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3,79

sur 397 notes
C'est en parcourant les reproductions du catalogue des expos de Fernand Khnopff que je lisais Bruges-la-Morte. Les peintures de Khnopff, de la même période et du même courant artistique -le symbolisme- se répondent parfaitement. Outre l'intrigue, les déambulations de Hugues Viane le long des canaux de Bruges donnent une ambiance très mortifère à cette lecture. Se plonger dans ce roman m'a permis pendant quelques heures de m'isoler, dans une sorte de monde parallèle. Hugues Viane, comme Des Esseintes dans "A Rebours" de Huysmans, nous emmène dans sa mélancolie, dans sa folie.
J'adore !
(Hitchcock, dans "Vertigo", a magnifiquement adapté cette intrigue, sous une forme policière et psychanalytique. Je me souviens de James Stewart parcourant au volant de sa voiture les rues de San Francisco à la recherche de Kim Novak.)
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Dans une Bruges grise et triste un veuf très respectable croise le sosie de la morte qu'il vénère maladivement.

Cette vision le conduira-t-elle vers le bonheur ou vers une folie meurtrière?

Lu pendant mes insomnies, j'ai malheureusement trop souvent décroché de ces longues phrases à la construction académique et compliquée.
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Je ne peux m'empêcher de rendre compte de ce livre avant même de l'avoir terminé tellement il me soulève d'enthousiasme.
Il est aussi onirique que les Filles de feu De Nerval, mais bien plus fluide.
C'est une splendeur qui laisse pantoise.
Il traite d'un sujet tout banal, le deuil, associé à la ville de Bruges et de ses canaux. L'auteur a illustré son oeuvre de photos de Bruges et en a fait ainsi un récit-photo (pas un roman photo), un peu comme le Nadja de Breton, mais trente ans avant. Ce procédé, bien sûr, concourt à la poésie de l'oeuvre, qui a longtemps été éditée amputée des clichés ajoutés par l'artiste, ce qui en a fait, selon la formule des préfaciers Daniel Grojnowski et Jean-Pierre Bertrand une "oeuvre martyre". L'édition GF Flammarion de 1998 est complète.
C'est très romantique, dans le genre "je suis le ténébreux, le veuf, l'inconsolé" et c'est SUBLIME. La poésie est belle belle belle, elle coule du cerveau où elle pénètre d'abord jusque dans les veines comme un miel doré et là elle se transforme en plaisir. Bruges-La-Morte a été écrite à la toute fin du 19 ème siècle mais on est effleurée par l'idée qu'elle a toujours existé, comme on l'est en écoutant une musique sublime, tant elle est parfaite, et infiniment subtile, et douce. Une caresse à l'âme. Et une rigueur d'écriture presque surhumaine : partout dans la prose se nichent octosyllabes et alexandrins qui confèrent au texte une grande musicalité.
Je crois y avoir trouvé l'origine du titre du film de Jacques Audiard "De battre mon coeur s'est arrêté" : Page 86 : "D'émoi, mon coeur s'est presque arrêté."
Goerges Rodenbach, l'auteur, fut un poète bruxellois dandy, disciple et ami de Mallarmé et l'un des modèles de Proust pour son Swann.

