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Parmi les écrivains français contemporains, Pascal Quignard est un de ceux dont l'oeuvre se caractérise le plus par sa constante référence à la musique, ses livres sont souvent peuplés de musiciens. La Leçon de musique est un petit livre assez inhabituel dans la mesure où il ne relate pas un récit mais présente trois épisodes différents avec à chaque fois un nouveau personnage, dans un lieu et à une époque différente. La lecture de ce livre est intéressante mais complexe par son sujet et le style utilisé, et peut ainsi rebuter certains lecteurs.

Platon a écrit que la musique donne une âme à nos coeurs et des ailes à la pensée. Selon Quignard, dans « La Leçon de musique » et « La Haine de la musique », au contraire la musique « fait mal » et « dit le mal ».

L'auteur annonce son sujet dès l'ouverture : « Je traite de la mue de la voix ». Contrairement aux femmes dont la voix change peu, les garçons muent à la puberté, leur voix s'enrichit d'harmoniques graves, mais devient instable du point de vue sonore. Selon l'auteur, c'est un passage difficile pour les garçons qui sont profondément affectés par ce changement ; Quignard voit en la mue un véritable traumatisme. Il s'agit donc pour lui de composer avec la perte de la voix, de « domestiquer la mue » et d'en diminuer les effets. Seuls les hommes « composent avec la perte de la voix et ils composent avec le temps. Ce sont des compositeurs. La métamorphose du grave à l'aigu ne leur est pas possible, du moins corporellement : elle est instrumentalement possible. Elle a nom la musique ».

Face à ce changement, une des voies possibles est donc la composition musicale, domaine qui serait donc presque exclusivement réservé aux hommes…

Dans La Leçon de musique, Quignard indique que la mue a frappé douloureusement le musicien Marin Marais et que celui-ci a cherché à atteindre la maitrise de l'imitation de la voix humaine après avoir mué. Toutefois, on ne retrouve nul par ailleurs que chez Quignard ce tourment attribué à Marin Marais qui ne semblait en fait pas particulièrement gêné par la mue de sa voix. C'est Pascal Quignard lui-même qui a été traumatisé après avoir été rejeté de deux chorales qui, lorsque sa voix se brisa, « s'enseveli passionnément dans la musique instrumentale ».

La voix n'est pas un son comme les autres, elle est le principal support du langage et de la communication et joue un rôle important sur le plan social. La sensibilité de Quignard à la voix est manifeste tout au long de l'ouvrage. Dans celui-ci, Pascal Quignard, auteur d'une oeuvre considérable, mais parfois d'une approche difficile, mêle plusieurs genres : biographie, fiction, essai et légende. Les exemples donnés ici, mais également dans d'autres ouvrages, sont troublants mais non appuyés de preuves, et en contradiction avec ceux d'autres auteurs. Ses hypothèses sont surprenantes puisqu'il prétend que le génie de la composition est un art essentiellement masculin car celui-ci est dû au phénomène de la perte de la voix de l'enfance ; c'est pour cette raison que parmi les compositeurs il y a beaucoup plus d'hommes que de femmes…

Je ne partage pas cet avis et il serait intéressant d'approfondir ce sujet…
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Trois leçons de musique données par Marin Marais, Aristote et Po Ya dans cet essai fragmenté ou l'on se perd par manque de fluidité. En arrière-fond la transmutation humaine, quand la voix de l'enfance se perd par l'irréversible mue humaine. Cette mue, c'est la perte du langage de l'enfance, d'une identité à jamais perdue que l'on recherche ensuite dans la musique.
Un essai aussi érudit qu'hermétique, dont je cherche encore le message et dont la musique trop dissonante pour moi, m'a conduit à me "laver les oreilles dans le silence".
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C'est un livre très court, oscillant entre essai et roman, publié en 1987, quatre ans avant « Tous les matins du monde ». On y voit déjà Marin Marais, renvoyé du choeur de Saint-Germain l'Auxerrois après sa mue, et cherchant à maîtriser la voix de la viole, caché pendant des jours sous la charpente de la cabane de Sainte-Colombe pour écouter son maître jouer.

