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sur 89 notes
La lecture de l'Acte V de « Niels » dégage une atmosphère différente de celle découlant de l'Acte IV et ce n'est pas le moindre rebondissement de ce passionnant roman, oh combien instructif, sur l'occupation, la résistance et la collaboration d'un certain monde littéraire.

Difficile de ne pas mettre en parallèle « les fidélités successives » de Nicolas d'Estienne d'Orves dont j'avais estimé « les fins de ses livres ... aussi improbables qu'invraisemblables. » et « Niels ». L'un nous emmène chez les auteurs de Théâtre, l'autre chez les écrivains, deux mondes proches, voir identiques comme l'illustre parfaitement Alexis Ragougneau qui publie ici des pages superbes alternant scènes de théâtre et pages romanesques.

Peu banal d'observer Jean-François Canonnier mettre en scène avant guerre « les iles Kerguelen », « Krankenstein » et « Kaiser » des pièces qu'Alexis Ragougneau publia en 2009, 2010, 2011 … Uchronie qui fait naitre une apparente complicité entre l'écrivain et son personnage, mais que l'antisémitisme dénoue au fil de l'intrigue.

Analyser l'évolution des protagonistes (peut on les comprendre ?) au fil des années 1936/1956, nous interpelle nous qui n'avons pas vécu ses années mais qui observons depuis l'an 2000 une vague antisémite monter en occident.

Qu'aurions nous fait en 1940, en 1942, et en 1944 ?
Et ensuite, à la Libération, quelle place réserver aux anciens collaborateurs ?

René Bouquet, fut administrateur de la Dépêche du Midi de 1959 à 1971, et joua le rôle que l'on sait auprès de Francois Mitterrand …

Dans l'acte V, comment ne pas reconnaitre La Reynière, le critique gastronomique du quotidien le Monde durant 40 ans ?

La dernière page m'a projeté le fantôme de Lucien Rebatet, l'auteur de « Les décombres » » diffusant le manuscrit de son célèbre « Les deux étendards »…

Il faut lire « Niels » et le faire lire aux adolescents si nous voulons éviter à notre époque une réincarnation de Jean-François Canonnier.

PS : "les fidélités successives" : ma critique
Lien : https://www.babelio.com/livr..
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Niels Rasmussen , de pére danois et de mère française a passé la guerre en tant que résistant au Danemark, au sein d'un réseau.
En lisant une page du Parisien Libéré , à la rubrique "Épuration", il apprend l'arrestation de son grand ami et frére de coeur, le dramaturge Jean - François Canonnier, accusé d'intelligence avec l'ennemi , détenu à la prison de Fresnes qui passera devant la cour de justice de la Seine.
Le livre débute comme un roman d'espionnage avec le sabotage d'un navire Allemand, puis la libération du Danemark. Il entraîne ensuite notre héros, Niels dans un voyage précipité en France, volant au secours de son ami Jean - François, amoureux de théâtre .
Il embarque avec des anglais et deux dignitaires allemands partis signer la paix près de Reims .
L'auteur décrit l'atmosphère suffocante, contradictoire de la libération, en dévoile la face noire, sombre, obscure, paradoxale ......
Est- ce - que les vrais héros sont ceux que l'on croit ?
C'est un roman difficile à suivre à cause d'une narration éclatée, construite en actes, avec , en son sein , deux pièces de théâtre , l'une en un acte: l'hôtel particulier, un vaudeville, oú s'affrontent
Jean-Cocteau, Jouhandeau, Paul-Leautaud, Claude-Roy réunis tels les salons où Marcel-Proust aimait se rendre .
L'autre : Miro et Lecacheux, pièce tragi- comique en un acte qui se moque des institutions délatrices comme le CNT: comité national du théâtre etc.......
L'auteur , homme de lettres, auteur de théâtre, aime mélanger les genres .....En réalité, l'intérêt de cet ouvrage est de nous obliger à nous interroger et à réfléchir .......
Nous Lecteurs, qu'aurions -nous -fait ? Et cela sans juger pour autant ? Parmi la cacophonie ambiante et les excès de l'épuration ......
Qui méritait de vivre ?Peut - on oublier ? Peut - on essayer de comprendre les choix d'un ami ? le connait- on réellement ?
Qui méritait de mourir ? Était - il trop tôt pour faire l'Histoire?
Par contre, n'était- il pas déjà trop tard pour rendre la justice ?
L'auteur conte les règlements de compte très sombres de l'après guerre, quelque soit le camp que l'on ait choisi , les retournements de vestes , l'hypocrisie manifeste , la lâcheté de ceux,qui , enfoncés dans la compromission, s'achetèrent une conduite en passant d'un camp à l'autre ou encore ceux qui firent preuve d'un talent certain dans leur manière éhontée de s'inventer un personnage à l'aide de faux - semblants .....
Niels sera mis face à ses propres choix ....
Un roman d'aventures ? Une pièce de Théâtre ?
Une enquête introspective, intelligente menée d'une manière très originale à la narration surprenante , qui peut ne pas plaire à tout le monde .......
À vous de juger .......
Un ouvrage édité par les éditions" Viviane Hamy ".

