Civil War: Ms. Marvel

Ce tome fait suite à Ms. Marvel - Volume 1: Best of the Best (épisodes 1 à 5) qu'il n'est pas indispensable d'avoir lu avant. Il comprend les épisodes 6 à 10 et Ms. Marvel Special, initialement parus en 2006/2007, tous écrits par Brian Reed, avec une mise en couleurs de Chris Sotomayor.

Épisodes 6 à 8 (dessins de Roberto de la Torre, encrage de John Sibal, couverture de David Mack) - Pendant les événements de Civil War (2006/2007, par Mark Millar & Steve McNiven), Carol Danvers a choisi de se faire recenser et elle fait partie des superhéros qui participent à rechercher les superhéros se soustrayant au recensement, et à la convaincre de changer d'avis… ou subir les conséquences d'avoir transgressé la loi. C'est ainsi qu'elle retrouve Prowler (Hobie Brown) l'interpelle, le neutralise, et le remet aux mains du SHIELD pour qu'il soit incarcéré. Elle se retrouve à faire équipe avec Wonder Man (Simon Williams) et Arachne (Julia Carpenter) pour localiser et neutraliser Shroud (Max Coleridge). Après l'échec de cette mission suite à une trahison, elle et Wonder Man doivent localiser et recruter Araña (Anya Corazon), adolescente avec des superpouvoirs. Gilberto Corazon n'est pas favorable au recensement de sa fille, et encore moins à son entraînement en tant que superhéroïne.

Après un démarrage original (malgré une menace extraterrestre conventionnelle) avec Sir Warren Traveler et la participation de Doctor Strange, Brian Reed doit composer avec le crossover du moment, dès l'épisode 6 de la série. Il prend la situation à bras le corps et montre que Carol Danvers est avant tout un bon soldat, soucieuse de respecter la loi. Elle n'a donc pas cédé à l'appel de Captain America, estimant qu'il ne lui appartient pas à elle d'aller à l'encontre d'une loi dont elle reconnaît le bienfondé et la sécurité qu'elle apporte aux civils. Elle assume donc sa position en continuant de servir son pays en contactant les superhéros pour le compte du SHIELD, et leur livrant s'ils ne veulent pas entendre raison. le scénariste fait le nécessaire pour que le lecteur comprenne le point de vue de Carol Danvers, même s'il ne le partage pas. Il montre bien sûr les conséquences de son choix, lorsqu'elle se retrouve à faire appliquer la loi pour imposer le recensement. Par la force des choses, le lecteur part avec l'a priori que Carol Danvers n'est pas du bon côté d'un point de vue moral. Il n'est donc pas surpris quand il voit les conséquences : s'en prendre à un superhéros sans pouvoir comme Prowler (à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire), entraîner une jeune recrue influençable (Anya Corazon) dans ces opérations de rabattage, devoir flanquer une dérouillée à une mère (Julia Carpenter) sous les yeux de sa fille Rachel. Grâce au talent du scénariste, le lecteur se retrouve partagé entre la critique vis-à-vis de Ms. Marvel qui a choisi le mauvais camp, mais aussi le respect pour assumer ainsi ses convictions, avec une pointe d'exaspération pour Arachne qui ne cherche que la confrontation, et pas la conciliation, forçant pour partie la main de Carol Danvers. Cette dernière accomplit ce qu'elle estime être son devoir, en en payant le prix émotionnel, à savoir la souffrance causée à autrui.

Le lecteur retrouve avec plaisir les dessins descriptifs et minutieux de Roberto de la Torre qui bénéficie en plus de l'encrage fin de John Sibal. Les personnages disposent d'une morphologie parfaite, à commencer bien sûr par les courbes de Ms. Marvel, mais sans cadrage sur ses hanches ou sa poitrine, et sans talon haut à ses cuissardes. du coup, son costume reprend une fonction de reconnaissance immédiate, débarrassée de la connotation sexy. le niveau d'expressivité des visages est satisfaisant. de la Torre réussit plusieurs postures permettant de bien ressentir l'état d'esprit du personnage concerné, à commencer par la première apparition de Simon Williams, sûr de sa force physique. Il représente les décors avec une régularité supérieure aux comics mensuels de superhéros, et un niveau de détails plus élevé. le lecteur peut dont se projeter dans chaque endroit, et cela augmente le niveau de conviction des séquences. En outre, l'artiste sait composer des plans de prise de vue mettant en avant les mouvements et la force des coups. de ce fait, même une action aussi classique et rabâchée qu'une course-poursuite en voiture présente un intérêt visuel et un punch indéniable. Enfin, les teintes un peu foncées déployées par Chris Sotomayor renforcent la consistance de chaque élément, pour un récit avec une ambiance sombre.