Et bien je termine en ce soir du 3 juillet ce livre enchanteur et curieusement jubilatoire, malgré la mélancolie qu'il recèle, tant il contient de beauté. La beauté qui remplit l'âme semble nous modifier et je vais transporter ce livre partout avec moi pour m'y plonger souvent et ainsi tenter de prolonger cet état de grâce.
Je n'ajouterai rien à la chronique enchanteresse de Krout, qui nous a offert là un hymne d'amour merveilleux à la ville et à l'art poétique qu'il exerce avec un génie rare et authentique. Merci aussi à Gwenn 21, Lyoko, Gouelan et tous les autres, que je ne cite pas mais qui m'ont ravie par leur sensibilité à cette oeuvre.Tant il est vrai que des passions communes peuvent faire partager des moments intenses.
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J'ai aimé ce long cheminement du personnage, cheminement de son deuil, cheminement de l'amour perdu et cru retrouvé, cheminement dans les rues de Bruges, ville écrin et vivante à l'unisson, en symbiose avec la désespérance du veuf ... C'est admirablement bien écrit, éclairé d'images poétiques, justes, superbement évocatrices et de réflexions subtiles. Il faut dire que le sujet de l'amour survivant à la mort, ainsi que les références à d'autres récits d'élection, ne pouvaient que se trouver en résonance avec mes affinités. Et comment ne pas se délecter dans la façon dont l'histoire s'effile, tel un poème symphonique tant la langue est musicale, avec juste ce qu'il faut d'ironie dans l'observation des situations et des êtres... jusqu'au dénouement si implacablement romantique ?
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Est-ce la voix envoûtante de la lectrice ? La poésie de cette prose ? Sans doute l'alliage des deux qui ont fait de l'écoute de ce texte un voyage onirique dans Bruges-la-morte.
Bruges, la grise, que Hugues Viane a choisie après son veuvage, afin que le décor de sa vie et la couleur de son âme soient en harmonie. Lui qui « avait connu l'amour dans le luxe, les loisirs, le voyage, les pays neufs renouvelant l'idylle. Non seulement le délice paisible d'une vie conjugale exemplaire, mais la passion intacte, la fièvre continuée, le baiser à peine assagi, l'accord des âmes, distantes et jointes pourtant, comme les quais parallèles d'un canal qui mêle leurs deux reflets. »
Respectueusement il garde, osant à peine y toucher, les objets lui rappelant son amour, et surtout une tresse de cheveux couleur d'ambre. Mais son culte va jusqu'à suivre et bientôt fréquenter une femme, une silhouette d'abord aperçue dans la rue et qui ressemble tant à la femme aimée.
« En regardant Jane, Hugues songeait à la morte, aux baisers, aux enlacements de naguère. Il croirait reposséder l'autre, en possédant celle-ci. Ce qui paraissait fini à jamais allait recommencer. Et il ne tromperait même pas l'Épouse, puisque c'est elle encore qu'il aimerait dans cette effigie et qu'il baiserait sur cette bouche telle que la sienne. »
Pourra-t-elle se substituer à la défunte ?


Challenge 19ème siècle
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"Décidément
il était le bon génie de la cité, qui la révélait à elle-même,
lui mettait au jour d'occultes trésors, qu'elle ignorait.
Georges Rodenbach, ... "Le Carillonneur"
« Ay Marieke ....Marieke je t'aimais tant
Entre les tours de Bruges et Gand
Ay Marieke....
Marieke il y a longtemps ... »
chante le Grand Jacques

« C'est tout là-bas, parmi le nord où tout est mort :
Des beffrois survivant dans l'air frileux du nord »
chante Grand Georges
( Georges Rodenbach - poème, paysages de ville ( XIV) )
« leçon de silence venue des canaux immobiles, à qui leur calme vaut la présence de nobles cygnes »
« J'ai voulu montrer combien par un seul trait, on pouvait évoquer tout un paysage, des côtes découpées, des récifs… Et ainsi toucher l'infini. »
Fabienne Verdier

« Cela sent la mort ,le Moyen-Age, Venise en noir, les
spectres routiniers … cependant Bruges s'en va, elle aussi » Charles Baudelaire

les marbres portent,
les mantes noires ,
la nuit coule et les âmes pleurent…

« Ay Marieke Marieke il y a longtemps ... »
« il flotte une odeur de linge humide, de coiffes défraîchies à la pluie,... »
« Ils peignent comme on prie »…
ils peignent la lumière ...à s'y méprendre..
L'illusion crée la profondeur.
Du pain béni. ...
....Elles murmurent,
elles espionnent, elles trottent ,
se signent , se faufilent.
Les miroirs de Bruges ont leurs servantes.
Bruges la froide, Bruges la morte…
étonnante création.
Bruges ... « soror dolorosa » ...
« pénétrations de l'âme et des choses »,
« nous entrons en elles tandis qu'elles pénètrent en
nous, »... Bruges, ...cette morte.

« Toute cité est un état d'âme ».
Bruges la morte... , étrange roman,
qui me fait découvrir une ville que je pensais... mais ignorais.
Bruges, les « Bruges »,
ville pleine, ville vide, ville ombre, ville flamme, ville chant, ville psaume, ville glas, ville tocsin, ville seule , ville pardon, ville songe, ville fantôme, ville refuge, ville dérive, ville phare.
Les Flandres se dressent, se reflètent, les Flandres
regardent, scrutent, dominent.
Bruges , la Venise du Nord. Bruges l'espagnole,
Bruges la catholique, Bruges l'étrange..,
la mystique, la gardienne.
« La ville est une sirène qui fait perdre la mémoire à celui qui la façonne afin qu'elle puisse conserver son âme. Architecture mnémonique.
Prend garde conquérant !
La ville peut te transformer en esclave.
La ville tient registre d'elle même.
Par les signes qu'elle porte en elle elle offre un nouveau langage à l'homme.
Signe de pouvoir, de servitude, de magnificence,
de plaisir , de rêve.
Tout fait signe dans la ville.
Celui qui a reçu la lecture des signes d'une ville ,
où qu'il se trouve tentera de retrouver ces signes n'importe où.
C'est le langage de la ville qu'il l'occupe à présent,
qu'il a à l'esprit.
"Il ne sait plus voir dans un vol d'oiseau l'arrivée d'un orage mais à présent il reconnaîtra le visage d'un dieu dans l'écorce d'un arbre... » ainsi commentais-je
les Villes Invisibles d'Italo Calvino.
L'empreinte qu'une ville nous laisse est elle plus marquante que la forme que nous lui donnons ? …
Bruges , tout là bas, parmi le nord...
Bruges toujours muette , et de ce saint-sang coule en corps.

