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Couronnée en 1973 Prix Renaudot et membre du jury du prix Femina


Une petite merveille de causticité, d'ironie et de cruauté que j'ai trouvée en déménageant le grenier de mon compagnon. Suzanne Prou m'était totalement inconnue et je serais passée à côté de cette auteure si le billet de @Sabine59 n'avait pas retenu mon attention ! Merci Sabine.

Il faut s'imaginer une très belle demeure cossue dotée d'une immense terrasse qui dore sous le soleil de la Provence, quelques années avant la Grande Guerre.

« La terrasse est étroite et longue. On l'arrose le soir pour faire tomber la poussière et donner un peu de fraîcheur. le sol poreux fait d'octogones exactement imbriqués absorbe l'eau très vite, prend des teintes suaves : mauve, carmin ou jaune écru. Quand on y marche, on croirait, dans le crépuscule, fouler une jonchée de pétales. Les piliers renflés qui composent la balustrade évoquent une rangée de vases de style ; leur file ininterrompue se double d'une rangée de pots de terre où fleurissent des géraniums, des hortensias et des fuchsias. Et le parfum exacerbé du seringa se mêle à l'odeur de la pierre mouillée ».

Une narratrice anonyme regarde, curieuse, cette magnifique demeure où, sur la terrasse, papotent Madame Laure, la maîtresse de maison, trônant en majesté sur le siège le plus haut, Mme Thérèse, sa dame de compagnie ; elles sont toutes les deux en compagnie de quelques vieilles dames habillées de noir, évoquant des souvenirs ou bien rapportant les derniers commérages qui circulent de ci de là dans la ville.

Notre narratrice anonyme les connait bien ces personnes, amies de sa mère. Curieuse, attirée par le mystère que suscitent ces bavardages, elle tente de reconstituer le passé de cette grande demeure à travers les souvenirs, la chronique de la ville, les « on-dits », les suppositions que provoquent la relation de Madame Laure et de Madame Thérèse. Il y a des regards, des attitudes qui sont propices à tous les commentaires. Que dissimulent cette amitié qui parfois vire à une intense crispation. Notre narratrice remonte le temps. Elle nous invite à participer à la genèse de « La Terrasse des Bernardini ».

J'ai pris un grand plaisir à découvrir l'écriture ciselée de Suzanne Prou. Elle possède l'art de décrire avec finesse les relations humaines qu'elle examine à la loupe, qu'elle décortique au scalpel, qu'elle passe au vitriol, un peu à la Stefan Zweig mais en plus ironique, en plus mordant, je la rapprocherais de Chabrol. J'ai admiré l'acuité, la minutie avec laquelle elle dépeint les jeux qui se font et se défont dans les rapports humains selon les intérêts de chacun. Elle pointe la perfidie qui se faufile dans une petite ville aisée de province du début du XXème siècle où tout le monde cherche, plus ou moins, à effacer, à cacher, « quelques cadavres dans le placard ». C'est sans concession d'autant que si nous sommes honnêtes avec nous-mêmes, nous pouvons tous nous reconnaître dans ce miroir tendu. C'est imparable !

La construction parfaite alterne un chapitre au passé et un chapitre au présent. C'est ainsi que nous pouvons facilement, au fur et à mesure, prendre la mesure de la comédie qui se joue sous nos yeux, au jour d'aujourd'hui, sur cette magnifique terrasse ou papotent de vieilles dames de noir vêtues.

J'ai adoré le ton venimeux du récit, le regard sans complaisance sur les relations humaines. Même la fin ne nous laisse aucun espoir de rédemption!

C'est un prix Renaudot amplement mérité !
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A peine entrée dans ce livre, j'avais déjà envie de dire : sublime !
Vous ne lisez pas des lettres noires sur des pages blanches, des idées abstraites. C'est une voix qui vous parle tout près de vous. Une voix couleur brique d'une terrasse, une voix couleur ocre des feuilles d'automne. Elle vous enveloppe dans son timbre mystérieux… L'absence totale de dialogues est frappante ! Forme et écriture originales
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Merci à Maryna, qui m'a donné envie de relire ce roman; il avait eu le prix Renaudot en 1973. J'aime Suzanne Prou, je l'ai déjà dit, et je n'aime pas le fait qu'elle soit une auteure oubliée.

Ce livre illustre bien , à travers une écriture fine et acérée , son talent à rendre une ambiance, à analyser des comportements, à sonder les âmes...

Entrez dans cette petite ville provinciale du Midi, aux maisons ocres, aux après-midis engourdis de chaleur. Approchez-vous de la haute demeure un peu figée , que domine une terrasse. Glissez-vous derrière un arbre. Vous les voyez, ces très vieilles dames réunies, " corneilles babillardes"?

