Une tragédie classique de Racine qui, avec de très beaux vers en alexandrins, nous fait part d'une histoire d'amour, d'inceste et de jalousie en reprenant et en la transformant la pièce "
Hippolyte" du tragique grec
Euripide.
Qui dit tragédie, dit destin, contre lequel on ne peut rien, ou si peu... Ainsi, nos personnages seront des jouets entre les mains des dieux : Vénus et Neptune essentiellement, l'une noue l'intrigue en semant la passion amoureuse et la vengeance (
Phèdre en tombant amoureuse de son beau-fils
Hippolyte) tandis que l'autre la dénoue en frappant mortellement l'un des protagonistes...
Fatalité certes, mais dans les grands événements, car ici les individus semblent tout de même avoir la capacité de faire certains choix sans que ceux-ci ne soient soufflés par les dieux : de dire ou de ne pas dire (
Phèdre avouant son amour à
Hippolyte), de mentir ou pas afin de prévenir une possible vengeance (la nourrice de
Phèdre, Oenone, à Thesée) ou même d'ordonner une vengeance aux dieux par des voeux et prières (Thésée à Neptune).
Dans
Phèdre, l'irresponsabilité humaine ne paraît pas totale, en tout cas entre deux drames fixés par les habitants de l'Olympe. Nos personnages ne semblent pas agir constamment comme des enfants innocents, ce qui permet dans cet espace de liberté de mettre en doute leurs choix et provoquer en nous des jugements de valeur.
Le sentiment d'innocence et de pardon jaillit ainsi uniquement quand le contrôle n'est plus possible, quand le poison versé par les dieux au tout début est bu jusqu'à la lie et déroule inéxorablement sa fatalité : c'est ainsi que l'on peut innocenter notre pauvre
Phèdre...
Nietzsche, il est temps de parler de lui, avait tiré des tragiques grecs son concept d'amour fati, l'amour du destin, il était aussi un admirateur du Grand siècle français. Selon lui, aucun libre arbitre ne pouvait ainsi être espéré dans une vie humaine : elle était donc terriblement tragique. La seule solution à cette impasse et la seule véritable liberté était dans l'acceptation, ce qui laisse bien peu d'espace...
Comme nous l'avons vu plus haut, Racine ne me semble pas avoir retenue ici cette option. Cependant, à la fin de la pièce, Thésée paraît illustrer cette philosophie nietzschéenne en acceptant la fatalité qui le touche : malgré la mort d'un membre de sa famille, il ne cherche pas à se venger du dieu qui a accompli pourtant le geste mortel. Il paraît prêt à apaiser toute cette histoire.