En Amérique, dans l'ouest sauvage des cow-boys, des attaques de train et des brigands encagoulés sévit une bande de malfrats au leader charismatique : Largo Callahan. L'homme est un tireur-né, un pisteur émérite métissé, une brute avec ce qu'il faut de cervelle pour éviter de se faire trouer la peau à tout bout de champs, et il crie vengeance. Vengeance pour son père assassiné sous ses yeux des années auparavant par une troupe de soldats véreux. Mais entre la loyauté du groupe qui lui glisse peu à peu entre les doigts, les guérillas et vendettas personnelles à mener à terme et des liens familiaux à renouer chez les Apaches, Largo est bien en peine de faire des choix. Il faudra pourtant prendre action, mais surtout prendre les armes, pour espérer survivre d'un bout à l'autre du Far West américain où c'est d'abord la poudre qui parle.
Ah, le grand ouest américain ! le vent qui fouette la poussière, les chevaux qui galopent après les diligences et les portes de saloon qui claquent : bienvenue quelque part entre le Far West et le Mexique, bienvenue dans le monde de Largo Callahan où on fait semble-t-il d'abord rugir les .44 avant, et où on s'attarde sur les regrettables quiproquos après. Ça sent (presque) bon la sueur et la testostérone, et ce tableau d'Apaches dont on troue la peau avec joie entre deux whisky, Michel Robert l'a construit avec l'enthousiasme d'un grand amoureux de Westerns spaghettis. le roman est écrit comme pour le cinéma ; c'est hyper visuel, ça parle à tout le monde et puisque l'auteur adore décrire les tenues, les armes et les chevaux plus que toute autre chose - voire même à outrance (parce qu'après quatre cent pages, ça fatigue un peu quand même de savoir qui porte une chemise en lin bleue et une en coton rouge) - on se représente la moindre échauffourée avec pas mal de réalisme. Enfin bon réalisme, c'est vite dit, parce que Largo Callahan il est quand même sacrément futé, mais surtout sacrément trop balèze parfois pour être entièrement crédible... mais comme tout ça s'inscrit dans un contexte de western décomplexé en mode héroïsme viril à gogo, ça passe.
Question virilité, justement, j'ai trouvé le livre assez indigeste et c'est un gros regret. Culture pop' et contexte historique obligent, quand t'ouvres un Western, tu t'attends pas à avoir un essai sur les droits des femmes où le guide des relations cordiales entre les deux sexes. Il y a bien ici quelques personnages féminins sympas (dont une chamane indienne et une armurière un peu badass), mais c'est assez vite fait. Globalement Six petites gouttes de sang, c'est des bandes de mecs qui sillonnent la région en se tirant dessus et en s'insultant inventivement, sans que ça claque vraiment dans les dialogues - le ton fait trop forcé. Trop de man et de motherfucker, beaucoup trop de pin-da lik-o-yee-lo (quoi que ça veuille bien dire, on ne l'explique jamais et c'est hyper pénible à lire) et plus globalement, de termes anglais qui m'ont personnellement pourri la narration (pourquoi écrire cold-blooded killers quand on peut juste parler de tueurs à sang froid ? Mais soit). A côté de ça, même si on aborde le roman sous l'angle d'un roman noir (ce qu'il n'est pas), c'est trop blindé d'expressions malvenues pour moi, déjà lues ailleurs mais qui ici tombent pourtant ultra mal : la femme qui s'empale sur la très généreuse verge rigide du héros, lui qui s'y enfonce jusqu'à la garde ... sérieusement ? Il y a certains récits sombres comme j'aime où ce genre de choses passent parce tout autour est construit en conséquence et que l'atmosphère s'y prête, mais Six petites gouttes de sang en fait pas partie. le texte est trop souvent maladroit et ça casse l'ambiance.
D'une opération frauduleuse à l'autre, d'une piste à remonter vers la suivante tel le fin limier moitié Apache-moitié Yankee qu'il est, la vie de Largo est donc faite de poudre et de coups bien juteux. Enfin ça, c'était avant la vague de poisse qui lui tombe dessus. Pour corriger le tir (c'est le cas de le dire), Largo doit laisser sa vendetta personnelle derrière lui après qu'on nous ait pourtant vendu le personnage comme un gars mû exclusivement par son désir de vengeance. Au premier chapitre, tu crois avoir compris : ça va assassiner sec et se faire justice soi-même façon duel au soleil, et on va tirer l'affaire sur plusieurs tomes. Mais non. Pour renflouer les caisses de la bande Largo se lance dans une opération ambitieuse qu'on suit pendant une petite centaine de pages, et plus jamais on causera de vengeance - ce qui me pousse à me demander pourquoi on s'est tant emmerdé à introduire le bazar et à le vendre autant en quatrième de couverture, mais pour la seconde fois dans cette chronique : soit. Après ça notre héros s'en va seul renouer avec ses origines apaches pour une autre centaine de pages, défie un rival d'enfance, déjoue des embuscades musclées, refoule pépère le syndicat de la pègre ... et tombe finalement sur une comtesse en détresse qui lui colle un peu avant la page trois cents une nouvelle mission juteuse dans les pattes - oui, la fameuse quête dont on nous cause en résumé, elle arrive seulement maintenant. Ce genre de démarche éditoriale, ça m'énerve parce que d'un, ça montre que l'éditeur arrive pas vraiment à cerner le bouquin qu'il a monté ; et que de deux ce qu'il en ressort côté lecteur, c'est l'impression qu'il ne se passe finalement rien d'important dans le roman, que tout le monde le savait d'emblée et qu'on est les derniers à le découvrir.
A partir de là l'aventure prend une tournure fantastique assez intrigante à la Indiana Jones : amulettes, sorcellerie, tombeaux piégés ... mais c'est arrivé bien trop tard pour moi, à une cinquantaine de pages de la fin (!) : j'avais décroché depuis belle lurette. Et bon, quand on en est au quinzième combat par balles du roman, on finit blasé. Si le but c'était donc de donner le goût du western littéraire au public, pour moi c'est raté et c'est un gros regret : je suis demandeuse de lectures dans le genre et le livre me faisait vraiment envie. Un tome suffit toutefois à faire le tour de cette histoire sympa à survoler mais franchement sans plus, et moi j'en resterai là.
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