Certains voudraient nous faire passer pour des gens simplistes ou naïfs. Au dernier cercle, quelqu'un m'a pris à partie : - Vous, franciscains, vous ne connaissez pas le problème, etc. - Au bout de quelques minutes il s'est aperçu que je n'étais pas tout à fait ignorant des questions qu'il se posait. Alors cet interlocuteur est devenu moins affirmatif et a manifesté moins d'arrogance. Je fais tous pour comprendre les enjeux, mais jamais je ne détiens seul la solution.
Comme prêtre, j'ai eu le privilège de recevoir beaucoup de confidences, pas uniquement en confession. Certaines personnes de ces personnes étaient montrées du doigt, considérées comme monstrueuses. Et puis, dans la vérité de la rencontre, quand je suis face avec une telle personne, rejetée de tous, ce n'est plus du tout un monstre, mais quelqu'un qui cherche un chemin.
J'ai senti que j'étais bien à ma place quand je menais une vie dénuée de pouvoir, de puissance, et qu'il y avait une autre force venue de l'intérieure, et qui est d'une autre nature. Alors, je pense qu'il est possible d'approcher le mystère de Jésus-Christ. Jésus parmi les hommes... C'est bouleversant !
Mais si vous vous attachez uniquement à ce qu'on perçoit de vous, vous ne pouvez plus vivre ! Dans ma propre famille également, il y a des gens qui ont mis dix ou vingt ans pour comprendre un peu ce que je faisais, et que je fais en raison même de ma qualité de franciscain et de prêtre ; ce n'est pas du temps et de l'énergie volés au service de Dieu, mais une autre forme insuffisamment utilisées pour le servir.
La grande détresse humaine des plus petits m'a fait sentir quelle pouvait être la mission d'un homme - à plus forte raison le rôle de celui qui s'est engagé à vivre l'Évangile - auprès des autres être humains : nous sommes tous simplement appelés à être les mains, les pieds, le cœur de Dieu dans ce monde. Lui qui est compassion, ou si vous préférez amour compatissant, n'a pas d'autres mains, n'a pas d'autre regard que le notre pour dire aux hommes sont amour. Vous allez me dire que c'est une réalité spirituelle bien connue. Cette découverte fut essentielle, et ce fut aussi un signe important de mon cheminement : j'étais âgé de plus de cinquante ans quand j'ai compris combien Dieu comptait sur nous pour dire concrètement son amour au monde. Mais mieux vaut tard que jamais !