l'hôtel. le début des ennuis pour cette jeune femme dont la vie bien rangée va connaître des turbulences. Mais surtout le début d'une enquête qui va montrer que sous ses luxueuses apparences, le Regency Grand cache bien des cafards (pour les Parisiens déjà traumatisés par les punaises de lit, on parle bien de cafards au sens métaphorique du terme).
J'ai eu un coup de coeur pour Molly, alors j'ai dû ronger mon frein devant certains personnages qui, sans vergogne, n'hésitent pas à se jouer d'elle ou qui, sans le chercher, risquent fortement de la blesser. Molly m'a inquiétée car profondément gentille, elle ne semble pas voir le mal et, en raison de ses spécificités, elle n'est pas forcément capable de décrypter certains comportements qui nous alertent. Mais cela ne veut pas dire que Molly n'a pas de la ressource, la jeune femme pouvant compter sur sa droiture exemplaire, son sens de l'observation impressionnant, et ses alliés capables de voir la très belle personne qu'elle est.
J'ai, à cet égard, adoré les personnages secondaires l'entourant, tous étant touchants à leur manière, de l'employé d'un certain âge bienveillant qui prend la jeune fille sous son aile comme si elle faisait partie de sa famille, à celui pris dans un engrenage infernal qui pourtant fait de son mieux pour aider et protéger Molly de dangers dont elle n'a pas toujours conscience. À eux trois, ils forment pour moi le coeur de l'hôtel et nous ouvrent la voie de ce que devrait être la marche normale des relations entre individus. Il se dégage ainsi une sorte de chaleur humaine des interactions entre ces trois amis.
En filigrane, également, la grand-mère de Molly décédée mais profondément ancrée dans le coeur de la jeune femme. Cette dernière l'évoque d'ailleurs souvent à travers, notamment, les proverbes que sa mamie avait l'habitude de dire. Des proverbes qui sont tout autant de leitmotiv aidant Molly à avancer dans un monde qu'elle a du mal à décrypter et dont elle ne maîtrise pas les codes, et encore moins les codes sociaux. J'ai ainsi adoré la question que Molly pose et se pose à savoir si « on se moque d'elle ou avec elle« . La nuance est de taille !
Plus on avance dans le roman, plus on comprend la force des liens ayant uni Molly à sa grand-mère, une femme bienveillante et aimante qui a toujours veillé avec amour sur sa petite-fille, et qui a fait de son mieux pour la préparer à un monde qui rejette ceux qui sont différents.
Nita Prose se sert d'ailleurs avec justesse et beaucoup d'intelligence de son héroïne pour souligner la richesse de la différence et l'importance de la tolérance. Elle nous montre, en outre, à quel point les préjugés peuvent pousser à bien des erreurs en plus d'être profondément injustes.
Molly et la dimension humaine/psychologique sont pour moi les deux atouts principaux de ce roman, mais j'ai également apprécié l'enquête. Cette dernière nous rappelle que tout ce qui brille n'est pas d'or, tout en évoquant un thème que l'on rencontre rarement, mais qui est hélas une réalité pour beaucoup. le fil de l'enquête est intéressant, d'autant que je me suis laissé surprendre par certaines révélations, ce qui m'a encore plus donné envie de voir le bien, soit Molly, triompher. Si on découvre ici la bassesse humaine et la manipulation crasse, l'ambiance reste familiale, grâce au cordon de bienveillance qui se développe autour de Molly, alors si vous avez peur du gore et du sanglant, soyez rassurés, vous n'en rencontrerez point ici.
Je ne suis pas une adepte des relectures et pourtant, j'ai relu deux fois ce roman afin d'être certaine de vous parler avec justesse de mon ressenti sur cette histoire qui m'a bien plus touchée que je ne le pensais. Ayant pu tester le format papier et le format audio, je peux vous conseiller sans hésiter de vous tourner vers ce dernier format qui apporte un supplément d'âme incroyable à l'histoire. S'appropriant parfaitement le rôle de Molly, Sophie Lephay fait vivre Molly, et nous permet d'emblée de nous sentir proches de cette jeune femme au point que très vite, on a le sentiment de faire partie de son cercle restreint d'amis.
Un cercle de chanceux, Molly étant le genre de personnes reposantes qui disent ce qu'elles pensent sans préjugés, ni arrières-pensées. Une qualité que devraient copier bien des personnages…. J'ai également apprécié la manière dont la narratrice module sa voix quand Molly cite les phrases et proverbes de sa grand-mère, ainsi que de manière générale, le tempo et l'expressivité avec lesquels elle nous narre l'histoire. Les passages les plus vifs sont ainsi parfaitement transcrits, ainsi que les moments-clés nous permettant de réaliser qu'entre le début et la fin du roman, Molly a connu une incroyable, et pourtant réaliste et touchante évolution !
En conclusion,
La femme de chambre fut l'une de mes meilleures lectures de l'année. Sous couvert d'une enquête bien menée et amenée au sein d'un hôtel de luxe, dont on déterre les vilains secrets,
Nita Prose nous propose avant tout une belle leçon sur la valeur de la différence et l'importance de la tolérance. Porté par une héroïne aussi émouvante qu'attachante, teinté d'un humour bien dosé et empli de beaux moments d'amitié et de solidarité, un crime cosy qui mêle avec brio enquête, mystère et émotions.
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