Astrid Shriqui Garain
Lien : https://dutremblementdesarch..
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Mon Dieu que la lecture de ce roman me fut douloureuse, déchirante même jusqu'aux larmes et délicieuse à la fois. Etrange paradoxe d'un coeur qui se remplit de bonheur à tant de beautés sombres, d'errances désespérées mais qui s'apaise et se rassure à la déraison et à la douleur d'un semblable.
Bruges, l'inaccessible aurait-elle étouffé mon deuil ? Je l'ai vue ensoleillée et gaie pourtant et dans tous les cas, il était impossible de ne pas tomber sous son charme romantique.
Je reste ému d'admiration devant l'intelligence et la subtilité de l'écriture de Georges Rodenbach comme rarement j'ai pu l'être à la lecture d'un livre. Trouver les mots justes, se mesurer dans la retenue, user avec sens et délicatesse de tous les ressorts de son scénario sont les marques du grand talent de ce poète belge si peu connu qui signa ici un chef d'oeuvre.
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Ce texte charmant et mélancolique à l'écriture un peu surrannée me fait penser à une vieille dame en crêpe et en dentelles sur fond de robe noire qui, telle Bruges en ses rues, nous raconterait à travers les méandres de ses souvenirs l'histoire d'un amour mort qui finira mal à trop vouloir en entretenir la mémoire en confondant passé et présent, réalité et imaginaire.
Jolie promenade au coeur de Bruges, ce récit nous plonge dans l'essence d'une ville qui, pour être devenue très touristique n'en demeure pas moins profondément authentique, et garde de son passé la beauté et l'austérité d'une ville du nord, entre nostalgie et présence d'un passé relativement ancien mais qui semble si proche. Bel écrin pour une histoire d'amour tragique, Bruges-la-Morte porte l'écriture infiniment poétique de Rodenbach comme une partition la musique, et nous emmène au coeur de ce qui ne reviendra plus mais ne s'oubliera pas.
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Recommandé par un pote aussi voire encore plus amateur du XIXème siècle, LE siècle de la littérature comme le dit Babelio, que moi, Bruges-La-Morte est typiquement l'oeuvre faite pour moi : un veuf exilé dans son deuil, en proie à l'éternelle mélancolie, l'apitoiement quotidien, qui tombe un jour, au détour des ruelles où il noie sa peine, miracle, sur le sosie de sa bien-aimée, qui l'obsède dès lors... Ce scénario vous rappelle quelque chose? C'est bien normal, pas mal d'oeuvres l'ont repris, du roman dont est inspiré Sueurs froides d'Hitchcock, jusqu'à... un épisode de la série Highlander que j'avais vu quand j'étais petit!

Comme le disent les commentaires de l'édition Garnier Flammarion, la ville de Bruges est un personnage à part entière. Elle incarne dans son entier le deuil du protagoniste, ville qui pleure, ville grise. Elle est également le reflet de la Morte, comme il l'appelera tout le temps, sa douce défunte, d'où le titre... Puis, lorsqu'il commence à faire honte à sa mémoire en fréquentant Jane comme substitut et palliatif à son irrémédiable absence, le corps religieux chrétien de Bruges prendra de plus en plus d'importance, en accord avec l'aggravation de son péché, jusqu'à la toute fin... Roman symboliste donc, où chaque image a son importance, reflet des états d'âme du personnage. Jane a beau ressembler à la Morte, elle est une actrice, ses cheveux sont teints, faits très importants, qui ajoutent au simulacre peu à peu ressenti par le personnage d'Hugues Viane... La salle, chez lui, où il garde sous verre, la chevelure de feu son amour, est une merveille du romantisme qui ravira les amateurs comme moi, et fera sans doute immédiatement songer à La Belle et la Bête de Disney avec la rose!