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Copenhague 1945. Niels Rasmussen, de père danois et de mère française, a passé la guerre dans un réseau de résistance au Danemark. Avant le conflit qui embrasa l'Europe, à Paris, il mettait en scène les pièces de Jean-François Canonnier un jeune homme fou de théâtre comme lui. Resté dans la capitale, le dramaturge n'a apparemment pas vécu l'occupation allemande dans le même camp. Son procès pour collaboration va bientôt avoir lieu.

Apprenant la nouvelle, d'abord stupéfait, Niels va traverser l'Europe pour essayer de comprendre le choix de son ami et peut-être lui éviter le peloton d'exécution. A Paris Niels va devoir frayer avec le petit microcosme théâtrale, et lui, vrai résistant, va avaler pas mal de couleuvre servi par des champions de retournement de veste en dernière minute.


Alexis Ragougneau se pose une question, peut-on connaitre un ami, un frère, par-coeur ? Peut-on lui pardonner ? Peut-on oublier ? Description astucieuse de Paris sous l'épuration, le romancier est plutôt courageux.

Savante construction et envolées théâtrales bienvenues, tout le petit monde, glacé et ironique, des salons où l'on cause prend vie.

Qui aurais-je été en 1940 ? Impossible de ne pas penser au film de Truffaut qui faisait dire en son temps à Bernard Pivot : « le dernier métro, c'est le meilleur roman de la rentrée ».

Avec « Niels » Ragougneau a peut-être écrit le meilleur film de la rentrée.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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C'est quelques jours avant l'armistice de mai 1945 que Niels Rasmussen, un resistant franco-danois apprend qu'un de ses amis Jean-Francois va être jugé par un tribunal parisien pour collaboration. Quittant Copenhague pour Paris, Niels cherche à comprendre les faits et le parcours de cet ami qu'il considérait comme un frère, du temps où, à Paris, il avait développé son goût pour le théâtre, écrivant des pièces que Jean-François mettait en scène brillamment et intelligemment...
Dès son arrivée, Niels est frappé par l'ambiance délétère et violente qui sévit à Paris, où règne une épuration mêlant résistants de dernière minute qui appellent aux exécutions sans jugement, baroud d'honneur des intellectuels collabos, rencontres avec des vieilles connaissances de théâtre - une actrice juive qui sort de son refuge, le régisseur qui a dû travailler sous gestion allemande, une jeune femme aux cheveux courts après avoir été tondue. Un parcours difficile pour vérifier les accusations d'intelligence avec l'ennemi dont on accuse son ami et surtout comprendre l'enchaînement des faits et des choix profonds de ce frère, dans cette période de tourmente.

