Citations sur Point Cardinal (164)
Mais il y a autre chose que je veux que vous sachiez. Une chose dont je n’ai jamais douté. Si je ne me suis jamais senti homme, je me suis toujours senti père.
La voiture est jonchée de vêtements, de lingettes usagées. Un chaos à l'image de son désordre intérieur. Révolté d'avoir arraché ses habits de lumière, Laurent retourne à l'ombre, jure, s'habille, se crispe, range tout ce qui doit l'être dans la mallette qui trouvera refuge dans le coffre, sous la moquette. Lui restera le mensonge. p.13
Un oui que je porte depuis tant d’années.J'irai,j'y vais,mais cela n'empêche pas les zones d'ombre,de peur,d'effarement.
Le lendemain matin, au petit déjeuner, les visages sont tendus. On s'évite. On parle d'autre chose, on s'efforce de croire qu'on est encore hier, quand rien n'avait été dit.
- Mais, pourquoi tu ne m'en as jamais parlé ?
- Parce que c'était impossible, parce que j'ai honte.
Laurent est fasciné par sa collègue. À l'intérieur, je suis comme elle, j'en suis certain. D'ailleurs nous sommes toujours d'accord. Estelle s'étonne souvent de leur complicité. Elle lui dis, lors de leurs longues conversations du midi, que, si tous les hommes étaient comme lui, sa vie serait bien plus simple.
Aucune importance. Elle la mange debout dans la cuisine, perchée sur ses talons, en se demandant si son regard est différent de celui de Laurent. Non, il ne l'est pas. Ils sont une. Une seule et même personne, un même passé, juste un corps qui n'est pas le bon.
Être un homme signifiait, entre autres, aimer le foot. Mais l'expérience, qui devait être fantastique, s'était avérée pour lui désastreuse. Ce sport s'imposait dans la famille comme l'apothéose de la masculinité. Il n'avait jamais éprouvé aucun plaisir à courir après le ballon rond.
Claire sort de l'enfance sans s'en rendre compte encore, le monde doux des parents, ce monde réconfortant, qui avait réponse à tout, devient rugueux, énigmatique, chargé de zone d'ombre.
Qui est son père ?
Est-il possible de connaître si peu quelqu'un avec qui l'on a toujours vécu ? Que l'on aime ? C'est cette incertitude-là qui la projette dans le monde adulte d'un seul coup, sans la prévenir, sans qu'elle ait pu s'y préparer.
Je ne sais plus comment je suis arrivé à la voiture ni à la maison. Elle était vide et silencieuse, avec les photos, la vie de chacun de nous, les chaises, les vêtements qui traînent, les manteaux suspendus, les chaussures, et moi, assis dans la cuisine, le cœur battant encore. Un verre à la main, l’alcool qui glisse le long de l’œsophage pour calmer, calmer.
Et plus tard sourire et manger, et rire avec les autres.