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Citations sur La mémoire des vaincus (56)

— A quoi ça sert, tous ces bouquins ? demanda Flora d'un air dégoûté.
— Regardez les enfants, dit Valet. A droite, vous avez les romans et la poésie. A gauche, le social, la politique. D'un côté le rêve, de l'autre côté l'action, Quand vous posséderez les deux, vous pourrez conquérir le monde.
— Allons Valet, ne t'emballe pas, dit le libraire, Les choses sont plus complexes, Les romans, c'est aussi de l'action sociale et la politique, c'est aussi du rêve. Quant à conquérir le monde, qu'en ferais-tu ? C'est la conquête de soi-même, qui importe.

Page 38, Livre de poche.
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« On supprimera l’ Âme
Au nom de la Raison
Puis on supprimera la raison.

On supprimera la Charité
Au nom de la Justice
Puis on supprimera la justice.

On supprimera l’Esprit
Au nom de la Matière
Puis on supprimera la matière.

Au nom de rien on supprimera l’Homme ;
On supprimera le nom de l’ Homme ;
Il n’ aura plus de nom.

Nous y sommes. «

Armand ROBIN
Les Poèmes indésirables, 1945
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La réunionnite est un des maux de la révolution.

On y parle tant de la révolution qu'on l'oublie.
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Je vais te raconter une histoire, dit Igor. Une histoire que j'ai vécue. Une histoire que les historiens de la Révolution ne retiendront pas car elle leur paraîtra immorale, absurde, anti-historique, quoi ! Juste après Octobre, dans les jours qui suivirent immédiatement, la Révolution faillit périr. Oui, elle a failli périr, noyée dans l'alcool. [...]
Il est bien normal que les insurgés fêtent leur victoire, qu'ils se détendent les nerfs en buvant un bon coup. Seulement, tout le reste de la population suivit. Il y a toujours plus de badauds que de combattants, dans une révolution, mais lorsqu'il s'agit de triompher, tout le monde veut en être. Une orgie sauvage déferla sur Petrograd. [...]
Kerenski chassé, les derniers débris du tsarisme enfuis, toute la pauvreté de la ville se révéla. Tous les pauvres, tous les infirmes, tous les vagabonds, comme des cloportes, déboulèrent des ruines, se ruèrent vers les caves du palais d'Hiver, en tirèrent les bouteilles, se saoulèrent à mort sur place. Les soldats que Trotski envoya pour les déloger, leur arrachèrent les bouteilles des mains, mais au lieu de les détruire, ils crurent plus simple de se les vider dans le gosier. Ce fut le commencement de l'enivrement général qui gagna toute l'armée. Le régiment Préobrajenski, le plus discipliné, dépêché pour rétablir l'ordre, ne résista pas à la contagion. Les caves du palais d'Hiver accumulaient tant de vins et de spiritueux que les soldats n'arrivaient pas à l'éponger. Le régiment Pavloski, rempart révolutionnaire entre tous, vint à la rescousse et tomba lui aussi le nez dans le ruisseau. Que dis-je, le ruisseau ! De rivière, l'alcool devenait fleuve. Les gardes rouges eux-mêmes glissaient dans l'orgie. On lança les brigades blindées pour disperser la foule. Elles entrèrent dans le tas, cassèrent quelques jéroboams et, finalement, les blindés se mirent à zigzaguer et à défoncer les murs des celliers et des cafés aux volets clos. J'assistais, atterré, à cet effondrement de la Révolution. Si Kerenski avait alors osé revenir, si les généraux blancs avaient su dans quel état se trouvaient les insurgés dans les semaines qui suivirent la prise du palais d'Hiver, la Révolution était balayée en un tour de main. Mais eux aussi, peut-être, sans doutes, noyaient dans la vodka leur défaite. Nous étions seulement quelques camarades obstinément à jeun qui essayions de colmater les brèches. On clouait des barricades devant les bistrots et les caves. Les soldats escaladaient les maisons par les fenêtres. Markine, ancien matelot de la Baltique, entreprit de détruire à lui seul, sans boire une seule gorgée d'alcool, tous les dépôts du palais d'Hiver. Chaussé de hautes bottes, il s'enfonçait dans un flot de vin, jusqu'aux genoux. Des tonneaux qu'il éventrait, le vin giclait en ruisseaux qui s'écoulaient hors du palais, imprégnant la neige, vers la Neva. Les ivrognes se précipitaient vers ces traînées rouges, lampaient à même dans les rigoles. Non seulement la garnison de Petrograd, qui joua un rôle si déterminant dans les révolutions de février et d'octobre, se désintégra et disparut dans cette beuverie énorme, mais la contagion éthylique gagna ensuite la province. Des trains qui transportaient du vin et des liqueurs étaient pris d'assaut par les soldats. La vieille armée russe ne s'effondra pas sous la ruée des Autrichiens et des Prussiens, elle se délita dans les vapeurs d'alcool. Si Trotski s'acharna à vouloir signer la paix à Brest-Litovsk, c'est qu'il savait que l'armée russe n'existait plus. L'armée russe était saoule. L'armée russe s'était noyée dans une orgie inimaginable. Trotski a bluffé à Brest-Litovsk en proposant aux Allemands de démobiliser les troupes russes. Elles s'étaient démobilisées elles-mêmes.
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Toute la France (ou presque) était antijuive lorsque Céline écrivait ses pamphlets. Ceux-ci n'exprimaient en réalité qu'un sentiment collectif. Céline ni pire, ni meilleur (plutôt meilleur que pire) que les autres antisémites professionnels, servait donc de bouc émissaire. La France entière vomissait sur lui tout l'antisémitisme dont elle se nourrissait. Elle faisait de Céline un être d'abjection pour masquer sa propre ignominie.
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Figure toi que tous mes copains clamsent les uns près les autres et qu'ils me lèguent leur bibliothèque. Comme si j'étais la mémoire du monde.