Avec Niels, Alexis Ragougneau explore une période trouble de la France, celle de la collaboration avec l'Allemagne nazie, mais plus précisément celle des artistes qu'ils soient metteurs en scène, directeurs de théâtres, auteurs ou comédiens qui se sont compromis ou pas avec l'occupant. Comment choisir son camp dans une période de guerre, qui peut paraître, pour certains, comme un tremplin, l'occasion de s'emparer d'un théâtre, obtenir un rôle ou des financements pour monter une pièce de théâtre ou un film et faire vivre qui une troupe, qui une équipe, sans collaborer vraiment. D'autres y trouvent l'occasion de faire le vide autour d'eux et révèlent leur vraie nature, encourageant l'éviction des juifs et se livrant à des actes ou rédigeant des articles antisémites dans les journaux collaborationnistes...
Alexis Ragougneau explore donc toutes ces problématiques en les replaçant dans la période de l'après-occupation et donc, dans une période de reglements de comptes dont il maîtrise parfaitement les tenants et les aboutissants, faisant preuve d'une connaissance approfondie de cette époque ainsi que des protagonistes historiques, tels Pierre Fresnay, Charles Dulin ou Brasillach dont il évoque l'attitude durant l'occupation.
Un roman qui aborde un thème délicat mais dans lequel Alexis Ragougneau n'épargne personne, tranchant même dans le vif. Un récit très instructif.
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Déposant ses armes de résistant en 1945, Niels quitte précipitamment le Danemark pour Paris, pour venir en aide à un ami "théâtreux", pris dans les tenailles des procès de l'épuration.
Un retour qui lui fait découvrir ce que les français ont vécu pendant ses quatre ans d'absence, et la fragile frontière entre collaboration et résistance. Une balade parisienne aigre douce, qui va mettre le grand danois face à ses propres choix et pour le lecteur, l'insoluble question du "qu'aurions nous fait?"

Me voici bien embêtée.
J'ai un sentiment mitigé, face à livre insolite, construit en piécettes de théâtre et narration romanesque imbriquées, pour coller au sujet du microcosme artistique sous l'occupation allemande. le livre se structure entre story-board narratif et événements tragi-comiques pour évoquer les thèmes les plus âpres. Cette originalité n'échappe pas au côté pesant du théâtre lu, par le trop-plein de dialogues et le « statique » de certaines scènes.

D'autant que la documentation explicative prend le pas sur l'action, face au personnage de Niels dans le rôle du Candide. Il faut attendre la moitié du livre pour que l'intérêt décolle enfin, par une fulgurance inattendue et improbable et un petit grain de folie salvateur.

Donc mitigée.
Intéressée par les thèmes de l'honneur, de l'amitié, et de la création artistique envers et contre tout. Agacée par un petit côté didacticiel et les pertes de rythme dues à la construction travaillée.

Concluons néanmoins par un toast « À la littérature et aux littérateurs* ! »

(*extrait)
Rentrée Littéraire 2017
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Alexis Ragougneau avait été une de mes bonnes surprises de l'année 2016 avec son deuxième polar «Evangile pour un gueux ». J'avais beaucoup aimé cette enquête policière qui tournait autour d'une des passions de l'auteur, Notre Dame de Paris. J'étais donc impatient de découvrir ce que cet auteur allait nous concocter en s'attaquant à un roman « classique » sur une autre de ses passions, le Théâtre !

Il y a quelques années, j'avais déjà rencontré cette ambiance seconde guerre mondiale, collabos,juifs, théâtre, Louis Jouvet, dans le très réussi « Bérénice 34-44 » de Isabelle Stibbe. Les deux histoires se rapprochent dans les thèmes mais là où Isabelle Stibbe racontait les prémices et le début du conflit, Alexis Ragougneau implante son aventure à la fin des hostilités…quand un certain nombre de français doit rendre des comptes.

Le lecteur suit les investigations parisiennes de Niels. Celui-ci cherche à comprendre pourquoi il est porté des accusations sur un ancien ami. Au fil de ses rencontres, le dossier se rempli et les éléments s'accumulent jusqu'au dénouement. A travers cette intrigue, le récit met en lumière les différents comportements du Paris d'après-guerre. Les vrais héros ne sont pas forcément ceux que l'on croit. Beaucoup retournent leur veste avec le rapport de force. Chacun joue finalement pour son propre compte, pour sa survie, avec les cartes qu'il a en mains. C'est peut-être ce qu'il faut retenir de ce sombre roman : On ne peut pas juger les décisions de quelqu'un sans être véritablement à sa place.