La narratrice a décidé de "les retenir, les ouvrir comme on ouvre un coffret, lire une espèce de message qui va se perdre pour jamais".

La maîtresse femme, c'est Laure Bernardini, la propriétaire des lieux. Et il y a sa dame de compagnie, Thérèse, qui semble déplacée dans cette maison bourgeoise. Quel secret les unit? La narratrice va entrelacer ce qu'elle imagine ou a appris du passé de ces deux femmes avec le présent à l'extrême bord de leur existence. J'ai beaucoup apprécié ce flou introspectif, cette proposition aux lecteurs d'interprétations multiples.

C'est le glissement soyeux de robes d'antan dans les couloirs sombres du temps, c'est une jeune et naïve Emma Bovary qui se languit et se rêve dans le luxe...C'est la réalité brute d'un mariage , les désillusions, les trahisons. C'est l'attachement à un statut, à une maison, en dépit de tout... C'est un huis-clos étouffant, un jeu cruel. C'est l'ambiguïté et la complexité d'une relation entre deux destins féminins que tout oppose. Et pourtant...

Un roman envoûtant, au charme étrange et vénéneux, oscillant entre souvenirs rêvés des personnages et présent ensablé, lent, où " volettent et se heurtent les fantômes enrubannés de leur jeunesse." À lire ou relire!

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La terrasse « longue et étroite » d'une grande bastide cossue en province, dans le Midi très certainement ( on imagine aisément une petite localité proche d'Aix-en-Provence), accueille les soirs d'été la propriétaire Laure Bernardini, une vieille dame, veuve de Paul , le fils Bernardini , Thérèse Reboul, sa dame de compagnie. Se joignent à elles d'autres femmes : les soeurs Cygnes, Madame Constantin, Mademoiselle du Fleuriel, des commères à la fois rivales et complices . Tout en partageant une infusion, soir après soir, la terrasse, sous la voûte étoilée, devient témoin de leurs conciliabules, des papotages qui sous l'apparence de propos bénins sont autant de flèches vitriolées échangées par ces "vieilles corneilles babillardes" . Et le temps passe, inexorablement, et chacune d'entre elles se rapproche, chaque jour un peu plus de la mort programmée « elles ont été, elles ne sont plus gère, demain elles ne seront plus ».
Un narrateur omniscient (la fille d'une des convives qui observe, assemble les bribes recueillies, comble les vides , « classe, imagine, reconstitue ») raconte leur passé, leur présent, le ressenti de chaque personnage, peu à peu il nous dévoile leurs ténébreux secrets . Des mamies respectables en apparence, dignes, en apparence seulement, perverses, chafouines, dangereuses ,
en réalité !
L'atmosphère de ce huis-clos est parfaitement décrit par un vocabulaire précis, sans fioriture.
Lors de son édition, j'avais commencé à lire ce roman abandonné très vite parce que je n'y trouvais aucun intérêt. le temps a passé, j'ai aimé sa compagnie !
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4ème livre de Suzanne Prou pour moi, sans doute son plus connu puisqu'elle a obtenu le prix Renaudot en 1973 pour ce roman. On retrouve une nouvelle fois une ville de province qu'elle sait si bien décrire.
Suzanne Prou nous raconte l'histoire d'une femme, on alterne entre le passé et le présent, d'un chapitre sur l'autre. La jeune fille est devenue vieille dame, c'est très psychologique. Comme à son habitude, Suzanne Prou brosse à petits traits la nature humaine, la mesquinerie, l'hypocrisie. Des petits faits, des regards qui en disent tant.
Avec cette auteure, la simplicité l'emporte, sans artifices et cela fait du bien.
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Je viens de finir ce petit roman de Suzanne Prou, et je suis sous le charme.
Je ne connaissais pas cette écrivaine, j'ignore si ses autres livres sont semblables, mais celui-ci m'a frappée par son originalité.
L'histoire semble simple, puisqu'elle retrace la vie et l'ascension sociale d'une femme, Laure Bernardini, depuis son enfance jusqu'au crépuscule de sa vie. Mais Suzanne Prou, très habilement, nous propose, pour chaque étape importante dans sa vie, plusieurs interprétations, qui changent notre regard sur Laure, son mari Paul et Thérèse, le troisième personnage de cette histoire. Aucun dialogue, ils sont retranscrits un peu comme dans un rapport.
L'auteure décrit de façon incroyablement sensuelle et détaillée, à la limite parfois de la mignardise la beauté de Laure, l'opulence de la maison Bernardini, ses meubles, ses tentures et son train de maison. En même temps, l'atmosphère est souvent lourde, pleine de non-dits et de respect des apparences. Portrait émouvant et interessant d'une femme dans la première moitié du siècle dernier, et de la société dans laquelle elle évolue.
Une très belle découverte.
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Le roman débute sur une terrasse bourgeoise où se retrouvent quelques vieilles dames. Elles papotent de tout et de rien. Les chapitres sont alternés du présent et du passé, qui reconstituent le puzzle de leur passé.
On dit que Paul, le mari de Madame Bernardini s'était retiré de bonne heure, emportant son fusil dans sa chambre pour le nettoyer.
Bon descriptif de petites vieilles charmantes, en apparence.
Belle plume.
Dans le même genre Lady l'De Romain Gary.
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Une excellente plume. Un climat assez pesant dans ce livre. Un auteur que je découvrais, un livre que j'ai beaucoup apprécié. Bon roman.
Lien : http://araucaria.20six.fr/
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Une grande maison bourgeoise surplombe la place de cette petite ville.
Mme Laure Bernardini y prend le thé avec Mme Thérèse, sa dame de compagnie et des amies de longue date. Les vieilles dames se prélassent au soleil en jasant et se remémorant leur jeunesse passée.
Mme Laure et Mme Thérèse semblent être très liées, et parfois on dirait qu'elles se détestent violemment, les meilleures amies du monde ou les pires rivales prêtes à toutes les bassesses.
Qui sont-elles vraiment ? Quelle est leur histoire ?
En alternant les époques nous découvrons le lien qui les unit, depuis leur adolescence jusqu'à leurs vieux jours.
C'est le roman de leurs vies, leur famille, les drames et les guerres traversés, une histoire de trahison et de pardon, de fidélité et de rêves brisés.
Très beau roman récompensé du Renaudot en 1973.
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Après Solange Fasquelle, une autre autrice tombée en déshérence. le livre a été publié en 1973.