Et c'est cette tresse, relique sacrée, qui deviendra à la fin l'instrument de la tragédie dans un dénouement tout de même inattendu. Personnellement, je pensais qu'elle tomberait en poussière au moment où Hugues accomplirait le péché suprême avec Jane, mais c'est encore autre chose...

Très beau roman (photo en plus, le premier de l'Histoire, si je ne m'abuse, les images de Bruges renforçant l'ambiance de tourment mélancolique) du XIXème, avec tout ce que l'on aime d'enflammé et de poignant dans ce magnifique siècle. Seul regret : la trop forte présence de l'isotopie et des références chrétiennes, parfois inutiles, et pénibles quand on est pas versé dans cette religion. Notre-Dame de Paris d'Hugo, chef d'oeuvre incontestable, avait réussi le tour de force de ne pas agacer le lecteur d'un torrent de chrétienté alors que le poids de l'instance religieuse comme patronne de la tragédie, comme il se doit, était bel et bien ressenti dans le roman, et pesait lourd de sa menace.... Rodenbach n'a pas réussi à atteindre le juste milieu. Les passages avec Barbe, domestique pieuse, vous irriteront, sauf si vraiment, vous avez l'amour des rites et cultes chrétiens et des napperons...
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Le poète symboliste Georges Rodenbach aurait sans doute été surpris de nous suivre dans les rues de Bruges en ce dernier dimanche d'été. Des trottoirs si bondés qu'il fallait éviter l'accrochage avec les calèches de touristes, le rythme ahurissant des bateaux cartes postales et la quête lassante d'une place libre aux terrasses bourdonnantes des tavernes... Guère d'austérité intimidante à l'ombre des hautes tours qui sauvaient plutôt des rayons d'un soleil meurtrier. Loin d'une ville éteinte dans la méditation, c'était une ville en commerce.

J'ai imaginé apercevoir la démarche somnambule de Hugues à la recherche désespérée de sa disparue, la gouvernante Barbe (saveur de ces horribles vieux prénoms !) en mante noire filant aux vêpres, la silhouette évanescente d'un fantôme blond qui serait Jane.... Juste des excursionnistes heureux, curieux, avec des allures d'insouciance sans nuage.

Les êtres de ce conte gardent en moi une telle présence, confuse mais forte, qu'en débouchant dans le vieux béguinage, j'ai songé que s'y trouverait au milieu ce mouton comme "dans une prairie de Jean van Eyck"... C'était donc là que vivait soeur Rosalie, la seule parente de Barbe; là aussi que celle-ci accourut le coeur en fête en un Pâques lumineux, pour y vivre ses rares joies autour des offices.

Ah bien sûr, l'écriture est vieillotte, et c'est mortuaire. Mais l'atmosphère persiste. le symboliste a réussi son alchimie, malgré l'irrémédiable vieillissement du texte.

Marqué par ce récit, l'ayant écouté sur MP3 l'hiver passé comme un feuilleton (est-ce pour cela que les cloches monotones continuent à résonner en moi ?), j'ai accueilli avec plaisir l'initiative des éditions ONLIT de publier ce classique en numérique. Il accompagne quatre autres romans belges du 19ème siècle dont "Un mâle" du trop peu reconnu brabançon Camille Lemonnier qu'apprécia Maupassant et la très traduite "Légende d'Ulenspiege"l (700 pages) de Charles de Coster. Ajoutez-y André Baillon et Verhaeren. Malgré des ebooks résolument tournés vers le contemporain, l'édition numérique belge veut néanmoins ratisser large en cette rentrée.

Pour se montrer constructif, au chapitre des regrets, l'absence d'images: l'introduction de Rodenbach annonce des illustrations intercalées entre les pages qui ne figurent pas dans la version numérique. Légère frustration mais, comme pour les renvois automatiques de notes, on attendra l'évolution des formats et des logiciels.

Le récit (publié d'abord en feuilleton en 1892) est celui d'un veuf inconsolable dont l'épouse morte réapparaît soudain dans les rues de Bruges, sous la forme d'un sosie de la bien-aimée. Confronté à cette ressemblance qui l'aveugle et le grise jusqu'au scandale, l'homme se heurte à sa gouvernante pieuse, aux brugeois médisants mais aussi à la véritable nature de la remplaçante. le drame peut se jouer sous les cieux bas et les dentelles de pierre de la Venise flamande.

Lisez cet ancien conte, vous retournerez peut-être à Bruges avec d'autres yeux...

Lu en numérique au format ePub, dans le cadre du club des lecteurs numériques.
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