La Maison du mystère

Mais il était hors de question de ressasser tout ça, se rappela sévèrement Maggie

Elle avait connu le faste et les paillettes, mais elle ne voulait plus de ce monde-là. Mais même si elle s’en était rendu compte depuis longtemps, elle n’avait jamais su comment procéder. Le monde entier avait suivi sa naissance ; ses premiers pas, ses premiers mots appartenaient presque au domaine public. Dans ces conditions, il lui avait été facile d’oublier qu’il existait un autre monde que celui de la célébrité.

Parfaitement immobile, les yeux fermés, elle écouta la musique qui lui parvenait aux oreilles. Ce n’était pas le chant des oiseaux mais le bruissement des feuilles et des branches dans la brise. En se concentrant davantage, elle perçut le faible clapotement du ruisseau qui coulait 20de l’autre côté du chemin. La symphonie de la nature s’élevait autour d’elle dans toute sa splendeur.

Louise ouvre Les Fleurs du mal. Elle se rappelle combien ça l’ennuyait au lycée et à quel point sa mère aimait ça. Elle feuillette le livre et s’arrête sur un vers qu’elle lit à voix basse : « Ange plein de gaieté connaissez-vous l’angoisse ? »

Se sentir seule ? se répéta intérieurement Maggie, tout en suivant du regard la voiture qui s’éloignait en tressautant le long du sentier. Non, elle n’était pas seule, loin de là. Elle avait la conviction qu’elle ne se sentirait jamais seule ici. Alors, pourquoi ne pouvait-elle s’empêcher d’éprouver un étrange pressentiment ? Mais non, c’était ridicule.
Elle haussa les épaules et secoua la tête pour chasser cette sombre pensée.

Il secoua la tête et avala un calmant. Tout le monde lui disait qu’il était trop anxieux.

— J’ai adoré le film, C.J. C’est encore mieux que ce que j’avais imaginé en lisant le script. La musique s’écrit pratiquement toute seule.
C.J émit un grognement en guise de réponse et jeta un regard derrière lui.
— Si tu te sens seule…
— Ça n’arrivera pas, promit-elle avec un petit rire. Je me suis découvert un vrai goût pour la solitude. Allez, conduis prudemment et arrête de te faire du mauvais sang.
Comme s’il suffisait de claquer des doigts ! pensa C.J en vérifiant qu’il lui restait bien des calmants dans sa boîte à gants.
Il adressa un vague sourire à la jeune femme.
— Envoie-moi ton travail. S’il est sensationnel, j’arrêterai peut-être de m’inquiéter.
— Il sera sensationnel. Tout simplement parce que je suis sensationnelle !

C.J comprit qu’il avait perdu la bataille, mais il tenta tout de même une dernière manœuvre.
— Maggie, dit-il en posant les mains sur ses épaules 14comme si elle était une petite fille égarée. Regarde cet endroit.
Il se tut, laissant le silence envahir les lieux tandis qu’ils regardaient la maison devant eux. Il remarqua qu’il manquait plusieurs lattes sur le perron et que la peinture s’écaillait.
Maggie, elle, ne voyait que le soleil qui se reflétait en arc-en-ciel dans la fenêtre de l’entrée.
— Tu ne comptes tout de même pas habiter ici ? reprit C.J.
— Il suffit d’un coup de peinture, de quelques clous…, rétorqua Maggie en haussant les épaules.
Elle avait appris que les problèmes superficiels ne méritent pas qu’on s’y attarde.
— Je sens qu’ici, tout peut arriver, continua-t-elle.

Il soupira. D’un point de vue professionnel, il était l’agent de Maggie. Mais il se considérait avant tout comme son ami. Peut-être même son meilleur ami, depuis la mort de Jerry.
— Ecoute, Maggie, dit-il plus doucement. Je sais que tu as traversé une période très difficile. Peut-être que Los Angeles te rappelle trop de souvenirs pour l’instant. Mais à quoi bon t’enterrer dans ce trou perdu ?
— Je ne m’enterre pas ! protesta Maggie sur un ton outré. Voilà deux ans que Jerry est mort, et ma décision de venir ici n’a rien à voir avec ça. Je me sens simplement chez moi. Je… je ne sais pas comment l’expliquer.
Elle glissa une main souillée de terre dans celle de son ami et continua :
— C’est ma maison, et je m’y sens bien plus heureuse et sereine qu’à Los Angeles.

— Mais comment veux-tu travailler dans un tel endroit ? s’écria C.J en levant les bras au ciel non sans une certaine grandiloquence, un geste qui ne manquait jamais d’amuser Maggie. Comment peux-tu vivre ici ? Hors de toute civilisation ?
— Hors de toute civilisation ? Simplement parce qu’il n’y a pas de boutiques ou de clubs de sport à chaque coin de rue ?
Maggie se releva et prit doucement le bras de son ami.
— Allons, reprit-elle. Ouvre tes narines et respire ce bon air frais. Ça te fera le plus grand bien.
— Mes narines ne supportent que la pollution, grommela C.J.
Il soupira. D’un point de vue professionnel, il était l’agent de Maggie. Mais il se considérait avant tout comme son ami. Peut-être même son meilleur ami, depuis la mort de Jerry.