Citations sur Requiem pour un alpiniste (9)
C'est un chemin que je connais depuis l'enfance et que j'emprunte quand je vais à la chasse ; mais, aujourd'hui, ce n'est pas pour les coqs de bruyère ou pour les perdrix blanches que je suis monté là-haut : c'est pour ces débris de pipes, ces bouteilles cassées, ces éclats d'os : pour rester un peu avec eux, et essayer de comprendre le problème que je me pose depuis des années : pourquoi la guerre ?
Le 19 mai, Innerkofler commence à écrire sur des feuilles de cahier son Journal pendant la guerre avec l’Italie. Ce sera, fatalement, un journal bref où, cependant, on peut lire et comprendre ces jours-là, à la veille de la guerre, et les premiers heurts vécus par les frontaliers d’une manière romantiquement absurde : non pas nation contre nation, mais vallée contre vallée, ceux de Comelico contre ceux de Sexten.
Requiem pour l’alpiniste à la guerre, p. 22
Le 13 janvier 1942 était un mardi : il neigeait. À minuit, le premier convoi de chasseurs alpins partit de la gare d'Aoste pour la Russie : le premier de tant de longs trains emportant la meilleure jeunesse qui allait finir sous terre.
Dégagez ! Place au Cervino ! (1964), p. 73
Lors de mes courtes promenades du matin pendant ce chaud printemps, quand le coucou réveille la forêt, et que la foudre jaune des conifères se pose à profusion sur l'herbe des pâturages, le souvenir de la terre d'Ukraine me revient : les fleuves paisibles, la vaste campagne, le ciel sans fin, les villages serrés contre des églises à coupoles d'or, et les jardins avec des cerisiers, des pruniers, des pommiers autour des masures, les bois de chênes; mais aussi Sainte-Sophie de Kiev et les monastères sur les rives du Dniepr. Qu'elle est belle et grave cette partie de l'Europe !
Ils faisaient chaud cet été-là, en 1941, et, sur les champs de bataille de Crimée, les cadavres des soldats empuantissaient l'air. Dans les campagnes de l'Ukraine méridionale, les Italiens trouvaient des villages incendiés, des silos à blés, des parcs de machines agricoles qui étonnaient nos paysans rappelés sous les drapeaux, des troupeaux d'oies, de porcs. Les femmes, les vieillards et les enfants les regardaient passer le long des pistes dans le tourbillon de poussière ocre que les tanks et les véhicules de l'armée allemande soulevaient de terre grasse.
Le Cervin est la plus belle montagne des Alpes. Solitaire, puissant, se découpant sur le ciel : il représente toutes les cimes à la perfection. Et le bataillon des skieurs Monte Cervino est la synthèse de tous les bataillons des dix régiments alpins, du premier au dernier.
Le 13 janvier 1942 : il neigeait. A minuit, le premier convoi de chasseurs alpins partit de la gare d'Aoste pour la Russie ; le premier de tant de longs trains emportant la meilleure jeunesse qui allait finir sous terre.
Ces Dolomites sauvages n’avaient pas de fortifications, de lignes de tranchées, de barrages ; de part et d’autre, on s’efforça d’escalader les sommets les plus hauts - fussent-ils apparemment inacesssibles - afin d’avoir des points d’observation pour contrôler les mouvements de l’adversaire : c’était une guerre d’alpinistes en uniforme au service de l’empereur d’Autriche d’un côté, du roi d’Italie de l’autre.
Requiem pour l’alpiniste à la guerre, p. 21
Ici, sur le col de Lana, qui doit son nom au millier de brebis qui venaient estiver, on éprouve une sensation de paix.