Pourquoi n'y a-t-il pas, ou si peu, de femmes compositeurs ? On sent que Pascal Quignard aime profondément la musique, dans sa chair. Il l'entend comme la voix d'un exil, comme la perte de ce que l'on entend et ressent avant la naissance, dans le ventre maternel, la perte de la voix d'enfant avec la mue de la voix des hommes. La musique lui est régressive, comme une manière de combler ces exils.

C'est une vision charnelle de la création musicale, mais en même temps surtout douloureuse, en forme de manque, de creux, et formulée de façon très intellectuelle. Il y manque l'exaltation, le plaisir plein - à moins que je ne sois ici dans l'utopie de celle qui n'est qu'auditrice, musicienne du dimanche ?
« Toute la musique est du narratif vide. Et tout le narratif est dans le temps et se résume lui-même à domestiquer, c'est-à-dire au sens strict à castrer la durée (la frustration, la faim, le désir). »

La dernière partie du livre, néanmoins, «La dernière leçon de musique de Tch'eng Lien», tout en restant très douloureuse (on a bien compris qu'on n'était pas ici pour sourire…), fait plus vibrer. Un maître de musique chinois cause à son disciple Po Ya un chagrin en détruisant ses instruments, mais cela ne suffit pas, sa musique reste vide de tout sentiment. Ce ne sera que lorsqu'il pleurera au fond de son coeur la disparition de son maître qu'il deviendra le plus grand musicien du monde.

« Vous êtes comme un enfant dont la voix mue. Vous êtes comme un enfant dont les lèvres hésitent entre le sein de sa nourrice et la mamelle des prostituées. Vous êtes comme un enfant dont le palais hésite entre l'univers du lait et celui du vin chaud, entre la voix qui s'élève brusquement comme un petit oiseau au dessus des frondaisons et une grosse voix de bûcheron ou de charretier qui bourdonne et aboie contre son tronc ou sa mule. Vous hésitez entre ce que vous sentez et ce que vous savez. Vous avez encore beaucoup à faire avant de vous rapprocher de la musique. »
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Quignard est un génie et c'est sans doute la raison pour laquelle les éditeurs imprimeraient même un hoquet de lui. Un peu comme la mise en vente d'un morceau de nappe en papier gribouillé par Picasso. Évidemment, la leçon de musique est bien plus qu'un morceau de nappe en papier mais cela ressemble beaucoup à des notes "à pas oublier pour un prochain roman". Quand on lit en première page "un épisode tiré de la vie de Marin Marais" on ne s'y retrouve pas parce que de Marin Marais il est peu question. Bien sûr il y a des phrases fulgurantes parce que même dans ses brouillons Pascal Quignard reste un érudit, un philosophe, un écrivain.
Ceci étant dit, il s'agit de quoi ? Ce que j'ai retenu de ces dizaines de notes c'est que la grenouille mâle en période de reproduction a un coassement grave et que c'est la même chose qui arrive aux jeunes garçons en pleine mue, leur voix se cassent avant de devenir plus grave pour signaler leur maturation sexuelle. de longs passages sur la mue pubertaire, de longs passages sur la musique, l'apprentissage, la transmission, la métamorphose de l'aigu vers le grave qui ne peut jamais se réaliser dans l'autre sens. Tout ceci pour nous conduire sur le chemin de vie de Marin Marais se transformant de chanteur en violiste. La dernière partie "La dernière leçon de musique de Tch'eng Lien" est très agréable à lire.
Ce livre édité en 1987 annonce le chef d'oeuvre de 1991 "Tous les matins du monde" autant commencer par là.
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Je lisais précédemment Stasiuk, il est donc difficile pour le livre qui suit une telle lecture de demeurer à un même niveau de qualité.
Et ce livre de Quignard est ma plus grosse déception depuis que je connais cet auteur.
Beaucoup de mots pour peu d'idées, des notes amoncelées ca et là sur la musique et notamment sur la viole par le biais d'un portrait de Marais.
Le conte asiatique qui conclut ce livre n'est pas beaucoup plus passionnant, j'avais hâte que cela se finisse alors que le livre est court.
Quignard est capable de fulgurances néanmoins comme celle-ci :
"La nature produit du vivant insignifiant. L'art produit des êtres morts signifiants."