L'auteur, dont la plume est une nouvelle fois remarquable, nous raconte l'atmosphère suffocante de la libération. Il dévoile en même temps la face obscure de cette période. Pour l'Histoire et pour son suspense bien mené, je vous conseille chaudement ce texte qui ne nous épargne pas avec du sentimentalisme et préfère nous heurter avec la froideur de la réalité ! Alexis Ragougneau confirme qu'il est un grand écrivain à suivre !
Lien : https://leslivresdek79.wordp..
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Alexis Ragougneau est un auteur de théâtre, de roman français. Il oscille entre théâtre moderne classique et roman policier bien construit, Niels est un petit uppercut de lecture.
« En France, où l'on aime tant les idées, les écrivains ont un statut à part. Les mots peuvent tuer. Et ils peuvent aussi faire condamner à mort leurs auteurs. »
Cette citation du roman est le fil conducteur de la trame, comme le théâtre est le vecteur du roman.
Ce roman reste une lecture riche d'enseignement et d'enrichissement personnel, une formidable découverte, croisant ma route au hasard d'une destiné.
Alexis Ragougneau entremêle merveilleusement les genres pour édifier dans le marbre un roman puissant, une force des destinées, la recherche d'une vérité qui n'excite pas, une philosophie anthropique de l'homme à la croisée de la guerre 39-45. le théâtre respire sa noblesse, l'artiste est mis en avant, plutôt sa position face à la guerre, ses certitudes, en filigrane des noms connus s'invitent dans l'intrigue, comme une fresque historique, une vie narrée sans machinisme, une biographie de l'époque dans l'entremêlement de certaines personnes.
Le livre débute comme un roman d'espionnage, avec le sabotage d'un navire allemand, puis la libération du Danemark des allemands, puis d'aventure lorsque notre héros Niels va en France pour aider un ami d'avant-guerre , il embraque avec des anglais et deux dignitaires allemands ; partis signés la paix prés de Reims . le théâtre s'invite aussi comme la réflexion de ces hommes broyés par la guerre.
La construction du roman se divise en acte, tel une pièce de théâtre, et se greffe au sein même du roman deux petites pièces d'un acte
- L'hôtel particulier, vaudeville en un acte où s'affrontent verbalement des érudits du moment comme Jean Cocteau, Marcel Jouhandeau, Paul Léautaud, Claude Roy réunis par une bourgeoise tel les salons où Proust aimé s'y rendre…
-Miro et Lecacheux, pièce tragi-comédie burlesque en acte, se moque des institutions délatrices comme le FNT, CES, CNT et le SN
Alexis Ragougneau, homme de lettres aime le mélange des genres en composant un roman-théâtre moderne. Nielsnous ouvre les portes de l'après-guerre, une période difficile pour ces acteurs ayant subi, profité, collaboré, joué, résisté, noyé dans l'horreur de cette guerre sanglante.
De cette guerre, des journaux, des acteurs, des romanciers, des auteurs, des artistes, des hommes et des femmes ont basculés dans sentier minuscule du racisme humain, l'antisémitisme.
Au pilori journal crachant son venin antisémite les plus virulentes de l'époque de l'Occupation, où Lucien Rebatet avec son roman Les décombres, best-seller de cette époque sombre, sera réédité en 2015 dans le dossier Rebatet pour ne pas oublier ces années, puis comprendre ces pensées de violences et de colère…Puis Ferdinand Céline participant à ses écrits souffle cet élan antisémite, mode de l'époque, misère de l'épuration intellectuelle. Jean Paul Sartre s'invite avec ses Mouches produit au théâtre de la cité en 1943, Sous l'occupation allemande, le théâtre Sarah-Bernardt est renommé théâtre de la Cité, en raison des origines juives de la comédienne. L'ambiguïté des artistes sous l'occupation est un oxymore ambivalent entre se produire, vivre de leur passion, au prix d'inquiétante rapprochement avec l'occupant, le doute entre la profession et les idéaux reste inextricable dans l'esprit réelle de ces artistes –Soit rompre leur désir de se produire par principe ou coute que coute continuer sa vie d'artiste.
D'autres artistes sont cités comme Jouvet, désertant la France pour une tournée en Amérique du sud, prônant la langue française en jouant des pièces. Montherlant célébrant la virilité nazis dans ses écrits, Claudel avec une ode au Maréchal Pétain puis à la libération à De Gaulle, Cocteau, Guitry et tant d'autres participant plus que mesure aux soirées de l'institut Allemand. La comédie Française ouvrant ses portes aux troupes allemandes et de leur culture. Sans jugement Alexis Ragougneau nous invite à se poser la question du choix.
Le personnage Jean François, fantôme des autres artistes ayant vécus l'occupation allemande, devient le bouc émissaire, celui prisonnier de son art, perdu dans le purgatoire de l'époque avec les listes, Bernard, Otto…Comme beaucoup s'invite à la révolution culturelle nationale de Vichy pour lutter contre le théâtre commercial, ayant recours à l'Histoire, l'Antiquité devenant un outil « d'édification des masses. »
Jean François pris dans la folie de l'artiste, s'aliénant de la substance de la peur, de la jalousie, glisse lentement dans l'antisémitisme de circonstance, ne supporte pas l'idée de plus être joué, de ne plus être lu, écrit comme beaucoup des pamphlets contre les juifs où d'autres bifurquent dans la résistance, sentant le vent tourné, lui continue pour tomber dans la dénonciation puérile, la folie pure de l'artiste.
Un petit passage émouvant lorsque Niels devant l'Hôtel Lutetia rencontre le père d'un déporté attendant son retour, refusant sa mort lorsqu'il rencontre un camarade de circonstance lui annonçant sa mort peu de temps avant leur libération, ce dénis si révélateur de l'atmosphère de l'époque.
Alexis Ragougneau puise dans sa mémoire pour citer le Procès de Kafka, L'amant de Marguerite Duras pour cimenter dans le marbre son roman, cette pièce de théâtre moderne où le temps n'oublie pas.
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N° 1446 Mars 2020.