Restitue tout cela à ceux qui viendront près nous. Il faut qu'ils sachent que l'histoire enseignée dans les écoles, à l'université, n'est pas toute l'histoire de notre temps.
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En novembre 1940, au camp de Gurs, les derniers " réfugiés " espagnols emmenés ailleurs, arriva un défilé d'hommes, de femmes et d'enfants de tous âges.
On nous dit qu'il s'agissait de juifs allemands. Certains parlaient français, ils étaient alsaciens, juifs et français.

Ils ne pigeaient pas pourquoi, après avoir fui l'Alsace; leurs compatriotes les parquaient entre les barbelés.
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( En exergue ) : L'idéal , c'est quand on peut mourir pour ses idées , la politique c'est quand on peut en vivre ( Charles Péguy ) .
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Cette foule recueillie , cette foule endeuillée , cette foule grave , venue rendre un dernier hommage à Kropotkine , ne savait pas qu'elle assistait aux obsèques de l'anarchie . Pas seulement aux obsèques du dernier des grands théoriciens libertaires , mais aux obsèques de l'anarchie elle-même . A partir du moment où Kropotkine fut enfoui dans la terre du cimetière Novodiévitchi , la répression contre les anarchistes , jusque-là non avouée en Russie , jusque-là presque clandestine , s'accéléra , devint pratiquement officielle . ( Les mêmes faits , avec la même analyse sont relatés par Emma Goldman dans " Épopée d'une anarchiste " ) . En réalité , l'anarchie fut tolérée par les bolchéviks tant qu'elle demeura théorique . Mais dès que le peuple russe , fatigué par les privations , déconcerté par la lenteur du processus révolutionnaire , exaspéré par une bureaucratie aussi corrompue et inefficace que celle de l'Ancien Régime , meurtri par la guerre civile , effrayé par l'omnipotence de la police politique , dès que ce peuple , que cette base , se mit en marche , derrière le cercueil de Kropotkine d'abord , puis dévala en flots menaçants dans les usines , dans les campagnes , décidant d'appliquer l'anarchie dans la vie quotidienne , la panique courut dans les bureaux du Kremlin . Le 1er mars 1921 , une nouvelle incroyable arriva sur la table de travail de Lénine : seize mille marins , soldats et ouvriers de Cronstadt déclaraient la guerre au gouvernement bolchevik et cela au nom de l'authenticité soviétique . Cronstadt , dont Trotski avait été le président du premier soviet en 1917 , Cronstadt dont les marins avaient bombardé le palais d'Hiver et assuré la victoire de l'insurrection d'Octobre , Cronstadt que Trotski appelait " l'honneur de la révolution " , voilà que cette île-forteresse du golfe de Finlande demandait des comptes à ceux qu'elle avait hissés au pouvoir ......
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Maintenant, tous les soirs, une fois Mariette couchée, Fred posait un cahier d'écolier sur un coin de la table de la cuisine et écrivait ; décrivait tout ce qu'il avait vécu en Russie, l'enthousiasme des premières années de la Révolution, le désenchantement qui suivit, la mise en place de l'appareillage habituel de l'État, la bureaucratisation, la militarisation, l'univers carcéral, les rivalités entre les chefs du Politburo, l'éviction de l'opposition. Il se souvenait que Vergniaud, le leader des Girondins, avait dit de la Révolution française lorsqu'elle devint Terreur : «Saturne dévorant ses enfants». Il voulait intituler ainsi son livre. La Révolution russe, c'était également Saturne dévorant ses fils. L'ogre bolchevik, après avoir avalé goulûment tous ses adversaires, dévorait maintenant ceux qui l'avaient fait ogre. L’ogre s'autodévorait.