Mais le plaisir est de courte durée. Lecture un peu creuse, dommage.
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Toujours, en lisant Pascal Quignard, on a l'impression de ressortir enrichi, plus intelligent.
Il faut dire que les leçons du maître se font en profondeur, touchent à tous les domaines de la vie, de la mort, de la contemplation, de l'émotion.
Ce qui avait ému M. de Sainte-Colombe chez Marin Marais dans Tous les matins du monde, est ici développé dans une première partie : il s'agit de la mue de la voix lors de l'adolescence des garçons. C'est, à l'instar de Marais, une nouvelle naissance. Quignard explique pourquoi –délaissant l'aspect social et culturel, c'est vrai mais là n'est pas son propos – les hommes dès qu'ils muent, se tournent vers la musique instrumentale, essaient de développer une certaine virtuosité et deviennent compositeurs. C'est ainsi, explique-t-il qu'il y a plus de compositeurs hommes que femmes. Les femmes, aujourd'hui, accédant autant à la culture et aux conservatoires que les hommes, il reste que peu sont compositrices. C'est un constat, pas de la misogynie !

"En Occident, les femmes virtuoses ont fourmillé. Les femmes ont beaucoup aimé la musique. Les femmes qui ont beaucoup composé furent à tout le moins rares. Elles échappent à la mue."

Dans la deuxième partie de ce petit traité, Quignard raconte l'histoire d'Aristote, comment il a inventé la tragédie dont l'étymologie grecque rappelle le « cri du bouc », son de la voix des adolescents qui muent.
Enfin dans la dernière partie, à mon sens la plus fascinante car l'auteur convoque le conte et la légende est l'histoire de T'cheng Lien qui vivait en Chine quelques huit siècles avant Jésus Christ et de son maître Po Ya. Là encore on retrouve un épisode de Tous les matins du monde car Po Ya incite T'cheng Lien à retrouver l'émotion musicale en brisant d'abord un précieux instrument. Quête de la mue perdue encore :

"La musique ne réside pas dans les plus beaux instruments. Elle ne réside pas davantage dans les pires. Les instruments de musique les plus appropriés à la musique sont ceux qui touchent sans doute, mais dont on peut perdre l'usage, comme les corps qui enveloppent les hommes."

Et toujours, on assiste à un exposé brillant, on nous raconte de belles histoires qu'on situe dans le temps qui devient notre temps. Et je ne m'interroge plus quand je vois le nombre d'adolescents –dont je fus – qui, à 14 ou 15 ans , s'emparent d'une guitare ou d'autres instruments et se regroupent pour composer.
La musique est donc devenue la quête d'un âge d'or vocal perdu.

"Enfin la fin de l'orage ne vous rapproche pas de la musique. Votre oreille est peureuse. La musique n'est pas la fin de l'orage, elle est l'orage."



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Le sujet était aguicheur et la page 4 de l'auteur lui-même plutôt accrocheuse. Hélas, l'intérieur ne fut pas à la hauteur de son emballage !
Dans cet essai romancé, Pascal Quignard nous parle de nouveau de Marin Marais, de la viole et de cette recherche du son pur et parfait.
Malheureusement, à trop vouloir rendre musicale sa prose, l'auteur semble s'être perdu à s'écouter écrire. L'ensemble donne une suite d'aphorismes barbants, d'envolées poussives et d'une narration hachée, où le lecteur a du mal à suivre une ligne générale.
Bref, une lecture rébarbative où l'on peine à trouver ce que l'on est venu chercher.
Dommage.
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Verbeux et fat.
L'auteur s'écoute et s'écoute et s'écoute. 90% du temps on peine à comprendre le message qu'il veut nous faire passer...
Dommage, le sujet de cet essai était alléchant.
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Pouah! Quelle déception!
Élucubrations de l'auteur qui n'engagent que lui.
Le seul intérêt (romanesque ou contique car après tout vous pouvez appréciez les hypothèses tirées sur les castrats) est le conte chinois de la 3ème partie. Et encore... je dis ça pour ne pas mentionner que des points négatifs!
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Assez plat et inégal, parfois carrément documentaire. Ce livre n'est pas très agréable à lire. Personnellement, j'ai replacé ce texte dans la genèse de Tous les matins du monde pour faire passer la pilule. Et puis la partie étymologique sur le théâtre grec m'a intéressée, ça aide.
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