NielsAlexis Ragougneau – Viviane Hamy.

Nous sommes au Danemark à la fin de la deuxième Guerre Mondiale. Niels Rasmussen qui a été un résistant courageux pendant cette période est maintenant confronté à l'après-guerre où il n'est plus question de combattre les troupes allemandes mais d'empêcher les communistes d'occuper le pays. Pourtant, au moment où il va pouvoir recevoir les lauriers de son action, il part pour la France où un auteur de ses amis, Jean-François Canonnier, dont jadis il a mis en scène trois de ses pièces à Paris, va passer devant une cour de justice pour intelligence avec l'ennemi et a toutes les chances d'être exécuté. Il considère de son devoir de le défendre, et ce malgré Sarah et son enfant à naître et traverse une partie de l'Europe dans des conditions rocambolesques. Il ne tarde pas à s'apercevoir que, par un mystère qui s'est vérifié chez beaucoup d'acteurs et d'écrivains pendant cette période, son ami, oubliant son talent littéraire, à préféré se compromettre avec l'occupant pour obtenir la reconnaissance et faire échec au silence et sans doute à l'oubli. Certes il n'était qu'un auteur de seconde zone, une seconde plume de la littérature mais c'était un choix suicidaire qui a amené, à la Libération, à son arrestation comme ce fut le cas de nombreux hommes de Lettres et de théâtre, avec des fortune diverses cependant. Cette prise de conscience de la part de Rasmussen, authentique Résistant, se sent au fil des pages, on le voit hésiter, se renseigner, tenter de comprendre, reporter la rencontre avec cet ami et peut-être son témoignage qui le sauvera. Comme par contraste et pour illustrer la différence entre l'attitude de Canonnier et la sienne, les analepses se succèdent , les exécutions des traîtres à la patrie danoise avec cette interrogation intime de savoir si son rôle de justicier était justifié. En détruisant les décors du théâtre de l'Olivier, il cherche à effacer la trahison de son ami mais les fantômes de ce cette période lui reviennent en pleine figure. Au cours de son procès, Canonnier est absent, comme s'il avait hâte d'en finir avec cette épreuve et peut-être aussi avec la vie. Cette attitude peut apparaître étrange à Rasmussen mais ce qu'il va apprendre par la suite, comme une confession, la justifiera. Il va prendre conscience de s'être complètement trompé à son sujet, d'être passé de bonne foi à côté de cette facette de sa personnalité qui devait sans doute dormir depuis longtemps et que les circonstances ont réveillé. L'amitié peut-elle survivre à ce genre de révélation, peut-on à ce point oublier ce qu'on a été et tourner la page pour une nouvelle vie, l'oubli étant un des apanages de l'espèce humaine, a-t-on le droit moral de vendre son âme pour un peu de notoriété et de reconnaissance, peut-on s'octroyer toutes les libertés au seul motif que les circonstances les favorisent, peut-on se tenir quitte de ses faux-pas quand on a « payé sa dette à la société » ?
Ce genre de temps troublés nous donne à voir des aspects peu glorieux de l'espèce humaine, veulerie, couardise, trahison, palinodie, flagornerie, délation, opportunisme, ce qui n'est pas sans nous inviter à nous poser des questions sur nous-mêmes et surtout sur ceux qui, après la guerre ont mis en sourdine leur période de collaboration pour tenir des rôles retirés ou officiels une fois la paix revenue. C'est sans doute facile pour nous qui n'avons pas connu cette période où il fallait survivre, de prendre position. Que penser de ces temps qu'on croyait révolus alors que notre XXI° siècle connaît des périodes meurtrières d‘antisémitisme… ?
C'est un roman divisé en 5 actes, comme une pièce de théâtre, haletant passionnant autant que dérangeant par les questions qu'il pose parce qu'il met l'être humain, face à lui-même, Rasmussen, l'idéaliste face à Canonnier, l'opportuniste, dans des circonstances aussi exceptionnelles que douloureuses. Il s'y mêle des moments du quotidien, de l'Histoire de cette période, et surtout des pistes de réflexions, dans un style fluide, agréable à lire.
©Hervé Gautier mhttp:// hervegautier.e-monsite.com
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Le choix d'un roman repose parfois sur peu de choses, dans ce cas, sur la foi de la couverture et du nom du personnage principal, d'un lieu, Copenhague, et d'une époque, la Deuxième Guerre Mondiale. le début se révèle parfaitement comme attendu. Peu de temps avant la capitulation de l'Allemagne, sur le port de Copenhague, Niels Rasmussen s'apprête à commettre un attentat contre un cuirassé ennemi.
Mais après ce prélude, Niels quitte rapidement la capitale danoise et sa compagne enceinte pour venir en aide à Jean-François Canonnier, l'ami avec lequel il montait des pièces de théâtre avant-guerre, à Paris. Un retour en arrière qui permet de s'immerger dans le milieu du théâtre à Paris, et me rappelle Bérénice 34-44 d'Isabelle Stibbe, qui m'avait enchantée…
Le roman alterne alors les scènes avant et après la guerre, au fur et à mesure que Niels se renseigne sur ce qu'est devenu Jean-François, sur les raisons pour lesquelles il est accusé de connivence avec l'ennemi.

