La vie n'attend pas

J’appelle zombie toutes ces personnes que l’on voit dans le métro, le bus, ou même en voiture, tous ces gens qui se lèvent trop tôt, pour aller faire un travail qu’ils n’aiment pas, pour gagner de l’argent qu’ils dépensent en choses dont ils ne veulent pas, avant de finir par discuter autour d’une bière ou d’un verre de vin pour raconter encore et encore les mêmes histoires avec les mêmes personnes. Avant de recommencer le lendemain. Le surlendemain. Le jour d’après. Et le cycle continue, encore et encore.

Tout ira bien.
J’ai toujours été une fille sans histoire. Être arrêté par la police m’a toujours fait peur, même à Paris. Alors à Bangkok … Pourtant …
Tout ira bien.
C’était mon mantra. Les moines bouddhistes ont leur Om. Les chrétiens leur bénédicité. Les musulmans la Salât. Moi j’ai ça. Ma prière à moi.
Tout ira bien.

J’avais besoin de sortir, de prendre l’air. Cette fois, pas pour aller manger mais pour me reconnecter avec la réalité. Il était temps que j’émerge.
Le vent chaud de la mer me faisait le plus grand bien. Je prenais une grande respiration, profitant de ce moment où je sortais de mon imaginaire pour me reconnecter à la Terre.
Je regardais mon iPhone. Trois heures de l’après midi.
J’enfourchais un scooter de location pour passer le temps, sans but si ce n’est reprendre contact avec la réalité.
Les plages, et les cocotiers défilaient tandis que j’empruntais une route vers l’intérieur des terres. La plage se transformait en jungle, les cocotiers laissaient place à une végétation luxuriante qui n'autorisait l'entrée d'aucun homme.

Ces derniers jours, je m’étais sentie tellement décalé, je n’étais plus en phase avec le monde. Pourtant, je vivais mes rêves : même si j’avais peur pour l’argent, même si j’avais peur de ne pas réussir, même si j’avais peur d’être seule, je vivais mes rêves. J’étais dans un pays incroyable, à la plage. J’avais eu le courage de tout plaqué pour vivre ça. Quel que soit l’issu, j’avais déjà gagné puisque j’avais grandis.
Une larme solitaire coulait le long de ma joue.
Les moines continuaient leur chant.
J’avais besoin de remercier quelqu’un. Je ne savais pas qui. Merci pour cette nouvelle vie. Merci Dieu. Allah. L’Univers. La Vie. Moi, je voulais l’appeler la Vie. J’aimais bien ce mot.

Imaginez un instant, être dans un pays que vous ne connaissez pas où les gens parlent une langue que vous ne comprenez pas. Jusque là, ça ressemble à des vacances.
Imaginez maintenant être enfermé dans une cellule de commissariat, accusé d’un vol que vous n’avez pas commis, sans papiers d’identité ni argent, et en étant (légèrement) éméché.
Pour finir, imaginez qu’un policier corrompu vous demande l’équivalent de 10 000€ afin de sortir. Si vous ne payez pas (quelle que soit la raison), il entamera une procédure judiciaire qui peut durer près de trois ans durant lesquels vous serez relégué au fin fond d’un trou.
Voilà l’incroyable délire dans lequel je me suis mise.