Le bonheur, ça ne dit rien, ça se tait.
Elle a compris les vertus du silence, de ce que l'on a à soi. Elle a longtemps cru que le partage était la seule manière d'exister. Je suis ce que je te dis. Ce que je ne te dis pas n'existe pas.
La vraie question est là. Doit-on être ce que voient les autres, être tel qu'on nous a aimé ?
Elle donne à entendre la chair et la peau par lesquelles passe son père. Elle emporte les autres dans un flot d’explications qui défait chaque nœud, chaque interrogation, laissant hors de portée l’ignorance et sa horde d’insultes.
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Laurent a inscrit son fils quand il avait six ans, sans trop se poser de questions, comme l'avait fait son propre père. Être un homme signifiait, entre autres, aimer le foot. Mais l'expérience qui devait être fantastique, s'était avérée pour lui désastreuse. Ce sport s'imposait dans la famille comme l'apothéose de la masculinité.
Combien de temps faut-il pour être soi-même ? Et je voudrais demander cela à tous ceux qui n'ont pas à changer de sexe. Combien d'années, de décennies, pour être en adéquation ? Adéquation de corps, adéquation de rêves, adéquation de pensées, avec ce que nous sommes profondément, cette matière brute dont il reste quelques traces avant qu'elle ne soit façonnée, lissée, rapiécée par la société, les autres et leurs regards, nos illusions et nos blessures.
" J'ai longtemps cru qu'être père me suffirait pour rester homme.
C'est avec ce genre de certitudes que j'ai écrasé la femme dedans ."
Comme ils sont nombreux à consulter ! Laurent a l’impression d’entrer dans le labyrinthe obscur du Dites-moi tout sans pudeur ! Vous êtes là parce que vous avez des problèmes. Vous n’êtes pas le seul, un autre attend après vous.
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Ce sont les gestes les plus anodins qui trahissent.
Tout nous pousse à nous déterminer. À le faire haut et fort. Décliner son identité. Je suis indéterminée, mon corps est un compromis. Je ne suis plus celui de ma carte d'identité, et Lauren n'existe pas officiellement. Si je ne me définis pas, suis-je vraiment ?