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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Dans les rayons de la médiathèque de ma ville, je suis tombé par hasard sur ce petit livre signé par Pascal Quignard; je n'en avais jamais entendu parler et je l'ai lu sans aucun préjugé.
Ce livre se présente comme un journal, ou plutôt comme un "livre de raison", tenu par une noble patricienne habitant la Rome antique. Apronenia Avitia a vécu entre 343 et 414, c'est-à-dire pendant la phase de décadence de l'Empire. Avant de nous faire lire les tablettes proprement dites, P. Quignard nous propose une introduction qui s'appuie sur un autre fonds documentaire: des lettres écrites par la même auteure. Cette introduction, savante, donne au lecteur des précisions indispensables sur le contexte historique et sur l'environnement familial de cette femme, mariée deux fois et mère de plusieurs enfants.
Dans ses "tablettes de buis", Apronenia Avitia écrit des notes plus ou moins brèves, non précisément datées, sur « ses comptes, les courses à faire, les rentrées d'argent, (…) des préférences et des aversions quant aux odeurs et aux plaisirs, des paradoxes, des plaisanteries, des médisances, des grossièretés, des cauchemars, des souvenirs ». Ces notations présentent une grande variété, quant à leur contenu et leur ton, ainsi qu'une certaine spontanéité, assez étrange chez un auteur de l'Antiquité. Ses pense-bêtes (pour ses commissions à faire) ressemblent un peu à des listes à la Prévert. Au fil des pages, le lecteur est aussi informé de ses goûts culinaires (par exemple « une vulve de truie fourrée de hachis »), des médicaments qu'elle prend (par exemple « des mauves contre la constipation »), de son jugement sur « les femmes qui trouvent tout admirable, fabuleux, inouï », des habitudes de sa petite chienne (qui met sa patte caressante sur la peau de son bras parce qu'elle demande de pisser), etc… C'est surprenant, presque attendrissant. Parfois, Apronenia Avitia se dévoile plus encore, se remémorant l'agonie de son mari, ou bien ses rencontres avec son ancien amant Quintus Alcinius, qui restent pour elle un doux souvenir. D'ailleurs, même à l'âge mûr, elle n'a pas renoncé au plaisir: par exemple, elle note « J'ahanai trois fois chez Marcella ». En revanche, la noble Romaine ne semble pas du tout préoccupée par les graves menaces qui pèsent sur sa ville, et donc sur sa sécurité personnelle. Pourtant, de son vivant, Rome aura été assiégée trois fois. Les temps ont changé. Autour d'elle, le parti chrétien est devenu clairement dominant. Elle-même est fidèle aux traditions (on dirait maintenant qu'elle est restée "païenne"). Elle exprime une forme de mépris pour ces chrétiennes chapitrées par un sectateur de Jésus, qui affirment « le corps est une ordure ». Grâce à ces notations et bien d'autres, le lecteur voit le monde par les yeux de l'auteure, c'est dépaysant et stimulant. Nous découvrons les détails de la vie et le point de vue d'une personne bien identifiée, à une époque lointaine et mal connue; logiquement il aurait dû sombrer dans l'oubli. Ce témoignage vieux de 1600 ans est donc pour nous à la fois surprenant et précieux.

Sauf que… le personnage a été inventé et les "tablettes" ont été écrites au XXème siècle. Oui ! La vérité m'est apparue seulement quand je me suis documenté sur Internet sur ce texte si particulier, miraculeusement conservé. J'ai ainsi appris que, en fait, Apronenia Avitia est un personnage fictif Je me suis bien fait piéger… bravo à l'auteur, pour cette invention ingénieuse et érudite ! Devant une telle oeuvre, on peut penser à J.-L. Borges et surtout à G. Perec. Mais ces "tablettes de buis" ne sont pas du tout un canular: leur écriture résulte d'un travail minutieux de la part d'un homme qui connait parfaitement la civilisation romaine. Donc, ce livre est une "pépite" peu connue mais très originale, qui mérite vraiment d'être lue.

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Jouant du genre biographique du journal, jonglant avec l'histoire, Pascal Quignard façonne le quotidien d'Apronenia Avitia, praticienne romaine du 4e siècle.Il n'est pas donné, immédiatement, d'entrer dans cette époque avec ses noms latins et des pratiques anciennes. Peu à peu pourtant, on se surprend à tourner les pages, à se familiariser avec Apronenia et son entourage. Ceci toujours par fragments, assez courts et elliptiques. Fragments hétéroclites : choses auxquelles il faut penser, nombre de sacs d'or, souvenirs, amis rencontrés, pensées sur l'amour, la mort, les petits moineaux... L'essentiel côtoie l'insignifiant, si bien que l'ensemble s'approche au plus près de ce que nous appelons... la vie, tout simplement.
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