Alexis Ragougneau (1973) est avant tout un auteur de théâtre, bien qu'il ait écrit
opus 77 qui se passait dans le milieu de la musique.
Ragougneau s'y connait en théâtre. Les odeurs, les affiches, le velours rouge des fauteuils, le jardin et la cour, les coulisses et les miroirs, les acteurs et le régisseur, bref, tout ça nous procure le petit frisson d'avant spectacle.
Ceci dit, les extraits de pièces m'ont beaucoup gênée (en particulier des pièces dont les titres sont aussi ceux d'oeuvres écrites par l'auteur comme Kaiser, Krankenstein ou les îles Kerguelen) Je pense qu'il aurait fallu en sabrer un bon morceau.
La deuxième grande problématique du roman c'est la collaboration. Et là, on en prend pour notre grade, ou plutôt, pour le grade de plein de nos grands hommes :
Guitry, Arletti, Montherland, Fresnais,
Tino Rossi,
Cocteau et même Claudel qui aurait écrit une ode au Maréchal... On savait un peu tout ça, mais là, on a vraiment l'impression que tous ces grands artistes ont trempé dans la soupe et se sont faits une virginité à peu de frais, ou plutôt aux frais de la renommée. Ça fait froid dans le coeur. Mais effectivement, qu'aurait-on fait, nous ?
La troisième problématique, c'est celle de la peine de mort. On a du mal à se rappeler la peine de mort avant son abolition, ça nous fait un drôle d'effet.
Il y a vraiment des longueurs quand Rasmussen erre dans Paris à la recherche d'indices, ses nuits de gueule de bois, seul dans le théâtre, ses rencontres (le pourri médaillé de Santimaria est quand même bien décrit, mais tout ce qui se passe à la soirée chez la richissime et salonnarde Anne-Cha est vraiment sans intérêt).
Quant à la quête insensée de l'ami pour l'ami, on n'en connaîtra la chute qu'à la toute fin du roman. Comment expliquer l'antisémitisme ?
Autant j'avais tout aimé dans
opus 77, autant je suis partagée sur celui-ci. J'ai bien aimé qu'on se penche sur les turpitudes de la période, le personnage de Rasmussen qui va jusqu'au bout de l'amitié est un beau personnage, mais j'aurais préféré un récit plus court, plus dense, plus resserré. Il n'empêche que la question posée, connait-on ceux qu'on aime, est une vraie question qui peut nous tarauder.