"Croix de fer, épées, diamants..!" m'est un petit roman d'attente entre deux lectures plus conséquentes. C'est, en outre, un regard nostalgique sur ce qui me plaisait à l'époque de mes vingt ans (1975). La présente chronique est une nouvelle tentative revi
sitant un auteur déjà présenté ici.
Claude Rank, avec "Unhomme nommé Trottner" en relecture, m'avait laissé perplexe voir déçu. J'y avais déterré des failles passées jadi
s inaperçues et retrouvé bien inodores des parfums de lecture appréciés alors.
Qu'en sera t'il de "Croix de fer, épées, diamants..!".
En 1971, date de sortie du présent roman, soit 26 ans après l'épilogue de la Seconde Guerre Mondiale, la chasse aux criminels de guerre en fuite est toujours d'actualité.
Claude Rank, ici, s'empare du thème via son versant sud-américain, ce lieu d'exil où nombre de fuyards s'implantèrent peu à peu, se glissant couleur muraille (ou pas) dès la fin des hostilités dans les pas d'un exil prudent (ou pas).
Le roman se scinde en deux parties d'égale longueur: la première pari
sienne, la seconde bré
silienne. La capitale se fait tout d'abord le théâtre d'un roman d'Espionnage clas
sique et assez crédible, enchaînant les faits de l'Ombre typiques de ce genre de récits: fu
sillades, courses poursuite et passages à tabac ... La seconde, bré
silienne, plus rocambolesque, inattendue et débridée, resserre une nasse montée de bric et de broc comme le montre un extrait de la 4 de couverture:
"Quarante victimes de la barbarie nazie, ex-déportés, membres de la Ré
sistance arrêtés, juifs rescapés des camps ... [quittent] ... Paris pour le lointain état bré
silien de Santa Catarina. Leur but ? Pénétrer dans le très dangereux « Cercle de Fer », fief actuel de milliers d'ex-criminels de guerre (qui y vivent là,
sinon une existence paradi
siaque, du moins confortable et très éloignée du passé), ouvrir les yeux, fouiller, photographier, regarder tout le monde sous le nez. Histoire de voir par exemple
si la haute politique internationale, aidée ou pas de quelques puissantes banques, n'a pas oubliée un tortionnaire ou deux sur la page des règlements de comptes « sans suite » du grand livre européen de la justice."
Ain
si se meurt peu à peu la chasse au nazi dans cette partie du monde, dans le
silence de
s intérêts de chacun. de jeunes exilés de la seconde génération veillent, traquent et détruisent toute tentative pour soulever le voile du passé. Paradoxe: certaines cités sont osten
siblement débaptisées, renommées à la gloire de ce qui fut: Blumenau, Stettin, Breslau ... etc.
"Eric Prince et la Force M se trouveront impliqués phy
siquement dans cette insolite caravane qui soulève stupeur et haine sous son passage. La troupe des 40 « vengeurs » n'est guère inquiétée car phy
siquement incapable d'un véritable coup d'éclat. Tout au plus tente t'on de ne pas la ravitailler ni en vivres ni en essence."
Tout pour échouer, donc,
si ce n'est que ... la suite appartient au roman.
SPOILER "On" (surligner du clic gauche fait apparaitre)
"Pourtant la chance servira Prince qui débusquera ce qui semble être le fantôme de Borman,t peut être celui de Mengele qui semble avoir repris ses essais médicaux, une foule de documents informatiques sur cartes perforées mentionnant noms, adresses et surtout comptabilités de l'ensemble de la communauté. Mais le plus étonnant sera cette photo où l'on voit un masque mortuaire d'Hitler alors que toutes les informations alliées tendent à prouver qu'il fut brûler dans son bunker berlinois."
SPOILER "Off"
Claude Rank, en page de remerciements, écrit: "Toute ressemblance quelle qu'elle soit...". La préci
sion, le concernant, ne sert à rien tant il avait la réputation d'intrigues rocambolesques qu'il savait rendre vraisemblables, de thèmes choc qu'il avait l'art de déterrer de son imagination et de coaguler aux réalités du monde d'alors. Sur la même page de remerciements le lecteur trouvera: "Tout ce que vous venez de lire: affabulation, construction plus ou moin
s intéressante destinée à vous distraire, invention, vérité ?". Rank savait entretenir le doute, laissant son lecteur entre certitude et fake news. Je me suis attaché à cette ambivalence soigneusement entretenue, à ce vrai et ce faux emmêlés. "Croix de fer, épées, diamants" n'échappe pas à cette constance: le thème est choc, le traitement habile à brouiller les pistes de l'imaginaire parmi celles de la vérité. Reste que tout ce qui est raconté est peut-être vrai, je n'ai pas le courage de vérifier.
Chaque roman de Rank (ils sont nombreux de 1956 à 1987) repose sur la géopolitique mondiale de son époque de parution. "Croix de fer, épées, diamants" suit cette constante, nous parle de 1971 dans le monde avec des accents de journal télévisé de 20 heures. La documentation amassée nous est restituée dans le détail quitte à l'overdose. Lointains maintenant, près de 50 ans, des détails historiques d'alors, de moindre importance, oubliés par
L Histoire mais retenus par l'actualité, offerts bruts au lecteur de 2019, interfèrent et plombent un peu la compréhen
sion du récit. Reste que l'ingrédient principal, la chasse au nazi, est ici suffisamment connue et tatouée dans la mémoire de tous, pour que comprendre soit chose aisée.
Cette chronique m'est aus
si retour sur un éditeur mythique, le Fleuve Noir qui grâce à ses satellites Espionnage, Anticipation, Angoisse, Special-Police ... posa une empreinte indélébile sur "la Littérature de Gare" française. Quel éditeur pour prétendre aujourd'hui à des tirages aus
si pharaoniques, san
s invendus ou presque, excluant (très majoritairement) toute réédition opportuniste ? L'éditeur nourrissait un lectorat populaire, peu argenté, fidèle .. et qui de nos jours compte encore des collectionneurs fanatiques. L'exemplaire du roman en ma posses
sion est forcément un original parmi beaucoup d'autres et ne vaut, paradoxalement, pas grand chose sur le marché de l'occa
sion.
Pour finir,
Claude Rank en pages de remerciements précise: "Le temps de prendre le prochain avion pour n'importe où, et je vous ramène une autre aventure de la Forme M que, j'en suis persuadé, vous saurez lire entre les lignes". Je suis prêt à d'autres voyages en votre compagnie, pour l'instant loin de celui final qui vous emporta en 2004, laissant derrière vous deux cent deux romans d'espionnage et quarante-deux romans policiers. Bongu..!
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