Ces 3 premiers épisodes montrent comment Carol Danvers assume sa prise de position vis-à-vis du recensement des superhéros et le prix qu'elle doit payer. Brian Reed n'essaye pas de la rendre plus héroïque ou de l'absoudre des conséquences de ses actes. Il adopte une approche plus prosaïque et adulte. Roberto de la Torre continue de montrer les interventions de Ms. Marvel de manière réaliste, sans jouer sur la composante sexy pour titiller les lecteurs, avec un réalisme convaincant. 5 étoiles.

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Épisodes 9 & 10 (dessins de Mike Wieringo, encrage de Wade von Grawbadger, couverture de Wieringo) - Alors que Carol Danvers vient tout juste de rentrer chez elle, dans son appartement newyorkais, quelqu'un toque à la porte. Il s'agit d'Anna Maria (Rogue), fortement remontée contre elle. Carol ne comprend pas cette animosité, mais en se rendant dans sa chambre, elle et Rogue découvrent une femme en tout point identique à elle, se présentant également comme étant Carol Danvers. Après un affrontement tout en force, elles emmènent cette Carol Danvers à Westchester où, après un examen, Hank McCoy déclare que cette femme est en tout point similaire à Carol Danvers et qu'il ne s'agit pas d'une clone.

En découvrant le point de départ de cette deuxième histoire, le lecteur se dit que Brian Reed manque chroniquement d'inspiration pour les opposants de Ms. Marvel : un double méchant, après un extraterrestre belliqueux. Mike Wieringo réalise dessins un peu plus épurés que ceux de Roberto de la Torre, avec une façon d'adoucir les contours en les arrondissant qui rendent ses dessins plus tout public. La densité d'informations visuelles baisse un peu, mais les dessins gagnent en efficacité. Les expressions des visages se font plus naïves et plus appuyées, donnant l'impression de personnages moins adultes. Par contre, Chris Sotomayor continue de déployer des efforts impressionnants pour habiller les dessins, ce qui les ramènent un peu vers ceux de de la Torre. le lecteur se laisse donc emmener dans des affrontements peu surprenants entre les 2 Carol Danvers, et la découverte progressive de l'histoire de la deuxième Carol Danvers.

Au fil des affrontements attendus, le lecteur voit se dessiner un autre thème en lien direct avec l'histoire personnelle de Carol Danvers, une interrogation pertinente sur le pardon, sur les émotions refoulées, et la possibilité de les dominer, de surmonter un traumatisme. 4 étoiles.

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Ms. Marvel Special (dessins de Giuseppe Camuncoli, encrage de Lorenzo Ruggiero, couverture de Camuncoli) - Rich et Gavin, 2 adolescents, se sont rendus à la bibliothèque pour que le second lise un livre à voix haute au premier. Ils choisissent Binary, un roman écrit par Carol Danvers, sur une de ses aventures dans l'espace où elle rencontra le Conservateur, un être extraordinaire. La voix de Gavin (Storyteller) a la capacité de transformer en réalité ce qu'il lit, y compris la Nuée, une colonie destructrice.

Le retour de Binary, pourquoi pas ? À nouveau, Brian Reed pioche dans la continuité alambiquée de Carol Danvers pour un épisode à part, ce qui lui permet d'évoquer une autre de ses identités secrètes. Il met en scène une histoire assez simpliste de menace extraterrestre, assez vague, avec une première entité prétexte, et finalement une évocation de Binary très basique, sans sa réelle présence au temps présent. Les dessins de Giuseppe Camuncoli rentrent également dans la catégorie descriptive, mais avec des traits de contour moins lissés, et des petits traits irréguliers dans les surfaces délimitées, leur conférant une texture plus organique. La narration visuelle est très fluide et réussit à mettre en scène le pouvoir assez particulier de Gavin, de telle sorte que le lecteur s'interroge sur sa nature exacte. Bien sûr, ladite nature (et le surnom de Storyteller) évoque la fonction de scénariste et la manière dont il choisit de raconter une histoire, mais aussi celle du dessinateur qui donne à voir ce que disent les mots. Pour autant cette mise en abîme n'arrive pas à dépasser le premier stade de l'application de ce principe, car elle ne contient pas de commentaire sur l'action de narration ou même de création.

Cette dernière histoire se lit avec plaisir pour son effet déstabilisant et le jeu d'acteurs bien adapté. Mais ni le scénariste ni le dessinateur ne parviennent à tirer profit de la mise en abîme provoquée par le pouvoir de Gavin. Entre 3 et 4 étoiles.