Claudine, perplexe, regardait Fred qui écrivait. Il lui avait affirmé qu'il rédigeait une sorte de rapport qui servirait à prendre certaines décisions politiques. Claudine rétorqua qu’elle ne comprenait pas quel exposé il pouvait bien concevoir, lui qui ne frayait avec personne. Fred répliqua que, justement, il s'absenterait pendant quelques jours et qu'elle ne devrait pas s'inquiéter. Durruti et lui projetaient en effet de rencontrer en Allemagne Erich Mühsam.

Pourquoi cette Allemagne, qui devait être le pivot de la révolution mondiale ne bougeait-elle pas ? Durruti savait que Mühsam conservait la confiance des anarchistes allemands et il voulait établir une liaison avec eux. Comme Fred Barthélemy connaissait bien Mühsam, il était indispensable qu'il participe au voyage.

Durruti et Fred préparèrent leur escapade avec une grande exaltation. Fred trouvait en Durruti un camarade à peu près de son âge. Au contraire de Makhno, qu'ils admiraient d'ailleurs tous les deux, mais dont ils constataient l'inéluctable déclin, ils se sentaient sur un tremplin, prêts à bondir. Ni l'un ni l'autre ne savaient où, mais ils pressentaient qu'un jour ils feraient un grand saut.

Erich Mühsam jouissait en Allemagne d'un prestige exceptionnel dû à la fois à sa responsabilité de membre du Conseil central de la première République de Bavière, en 1919, et à son succès d'écrivain. Poète, essayiste, dramaturge, son style acerbe et son humour avaient rendu célèbre cet homme qui venait d'avoir cinquante ans, l'aîné donc de vingt ans de Barthélemy et de Durruti.

Mühsam comprenait bien que les bolcheviks l'avaient abusé. En même temps, il s'effrayait à l'idée de décrocher totalement du parti communiste allemand, demeuré très fort, qui lui paraissait le seul rempart sûr contre la montée d'une nouvelle Ligue prolétarienne qui l'inquiétait beaucoup plus que l'éviction, en Russie, de Trotski et de Zinoviev.

Ni Durruti, ni Alfred Barthélemy, n'avaient entendu parler de ce parti national-socialiste des ouvriers allemands, pas plus que de son chef, Adolf Hitler.

— Hitler, dit Mühsam, ne paye pas de mine avec son vieil imperméable et son chapeau cabossé. Mais qu'on ne s'y trompe pas, il porte l'uniforme des chômeurs. Hitler s'identifie à eux et eux croient qu'il les représente. Cet Hitler est un acteur et un metteur en scène qui ne laisse rien au hasard. Depuis dix ans, dans l'ombre, il prépare sa représentation. Il a déjà créé son drapeau (rouge, bien sûr) avec une croix gammée noire ; ses troupes de choc, les S.A., avec des chemises brunes qui singent les chemises noires de Mussolini.
— Trotski aussi était un grand metteur en scène et un prodigieux acteur, dit Fred. Il n'empêche que sa pièce a fait un four et que le rideau lui est tombé sur la tête.
— Mais non, sa pièce n'a pas fait un four, répliqua Mühsam. Staline la joue maintenant à bureaux fermés. Il récupère tout : l'armée rouge, la Tchéka devenue Guépéou, la bureaucratie, le parti unique. Staline couche avec ses bottes dans le lit que lui a borde Trotski.
— Staline, dit Durruti, c'est la victoire des bureaucrates sur les idéologues.
— Pas si simple, reprit Fred. Du temps de Lénine, Staline se moquait du bureaucrate Trotski. C'est Trotski et Zinoviev qui ont bureaucratisé le bolchevisme. Staline n'est qu'un héritier. Ton Hitler ne me paraît qu'une pâle imitation de Mussolini, lui-même pitoyable matamore. Le danger n'est pas là. Je suis bien placé pour savoir que la pieuvre Komintern étend ses tentacules sur toute l'Europe. Si nous ne réagissons pas, nous serons étranglés. Proclamons partout que l'avenir de la révolution n'est plus en Russie, que la Russie bafoue la révolution. L'avenir de la révolution se trouve en Espagne, avec Pestaña.
— Oui, appuya Durruti. Nous venons pour que tu comprennes bien ça, pour que tu abandonnes l'idée que la Russie représente encore un espoir. En Espagne, les anarchistes sont majoritaires et il n'y existe qu'un seul parti communiste important, adversaire de celui de Moscou et avec lequel nous pouvons donc travailler.

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