Rien n'avait jamais changé : l'armée était toujours restée l'armée, à la fois au-dessus des lois et soumise aux volontés de ceux qui la finançaient d'en haut, versaient les soldes en retard, remplissaient les poches complaisantes.
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I muri. Zé au téléphone avait dit ces deux mots le plus doucement possible pour les rendre moins coupants. I muri Couto, elle est morte – répétant I muri comme s’il avait craint que les deux mots n’aient pas suffi la première fois, comme s’il avait eu besoin lui-même de les dire à nouveau. Couto tu m’entends tu ne dis rien
Binham avait attaqué Baliera, la chanson de l’amour, connue pour faire pleurer tous les amoureux, avait enchaîné sur Djan Djan, la chanson de l’exil, connue pour faire pleurer tous les Guinéens tout court
Atchutchi dans ses chansons ne disait pas amour, il disait Baliera, quelque chose à mi-chemin du balancement et de la danse. Baliera comme le flux et le reflux du désir, des océans, des astres. Baliera comme le grand balancement du monde, la soif universelle d’aimer. Les hommes et les femmes de ses chansons n’y pouvaient rien, ils étaient les jouets d’une houle qui les bringuebalait de-ci de-là, imprévisible, toute- puissante
Cette diablesse de femme que tu aimeras toujours disait-elle en riant les fois où passait une chanson de Dulce à la radio. Cette ensorceleuse contre laquelle je ne pourrai jamais rien. La voix de Dulce ruisselait dans la pièce, planait entre les murs autour d’eux, enfantine, pleine de grâce.
“Atchutchi dans ses chansons ne disait pas amour, il disait baliera, quelque chose à mi-chemin du balancement et de la danse. Baliera comme le flux et reflux du désir, des océans, des astres. Baliera comme le grand balancement du monde, la soif universelle d’aimer. ”
Enfin tristesse je te sens en moi qui coules comme un jus amer.
"Vingt fois j'ai essayé de t'appeler. Ce n'est pas un portable que t'as mon pote, c'est un laissable."
Derrière, Ntchoba continuait d’égrener les noms des pères du continent. Luis Cabral, Agostinho Neto, Sékou Touré. La pilule était raide, quand on voyait quels dictateurs la plupart étaient devenus ensuite. Saloperie d’histoire qui n’aimait rien tant que se mordre la queue et vous faire tourner en bourrique.