C'est l'histoire d'une petite fille, elle s'appelle Emma, elle marche sur la plage. Je détourne les yeux. Quelques secondes s'écoulent. Je regarde de nouveau et elle a disparu. Je ne cesse de penser à ces secondes, au cercle qui, irrémédiablement, s'agrandit. A la manière dont j'ai déclenché cette chaîne d'évènements. Au fait qu'il faut que je trouve un moyen de racheter ma faute
"Je veux qu'elle revienne, et le désir crée la substance à partir de rien. Je me souviens du moment où j'ai contourné le mur de béton, certaine de la trouver là. Je le voulais tellement que j'ai construit une image, et cette image était frémissante de vie : Emma accroupie, en train d'attendre derrière le mur, le seau jaune calé entre ses genoux. Quand je suis arrivée et que je n'ai pas trouvée Emma, j'ai senti la réalité me frapper comme un coup de fouet en plein visage, et, avec elle, une terreur si intense qu'elle me fit plier en deux, l'estomac retourné."
Une fois de plus, je m’émerveille devant la capacité de Nell à apprendre, à absorber et à traiter une grande quantité d’information sur un sujet quelconque, n’importe quand. Je me demande toujours si sa passion pour l’information a n rapport avec la mort de son fils, si la constante absorption des faits est un ultime recours pour remplir un vide qui ne s’et jamais comblé. J’imagine son chagrin comme un trou noir, toujours béant, qui engloutit la connaissance à une vitesse effrayante. C’est le même trou noir en perpétuelle expansion qui a envahi mon esprit et mon cœur tout au long des semaines écoulées depuis la disparition d’Emma. Tandis que Nell nourrit sa souffrance par l’apprentissage, je nourris la mienne d’interminables recherches.
Ma mère me disait : "Dans une relation, il existe une ligne à ne pas franchir, au risque de ne pas pouvoir revenir en arrière. La ligne est différente d'une relation à l'autre. Ton père et moi, nous l'avons passée il y a vingt ans."