Faculté

Jamais, il ne pourrait s’exprimer comme Éric. Il ne saurait jamais faire sortir sa voix comme lui, trouver les mots qui font mouche... après tout, hormis Éric, les autres membres sont sûrement pour l’essentiel des suiveurs. Il rêverait d’être lui aussi, un jour, celui que les gens écoutent. Quand il était petit, il prenait des cours de prestidigitation. Il n’était pas si mauvais que ça. Il était même plutôt doué pour cacher les cartes dans sa manche, et ce genre de choses. Mais ses talents avaient tendance à s’évanouir dès qu’il sentait sur lui le regard de quelqu’un. Puis il a complètement arrêté, le jour où il fallait participer à un spectacle. Il n’avait pas trouvé le courage de monter sur scène, imposer son image à tous et les convaincre. Il aimerait tant réussir un jour à le faire...
 
 

C’est vrai qu’il est agréable à regarder, que toutes les mains manucurées se lèveraient à l’unisson pour approuver son enveloppe corporelle, mais comment une telle banalité peut se cacher sous ce physique de rêve ? C’est vrai qu’elle passe de bons moments avec lui, mais elle veille toujours à ce qu’ils ne durent pas trop longtemps, avant que leur saveur s’évapore rapidement.

La belle rousse fut prompte à comprendre l’avantage qu’elle pouvait tirer de la situation, et elle mit au point une stratégie digne d’une championne d’échecs. En faisant galoper ces deux êtres eux-mêmes convoités, elle propulsa sa popularité dans l’enceinte universitaire au dessus de toutes les autres, et son port altier comme sa démarche de top model souffrirent de moins en moins de quolibets pour gagner en légitimité dans l’esprit de ses concurrentes, lesquelles joignirent désormais à leur haine une certaine dose d’admiration. Depuis, il suffit d’observer ses tenues pour prédire la nouvelle mode.
Sandy n’a pas besoin d’une chaîne Youtube pour influencer. Elle n’a même pas besoin de parler.
 
 
 
 

Elle cherche des yeux un visage à reconnaître, mais ne parvient pas à distinguer la moindre forme humaine. Elle commence à se sentir seule, et son sentiment de gloire se fait dépasser par une sensation de froid. C’est alors qu’un chant parvient progressivement à ses oreilles. Une voix d’enfant, qui fredonne l’air d’une comptine. Cet air lui est familier, mais elle est incapable de se rappeler des paroles. Elle continue à avancer droit devant elle - car elle est là pour ça -, mais elle a l’impression qu’elle ne va pas tarder à trébucher. Elle est de plus en plus impatiente de parvenir au bout du podium, car elle n’a plus envie que d’une chose : se retourner et quitter les lieux au plus vite.        

La quantité d’apprentissage dépend de la qualité de l’attention accordée ainsi que de sa durée. Or s’il y a une chose qui ressemble bien à la concentration d’un élève lors d’un cours, ce sont les montagnes russes. Et quand approche la fin de la leçon, beaucoup d’élèves se projettent déjà vers la suite de leur journée, ou se réjouissent en avance d’un sentiment de libération, étant par conséquent plus concentrés sur l’heure et la porte de la salle que sur les dires de l’enseignant. C’est le cas pour la majorité des étudiants dans ce cours de Mme Véga, le top départ étant la seule parole qu’ils attendent avec impatience de sa part.