CLÉOFILE.
Tant d'États, tant de mers qui vont nous désunir,
M'effaceront bientôt de votre souvenir.
Quand l'Océan troublé vous verra sur son onde,
Achever quelque jour la conquête du monde ;
Quand vous verrez les rois tomber à vos genoux,
Et la terre en tremblant se taire devant vous,
Songerez-vous, Seigneur, qu'une jeune princesse,
Au fond de ses États vous regrette sans cesse,
Et rappelle en son coeur les moments bienheureux
Où ce grand conquérant l'assurait de ses feux ?
PORUS.
Ah ! Madame, arrêtez, et connaissez ma flamme,
Ordonnez de mes jours, disposez de mon âme,
La gloire y peut beaucoup, je ne m'en cache pas,
Mais que n'y peuvent point tant de divins appas !
Lassé de voir des rois vaincus sans résistance,
J'appris avec plaisir le bruit de sa vaillance .
Un ennemi si noble a su m'encourager.
Un traître en nous quittant pour complaire à sa soeur
Nous affaiblit bien moins qu'un lâche défenseur.
Son courage, sensible à vos justes douleurs,
Ne veut point de lauriers arrosés de vos pleurs.
TAXILE
Le peuple aime les rois qui savent l'épargner.
PORUS
Il estime encor plus ceux qui savent régner.
PORUS
La honte suit de près les courages timides
Par des faits tout nouveaux je m’en vais vous apprendre
Tout ce que peut l’amour sur le cœur d’Alexandre.
L'audace et le mépris sont d'infidèles guides.
CLÉOFILE.
Puis-je croire qu'un prince, au comble de la gloire,
De mes faibles attraits garde encor la mémoire ?
Que traînant après lui la victoire et l'effroi
Il se puisse abaisser à soupirer pour moi ?
(II, 1)