L'auteur connaît bien le milieu du théâtre, le roman est bien documenté sur la scène parisienne pendant la guerre, sur l'épuration, sur les personnalités du monde littéraire avant et après la libération. Tout cela est raconté avec fluidité, au cours des nombreux dialogues, et il existe même deux séquences du roman sous forme de scènes de théâtre, avec répliques et didascalies, dont l'une est peu intéressante, et l'autre bien davantage.
Malheureusement, le roman se perd un peu dans des scènes trop longues vers le milieu. Quant au personnage de Rasmussen, il a du mal à prendre chair, pourtant l'auteur le décrit physiquement, le fait avoir mal au coeur ou la gueule de bois, souffrir de claustrophobie, transpirer abondamment, rien n'y fait. Il décrit également ses pensées intimes, le fait dialoguer avec nombre de témoins des années de guerre de Jean-François Canonnier. Pourtant, malgré tous ces éléments qui devraient lui donner de la présence, je n'arrive pas à le cerner… c'est peut-être volontaire, mais comment dire ? Ça ne marche pas avec moi !
Si la fin captivante rattrape les circonvolutions du milieu du roman, si les questions posées sont intéressantes, si le thème d'une amitié soumise aux aléas de l'histoire ne peut laisser indifférent, je m'attendais toutefois à autre chose, et je ressors un peu déçue par ce roman. Je relirai l'auteur avec un de ses polars, qui me plaira sans doute davantage.
Lien : https://lettresexpres.wordpr..
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J'ai beaucoup aimé ce roman alors que j'avais apprécié très moyennement «Evangile pour un gueux » (comme quoi un roman ne suffit jamais à connaitre un auteur). Sur fond d'une belle et ancienne histoire d'amitié, Alexis Ragougneau nous fait découvrir avec un savant mélange de fiction et de réalité, les dessous de la guerre 39-45 en France vu du coté des gens de théâtre. Nous découvrons les êtres au plus profond d'eux-mêmes et que chacun n'est pas forcement ce qu'il semble être. Un grand roman sur les intellectuels pendant la guerre et sur le théâtre. C'est un livre où l'on s'interroge constamment. J'ai voulu en savoir plus sur ces intellectuels français et je vous livre cet article qui me semble assez intéressant bien que n'étant pas du tout spécialiste du sujet : https://bibliobs.nouvelobs.com/essais/20110527.OBS4064/sartre-cocteau-co-sous-l-occupation-avec-books.html
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