Le premier chapitre nous décrit la terrasse des Bernardini à la façon d'un peintre qui décortiquerait son travail pour le faire voir à ses élèves juste en l'évoquant avec des mots. C'est beau comme une toile de Théo van Rysselberghe.

Six très vieilles dames respectueuses y sont assises, occupées à boire une tisane et à bavarder jusqu'à ce que le soir tombe.

La narratrice les connait bien, elle est la fille de l'une d'entre elles. le passé que sa mère lui livre par bribes ne suffit pas à composer la trame de plusieurs existences. Alors elle brode autour des morceaux de vie qu'elle connait, elle remplit les vides pour nous proposer cette histoire. Les vieilles la fascinent, peut-être parce qu'elles sont au seuil de la mort, peut-être aussi parce qu'elles préfigurent l'inéluctable destin de chacun de nous.

Elle se concentre sur Laure, actuelle maitresse de la maison Bernardini.

Qui est-elle ? A-t-elle été une jeune fille apparemment tendre et naïve qui ourdissait des plans pour s'approprier le nom, et la fortune des Bernardini ?

Ou n'était-elle que droiture et honnêteté, manipulée par la famille Bernardini pour être une épouse respectable et effacée, donnant ainsi à Paul la possibilité de continuer à vivre une vie de débauche sous couvert d'homme marié, père de famille ?

En d'incessants aller-retour entre le passé, la jeunesse de Laure, son mariage, la naissance des enfants, le décès de sa belle-mère, les frasques de son mari et le présent, la vieille dame veuve maîtresse de maison, on découvre trois-quart de siècle d'existence et tout un microcosme bourgeois début de 20ème siècle.

Si on devait analyser ce texte à l'aune de notre époque on dirait que Laure est un transfuge de classe. Elle a su s'imposer auprès d'un mari finalement mou et plus enclin à courir la gueuze qu'à gérer ses biens. Elle a su se rendre indispensable auprès de sa belle-mère. le fait d'avoir donné deux descendants mâles à la famille l'a assisse indiscutablement comme la maitresse de maison et de facto, la belle-mère décédée, elle devient reine au royaume des Bernardini. La petite fille de commerçants du village a fait du chemin.

Mais que se passait-il une fois la lourde porte de la demeure refermée ? Qui choisissait, qui manipulait ?
La narratrice propose plusieurs options, précisant : tout ceci n'est que suppositions.

J'ai trouvé ce procédé d'écriture très intéressant, très impliquant. J'avais à chaque fois une idée de déroulement mais rarement celle choisie par l'autrice.

C'est un petit bijou de perversité, de cynisme, je n'ai eu aucune difficulté à imaginer Laure et Thérèse intriguant afin tout d'abord d'atteindre un certain niveau dans la société et ensuite d'arriver à le garder.
Un roman qui mérite vraiment d'être remis au goût du jour pour les nostalgiques de Vipère au poing, de Thérèse Desqueyroux.
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