La débâcle et l'exode en juin 40, ce gigantesque mouvement de troupes et de réfugiés, vu de façon méticuleuse au travers du regard d'un seul soldat.
Il a perdu son régiment, il subit les bombardements, il croise la France en déroute - qui, de plus, l'engueule : "En 14 on se battait, nous !"
Cette débâcle ramène chacun au basique, au fondamental : trouver à "grailler" ; trouver un coin pour "poser culotte" ; se réchauffer à la camaraderie des autres paumés.
Des hommes, des véhicules en rade, des champs à perte de vue : réduit à l'essentiel, le dessin de Rabaté déborde de talent.
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« Putain d'époque, neuf mois à peigner la girafe et bing, c'est la joyeuse pagaille. »
Décembre 2020 ? Non, mai 1940.
Loin de sa femme et de leur bébé, Amédée est un jeune soldat sur les routes, et c'est la pagaille, en effet, une pagaille qui n'a rien de joyeux.
Les soldats se croisent, les Allemands arrivent, les slogans de propagande tombent des avions, on (re)trouve des copains, on en voit d'autres mourir - bim, d'un coup, 'une dragée en pleine tête' ; des maisons et des animaux sont abandonnés ; les civils fuient avec des charrettes couvertes de matelas, et parmi eux des vieux grommellent qu'ils se sont battus, eux, dans les tranchées - une autre époque, des hommes, des vrais !
Cette 'drôle de guerre', on la connaît via nos cours d'Histoire, des livres, des films.
Elle prend un relief particulier avec Rabaté. Avec un dessin épuré, il dresse le portrait réaliste d'une guerre absurde (mais je n'en connais pas de subtile ♪♫ ô drââââmes...), via des situations & dialogues tour à tour tragiques et amusants, toujours bien vus.
On finit avec ce virage brutal, avant de se rendre à l'évidence et à l'ennemi :
« C'est la déroute, on l'a dans l'os. Tout ce qu'il nous reste à faire, c'est saboter notre matériel pour qu'ils [les Boches - sic] ne s'en servent pas.
- Et après ?
- Il n'y a pas d'après. »
J'espère qu'il trouvera quand même quelque chose à raconter pour le 2e opus, Rabaté. Mais je lui fais confiance.
Une idée du ton plein d'humour malgré le sujet :
« Si on perd la guerre, qu'est-ce qu'il va se passer ?
- Ça changera le Tour de France. »
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♪♫ Quand les Russes, les Ricains f'ront péter la planète
Moi, j'aurai l'air malin avec ma bicyclette
Mon pantalon trop court, mon fusil, mon calot
Ma ration d'topinambour et ma ligne Maginot... ♪♫
• Renaud, 'Le déserteur' (in 'Morgane de toi', 1983)
>> https://www.youtube.com/watch?v=vvolGwaMOUs
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Nous suivons la 11e et plus particulièrement Amédée Videgrain, soldat français perdu, dans un repli sans destination face à l'avancée allemande au printemps 1940.
Ces 90 pages nous montrent à la fois, l'impuissance, le désarroi et l''incrédulité de ces hommes qui ne savent ni où aller ni que faire face à la marche effrénée de l'armée ennemie et soumis aux quolibets d'une population les jugeant comme des fuyards.
La bd se termine par cette phrase qui dit tout, au moment de déposer les armes : "Neuf mois de guerre et je n'aurai pas tiré un seul coup de feu."
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Ce n'est guère un épisode glorieux de l'Histoire de notre pays. Après avoir envoyé des millions d'hommes à la boucherie lors de la Première Guerre Mondiale, voilà encore l'incompétence de l'état major durant ce qu'on a appelé la drôle de guerre. Neuf mois sans tirer un coup de feu puis la blitzkrieg qui fut rapide et efficace mettant à genoux un pays tout entier qui n'était manifestement pas préparé. La déconfiture nous donne plein de détails assez intéressants pour peu qu'on soit un peu masochiste. Pour autant, le ton sonne juste.
L'auteur choisit l'angle de deux militaires totalement impuissants dans ce chaos sans nom et qui tentent de survivre. Il y a certes l'absurdité de la guerre mais on l'a fait au nom des idéaux, pour ne pas laisser par exemple s'installer la tyrannie ou l'extermination au nom de la discrimination assumée. La sobriété du trait sera de mise. En ce qui me concerne, l'envie ne suit pas malgré l'honnêteté de ce travail.
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