Elle l’imaginait, planté tout près de leur arbre, en train de déclamer un long sermon sur les hormones, les antibiotiques et les aliments génétiquement modifiés qu’on mangeait à l’extérieur du domaine et qui stimulaient les tendances lesbiennes contre nature. Il se lamenterait sur les hamburgers qu’il lui avait laissé manger quand ils faisaient des sorties en ville et lui annoncerait qu’elle devrait se nourrir exclusivement d’aliments crus pendant toute une année pour se purifier, comme la sœur Jay, dont le seul péché, apparemment, était d’avoir une voix trop grave. Jay était, comme aimaient le dire les Caïniens, de nature hommasse : grosse, large, affable, mais d’une affabilité assez peu féminine. Ce n’est pas la forme que devrait avoir un corps de femme, avait dit Sherman dans un de ses sermons. Certes, il fallait avouer qu’il n’avait pas été jusqu’à montrer une photo de sœur Jay. Regardez les images de nos ancêtres africains, nos frères, nos soeurs, ils étaient minces, agiles et d’apparence saine. C’étaient des chasseurs, qui régnaient sur leur territoire avec grâce et beauté. C’est la nourriture de l’homme blanc qui nous a endommagés, qui a déformé et perverti nos corps. La maladie, l’obésité, le prétendu autisme, la dépression, l’homosexualité, les hommes qu’ils croient qu’ils sont des femmes et les femmes qui croient qu’elles sont des hommes.
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